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Tunisie : la répression d’Internet jette une ombre sur le Sommet du Net

Communiqué de Human Right Watch

Soumis à AlterPresse le 16 novembre 2005

Alors que le Sommet mondial sur la
société de l’information s’ouvre aujourd’hui à Tunis, la Tunisie
continue d’emprisonner des individus qui expriment leurs opinions sur
le net et supprime les sites internet qui critiquent le gouvernement, a
déclaré Human Rights Watch dans un nouveau rapport détaillé sur la
répression envers les utilisateurs d’Internet au Moyen-Orient et en
Afrique du Nord.

Le rapport de 144 pages, "Fausse liberté : la censure sur le net au
Moyen-Orient et en Afrique du Nord" documentera sur la censure en
ligne et sur les cas dans lesquels des utilisateurs d’Internet ont été
arrêtés pour leurs activités sur le net dans des pays de la région,
incluant la Tunisie, l’Iran, la Syrie et l’Egypte. Ces tentatives pour
contrôler la circulation de l’information sur le net contredisent les
engagements juridiques nationaux et internationaux des
gouvernements pour la liberté d’opinion et d’expression et la propre
déclaration de principes du sommet.

Le rapport est fondé sur une analyse de milliers de sites internet des
pays du Moyen-Orient, et sur les entretiens avec plusieurs écrivains,
bloggers, experts en informatique, et activistes pour les droits de
l’homme

« Les gouvernements du Moyen-Orient devraient prouver leurs
engagements pour la construction d’une société de l’information en
mettant fin à la censure politique des sites internet et en libérant les
écrivains emprisonnés pour avoir exprimé leurs opinons politiques en
ligne, » a annoncé Sarah Leah Whitson, Directrice de la division du
Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord à Human Rights Watch.

Dans les pays où le gouvernement muselle la presse, Internet offre de
nouvelles opportunités pour une plus grande liberté d’expression et de
communication. La vitesse avec laquelle Internet se propage au
Moyen-Orient et en Afrique du Nord témoigne de l’envie grandissante,
dans cette région, d’utiliser un moyen alternatif de réception et de
transmission de l’information.

« Les sites internet en langue arabe ou en farsi peuvent atteindre une
audience de millions de visiteurs, gratuitement et très rapidement, » a
affirmé Whitson. « Cependant, faisant face aux contestations sur
Internet, beaucoup de gouvernements du Moyen-Orient essaient
d’étouffer le mal déjà fait. »

Human Rights Watch s’est aperçu que les gouvernements du Moyen- Orient et d’Afrique du Nord appliquaient des politiques contradictoires
à l’égard d’Internet. Avec plus ou moins d’enthousiasme, ils cherchent
à faciliter la diffusion des technologies de l’information et de la
communication en gardant à l’esprit leurs intérêts économiques. Mais
ils cherchent, en même temps, à garder la main mise sur la circulation
de l’information.

En Tunisie, le gouvernement détient des internautes qui font paraître
leurs critiques sur le net et ferme des sites internet publiant des
rapports sur les abus des droits de l’homme dans le pays. « Quand j’ai
appris, la première fois, que le sommet aurait lieu ici, que la dictature
aurait la chance de se montrer sous son meilleur visage, celui de la
modernité et qu’elle pourrait cacher tout le reste, j’ai vu cela comme
une humiliation » a confié Mokhtar Yahyaoui, du Centre tunisien pour
l’Indépendance de la Justice, à Human Rights Watch.

La police en civil a arrêté le journaliste en ligne tunisien Mohamed
Abou le premier mars 2005. La veille au soir, Abou avait publié un
article, sur un site internet prohibé, qui comparait le Président Zine El
Abidine Ben Ali au premier Ministre israélien Ariel Sharon. Abou
purge maintenant une peine de trois ans de prison à Le Kef, à environ
200 km au sud ouest de Tunis.

En Iran, suite à la fermeture, par le gouvernement, des journaux
réformistes, Internet est devenu le principal moyen de communication
pour échanger librement des informations politiques et des idées.
Aujourd’hui, on compte environ sept millions d’utilisateurs d’Internet
en Iran, et cela alimente maintenant le développement de la société
civile. Le gouvernement y réagit en emprisonnant plusieurs
internautes, bloggers, et administrateurs de sites internet.

En raison de son implication officielle à défendre les droits de
l’homme, Omid Memarian a été arrêté, avec plus de vingt autres
bloggers, en octobre 2004. Il a été mis en confinement solitaire, torturé
à plusieurs reprises et forcé à faire de fausses confessions. Suite aux
protestations internationales, y compris celles de Human Rights
Watch, il a été relâché en décembre 2004.

En Egypte, Internet s’avère être, de même, un bienfait pour le
développement de la société civile et pour la liberté d’information,
mais il provoque aussi quelquefois une résistance du gouvernement.
Les activistes et bloggers égyptiens utilisent désormais Internet, les
messages électroniques, et les sms pour attirer l’attention sur les
violations des droits de l’homme, pour organiser des manifestations, et
même pour harmoniser les slogans chantés lors des protestations. Le
premier site Internet de la fraternité musulmane, discutablement le plus
grand groupe d’opposition d’Egypte, est fermé dans son propre pays.

Le 26 octobre 2005, à 3 heures du matin, des agents de sécurité en
civil ont emprisonné le blogger égyptien Abd al-Karim Nabil
Suleiman à Alexandrie et ont confisqué les tirages de ses écrits en
ligne. Suleiman étudiait la jurisprudence islamique à l’Université Al- Azhar à Muharram Bek, un district d’Alexandrie qui fut, quelques
jours avant son arrestation, le décor funeste d’émeutes sectaires. Le 22
octobre, il avait posté des commentaires sur Internet, critiquant les
émeutiers musulmans et l’Islam.

En Syrie, les autorités censurent avec facilité les informations et les
correspondances grâce aux conditions de la législation d’urgence
promulguée il y a plus de 40 ans. Le gouvernement manipule la
structure même d’Internet, limitant l’usage des règles de base qui
permettent aux gens d’envoyer des messages électroniques et de
construire des sites internet. Les forces de sécurité détiennent des
internautes isolés du monde extérieur et les torturent uniquement parce
qu’ils relatent des histoires que le gouvernement ne voulait pas voir
divulguées.

Malgré ces répressions, les syriens continuent à trouver de nouveaux
moyens pour contourner la censure et la surveillance d’Internet et s’en
sont servi rapidement pour obtenir les nouvelles en Syrie et hors du
pays. Comme un important activiste syrien des droits de l’homme
exposait à Human Rights Watch, « Internet est aujourd’hui, en Syrie,
le seul moyen pour les intellectuels de se rencontrer et de partager des
idées. »

Tunis, le 15 novembre 2005