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Haiti : La double nationalité au delà du processus électoral

Débat

Par Jean Rigaud Buisson

Soumis à AlterPresse le 13 novembre 2005

L’incertain processus électoral connaît un important aspect positif. Il a su faire élever le débat autour de la double nationalité tant en Haïti qu’à l’étranger. La candidature à la présidence de Monsieur Dumarsais Siméus, si audacieuse qu’elle pût paraître, a contribué à connaître l’opinion de plus d’un.

Beaucoup se plaisent aisément à lancer des invectives aux haïtiens naturalisés étrangers qui rêvent de briguer un poste électif dans leur pays d’origine en leur referant aux prescrits de la constitution. Celle-ci est formelle : « la double nationalité haïtienne et étrangère n’est admise en aucun cas. » Dans cette catégorie, on retrouve, en outre, des candidats présidentiels qui sont toujours en possession de leur « Green Card » leur permettant de vivre et de travailler légalement aux Etats-Unis.

D’autres, au contraire, tout en respectant la constitution, se penchent sur la question de la double nationalité avec lucidité. Je suis bien parmi de ceux-là . Loin de faire un plaidoyer pour l’agrément de tout candidat d’origine haïtienne aux postes électifs, je me propose de décrire brièvement, dans le contexte actuel, l’impact économique de l’adoption de la double nationalité pour le pays.

Nul ne peut ignorer le potentiel économique des haïtiens vivant à l’étranger. L’impact économique et financier des diasporas haïtiennes ne cesse de s’accroître. Plus les haïtiens quittent le pays, plus le support financier à leur famille est assuré.

Les diasporas haïtiennes ayant adopté d’autres nationalités peuvent avoir, en plus du souci d’aider leurs proches vivant en Haïti, un regain d’intérêt politique et économique par la reconnaissance de la double nationalité. Cette reconnaissance peut constituer un autre facteur à la création des investissements des ressources financières si assidûment acquises en terres étrangères.

Cependant, la détérioration du politique fait toujours peur aux investisseurs tant nationaux qu’étrangers. La situation d’Haïti est l’exemple le plus frappant. Le climat d’instabilité politique du pays entrave tout potentiel investissement. En un sens, la lutte pour les droits politiques est bien proportionnelle à la lutte pour les droits économiques.

Le secteur privé haïtien semble avoir compris cette logique en combattant du bec et des ongles le régime d’Aristide. Malheureusement en Haïti, on a la mémoire trop courte. On a vite oublié que le régime Lavalas s’était servi du dossier de la nationalité étrangère pour calmer ses opposants, principalement les membres du secteur privé visiblement concernés par la précarité de la situation économique et politique après leur malheureuse tentative de jouer le rôle de médiateurs entre les principaux protagonistes politiques de l’époque.

Les dirigeants haïtiens n’ont jamais cessé de demander au secteur privé d’investir davantage ; la diaspora haïtienne dans son ensemble, considérée comme une vache à lait, est toujours sollicitée à prendre une part active au développement économique du pays. Mais, en matière politique, on tourne le dos à l’une de leurs composantes, les haïtiens naturalisés étrangers. Certains, et pas des moindres, qualifient cette composante d’étrangers -tout court- pendant que les vrais étrangers nous dirigent avec mépris.

Le développement économique d’une nation est indissociable du développement politique. Les droits tant économiques que politiques sont le fondement d’une vraie nation appelée à se construire. Les haïtiens « tout court » et les haïtiens naturalisés étrangers rêvent tous d’un avenir meilleur pour leur chère Haïti.

Jean Rigaud Buisson, jbuisson@ic.sunysb.edu
Stony Brook, 11 Nov. 2005