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Haiti : Dix mille tonnes d’avocats exportés vers la Rép. Dominicaine " de manière informelle "

P-au-P., 23 nov. 05 [AlterPresse] --- Environ 20% de la production d’avocats en Haiti seraient exportés vers la République Dominicaine, selon l’agronome Gilles Damais de l’Institut de Recherches et d’Application des Méthodes de Développement (IRAM).

Cette estimation vient d’une étude de la filière d’exportation informelle d’avocats d’Haiti vers la République Dominicaine. La recherche a été conduite par l’IRAM entre mai et août 2005, dans le cadre du Laboratoire des relations haïtiano-dominicaines (LAREHDO).

Haiti produit par an cinquante mille tonnes d’avocats et, de cette production, dix mille tonnes seraient exportées vers la République voisine à travers le commerce transfrontalier informel, précise Gilles Damais.

« Nos estimations actuelles des quantités exportées sont de l’ordre de dix mille pour l’ensemble de la région frontalière, soit une multiplication par deux ou trois des volumes en l’espace de 4 ans », explique-t-il.

Damais déclare que la valeur de ces exportations s’établirait entre 1.5 et 2 millions dollars US pour la saison 2004-2005. Ces chiffres placentl’avocat parmi les produits d’exportation agricoles importants dans le contexte haïtien.

Le commerce transfrontalier de l’avocat aurait démarré dans les zones de la Forêt des Pins et de Baptiste (Est) dès le début des années 1990, souligne-t-il.

Gilles Damais signale aussi que ce volume d’exportation informelle d’avocats dépasse celui des mangues exportées vers les Etats-Unis par le secteur formel.

Selon le responsable de l’IRAM, ce commerce mobilise des centaines de commerçants, transporteurs et travailleurs haïtiens le long de la frontière et la vente directe des producteurs haïtiens aux intermédiaires dominicains n’est pas soutenue puisque les points d’écoulement sont situés en territoire dominicain.

La vente se fait entre intermédiaires haïtiens et dominicains et ces derniers achètent les avocats par douzaine pour les revendre par centaine en République Dominicaine à un prix plus élevé, apprend-on.

Les prix de l’avocat haïtien, de l’ordre de $ 0.05 US la livre à la frontière, sont très compétitifs, selon la même étude.

La République Dominicaine est mieux placée qu’Haïti sur le marché international avec une production estimée à 140.000 TM selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation (FAO, 2004) et se classerait comme 6e producteur mondial de ce produit.

Selon cette même source, les rendements moyens atteints dans ce pays (plus de 10 TM/ha) seraient les plus élevés du monde et les superficies plantées s’étendraient sur 13.500 hectares environ.

Dans son analyse, Damais affirme cependant que les importations en provenance d’Haiti représentent en même temps une part significative de la consommation dominicaine d’avocats. « Les 10 tonnes métriques d’avocats importés compteraient pour environ 8% de l’avocat consommé dans ce pays. »

Le chercheur affirme que le faible prix des volumes importants d’avocats venant d’Haïti et écoulés en République Dominicaine contribue à contenir la montée des prix là -bas dans un contexte d’expansion rapide des exportations. Il précise également que ces importations contribuent par là à la compétitivité de la République Dominicaine sur les marchés internationaux.

Pour une amélioration compétitive de l’avocat haïtien, le représentant de l’IRAM a indiqué trois pistes de solution. Il faut, suggère-t-il, un travail de caractérisation des variétés d’avocats afin de développer la production pour le marché local et
l’exportation.

Les coopératives de café pourraient, à ce titre, être impliquées progressivement dans le conditionnement et la commercialisation d’avocats haïtiens, en lien avec des entrepreneurs dominicains de ce secteur, poursuit Damais.

Il ajoute que la production d’avocats devrait être spécialement encouragée (greffages, pépinières, appuis à la mise en marché) dans toutes les zones montagneuses humides d’Haïti, que ce soit pour le marché intérieur ou pour l’exportation vers la République Dominicaine.

L’avocat est cultivé en Haiti sur presque toutes les altitudes, depuis le niveau
de la mer jusqu’à environ deux mille mètres. Ceci est le résultat de la grande diversité de variétés existant dans le pays. On retrouve les variétés endogènes dites « antillaises » et les variétés de l’Amérique centrale de race guatémaltèque (Guatemala).

L’étude de l’IRAM montre que la consommation per capita d’avocat en Haiti est en nette regression. Elle était estimée dans les années 1970-80 à une quantité qui variait entre dix et quinze kg, soit trente à soixante-dix fruits par personne et par an selon leur grosseur. Aujourd’hui, la consommation est réduite à 5 kg par habitant annuellement, à cause de la dégradation de l’environnement, de la déforestation et du déboisement.[jj re gp apr 23/11/2005 05:00]