Porto Alegre, 26 janv. 03 [AlterPresse] --- Le système médiatique, tel qu’il fonctionne actuellement, a été sévèrement critiqué ce 26 janvier par 4 personnalités bien connus du monde de la communication, qui prenaient part au Forum Social Mondial de Porto Alegre, au Brésil.
Ignacio Ramonet, du mensuel Le Monde Diplomatique, a présenté les grands médias comme "les acteurs principaux de la globalisation". Ce sont, selon lui, des multinationales qui englobent toutes les formes et moyens de communication à l’echelle planétaire.
Abandonnant leur role de "quatrième pouvoir ou contre pouvoir", les grands médias se sont "unis au pouvoir" pour opprimer les peuples, a affirmé Ignacio Ramonet. Face à cette situation, il a proposé la mise en place d’un Observatoire International des Medias, qui devrait être lancé ce 27 janvier à Porto Alegre.
Cet Observatoire International des Médias constituera, selon Ignacio Ramonet, "un cinquième pouvoir" qui s’opposera au "pouvoir dominant". Ce sera, a-t-il ajouté, une "arme nouvelle pour un nouveau millénaire".
Pour Ignacio Ramonet, le Venezuela, qui connait une crise politique depuis plusieurs semaines, est un cas typique où les médias "assument le pouvoir idéologique contre les réformes sociales". Cette situation pourrait bien se produire également en Equateur et au Brésil, a-t-il mis en garde.
En Equateur, l’ancien Colonel putschiste Lucio Gutierez, qui avait pris part à une révolte indigène, est entré en fonction le 15 janvier dernier après avoir été élu président. Au Brésil, le leader de gauche Inacio Lula da Silva est au pouvoir depuis le premier janvier, après un triomphe électoral.
Ignacio Ramonet a en outre repris le concept d’"écologie de l’information", lancé l’anneé dernière au deuxième FSM de Porto Alegre. Il faut, a-t-il affirmé, "exiger que les journalistes agissent selon leur conscience et non en fonction des intérêts de ceux qui les emploient", exiger "plus d’éthique", le respect de la vérité et des règles déontologiques.
De son coté, Sally Buch, de l’Agence Latino Américaine d’Information (ALAI) a estimé que le principal défi consiste a "développer un agenda social de la communication" en considérant la communication comme "un droit humain fondamental et stratégique". Pour elle, le combat en faveur de la "démocratisation de la communication" représente une des luttes clés de ce siècle, et comme telle, elle doit figurer dans l’agenda des mouvements sociaux.
Developper un agenda social de la communication, passe par un ensemble d’axes qui concernent divers sécteurs, selon ce qu’a affirmé Sally Buch. Cette agenda doit prendre en compte, a-t-elle dit, la nécessité de lutter contre la concentration des médias, pour l’établissement de politiques publiques de communication, de politiques de participation des citoyens aux processus de communication et la defense d’une information indépendante.
Il faut aussi, a poursuivi Sally Buch, veiller à ce que les médias accomplisent leur travail comme "un service social", contribuer à ce que les individus soient considérés comme citoyens et non comme "consomateurs des médias" rejeter le langage sexiste et conbattre "l’invisibilisation des femmes en tant qu’actrices et figures d’opinion".
Sally Buch a manifesté sa préoccupation par rapport a l’attitude des pouvoirs vis-a-vis de plusieurs dossiers d’actualité. Elle a estimé que la manière dont le problème de la sécurité des données se pose présentement aux Etats-Unis, met en danger la sécurité des citoyens. Selon elle, l’attitude du gouvernement américain montre que la technologie, qui peut faciliter l’émancipation des acteurs sociaux, peut aussi favoriser l’autoritarisme.
La Philippine Susana Georges, s’est, quant à elle, interrogée sur le rôle des "médias globaux" dans diverses situations observées au niveau du contexte mondial. Elle a stigmatisé l’"homogenéisation des cultures" et la "création d’hypper ennemis fictifs". Elle s’est insurgée contre le fait que la télévision n’ait pas montré les milliers de victimes afghannes de la riposte américaine du 10 octobre 2001, comme elle avait montré la douleur des familles américaines après les attentats du 11 septembre de la même année à Washington et New York.
Susana Georges a dénoncé "la normalisation du militarisme et de la violence" à travers des "tueurs-héros, qui font partie du menu quotidien des médias". Elle a également condamné ce qu’elle considère comme "une croissante alliance entre les multinationales de la communication et les Nations-Unies".
Cette alliance s’explique, selon Susana Georges, par le fait que l’organisation mondiale a, en plusieurs occasions, accepté du financement de la part de multinationales, telle que Time Warner, qui lui a fait don de 10 millions de Dollars. Susana Georges en conclut que les médias globaux "ont un intérêt dans la gouvernance globale" et suggère "une ample résistance à coeur ouvert" et au dela des "idées recues".
Dans la meme veine, le brésilien Eugenio Bucci s’est élevé contre les multinationales de la communication, qui sont, selon lui, "incompatibles avec la démocratie et l’information". A présent, a-t-il affirmé, en plus de "fabriquer la marchandise, les multinationales fabriquent aussi l’image de la marchandise", "en plus de reproduire le capital, elles fabriquent également la representation du capital".
"Tout devient image et spectacle", critique Eugenio Bucci, qui souligne que "le journalisme a été absorbé par le show buisiness". "On ne se rend pas compte que les gens deviennent des marchandises", a-t-il poursuivi, affirmant que "la plus grande production de la télévision ce sont les yeux du public", vendus sans son consentement et sans que rien ne lui soit versé.
Pour Eugenio Bucci, même la guerre est transformée en spectacle. Faisant allusion aux attentats du 11 septembre et leur traitement par les médias globaux, le spécialiste brésilien a lancé : "C’est dans le regard que la guerre commence !"
Eugenio Bucci s’est prononcé enfin pour la construction et le renforcement de moyens publics d’information et de communication en vue de l’épanouissement du droit à l’information et "pour que les citoyens puissent en mesure d’écrire l’histoire avant que le marché l’ecrive à leur place". [gp apr 26/01/02 21:30]