Prise de position du Comité de Défense de Pitobert
13 janvier 2003
Depuis le jour où les gouvernements haïtien et dominicain ont pris la
décision d’implanter une zone franche dans la plaine de Maribahoux
située à Ouanaminthe, plusieurs organisations nationales, régionales
et internationales n’ont cessé de dénoncer ce projet de l’Etat de
détruire une terre cultivable surnommée le grenier du Nord-Est par les
paysans eux-mêmes à cause de sa fertilité. Ces organisations ont
réalisé plusieurs activités pour signifier leur refus de ce projet
irresponsable et sensibiliser la population aux éventuels impacts de
cette zone franche sur l’environnement de la région.
Citons : les mobilisations du 1er et du 18 mai 2002 et surtout la
rencontre internationale à Ouanaminthe du 14 au 16 octobre 2002 durant
laquelle des représentants de diverses organisations nationales et
internationales ont apporté leur solidarité aux paysans de Maribahoux
menacés d’expropriation sans dédommagement. Plusieurs conférences de
presses et articles publiés dans les journaux ont contribué à informer
la population sur l’évolution de ce dossier. Différents secteurs
comme le GARR, la PAPDA et le comité de défense de Pitobert ont joué
un rôle prépondérant dans cette affaire.
Les actions menées par ces différentes organisations ont poussé le
gouvernement haïtien à sortir un communiqué pour annoncer un
déplacement démagogique du site devant accueillir la zone franche.
Ce communiqué visait à tromper la vigilance de l’opinion publique et
en profiter pour installer la zone franche sur autre terre fertile
appelée " Nan Kakawo" située de l’autre côté de la rivière à seulement
quelques mètres de l’ancien site. Les gouvernements haïtien et
dominicain persistent à vouloir démolir le potentiel agricole de la
région.
Profitant du climat politique tendu actuellement en Haïti et du fait
que l’attention de la population, à la fin de l’année 2002, était
tournée vers la question des produits pétroliers, le pouvoir Lavalas
a signé un accord secret avec l’industriel Fernando Capellan sans en
informer le peuple haïtien. Tandis que M. Capellan annonce pour la
mi-janvier 2003 le début des travaux de construction de la zone
franche, aucun officiel du gouvernement n’a jusqu’à présent jugé
nécessaire de rencontrer les autorités locales et autres personnalités
de Ouanaminthe pour écouter leur avis sur ce projet de zone franche.
Aujourd’hui encore plusieurs aspects de ce dossier restent
inexpliqués.
Tous les secteurs de la nation s’interrogent sur la durée du contrat,
le nombre et la nationalité des ouvriers susceptibles de travailler
dans l’usine, le salaire de ces travailleurs et utilisation des
bénéfices réalisés par la zone franche au profit de la production
nationale et des activités sociales. D’autre part, la question qui
inquiète davantage la population est de savoir si la sécurité dans
la zone franche sera garantie par l’armée dominicaine comme ce fut le
cas lors de la cérémonie inaugurale.
Actuellement, la saison des semailles arrive et les paysans commencent
déjà à préparer la terre. Aucun officiel du gouvernement ne les a
encore contactés pour un éventuel dédommagement alors que l’industriel
dominicain Fernando Capellan annonce pour bientôt le début des travaux
de construction de la zone franche.
Nous soulignons le caractère illégal du contrat liant le gouvernement
Lavalas à l’homme d’affaire dominicain car la constitution haïtienne
stipule qu’aucun étranger ne peut posséder de terres dans la zone
frontalière. Nous rappelons à la mémoire des Haïtiens les mauvais
traitements endurés par les bracéros haïtiens dans les bateys
dominicains et les conditions humiliantes dans lesquelles nos frères
sont régulièrement rapatriés. La zone franche est-elle une manière de
transporter l’asservissement des haïtiens par les Dominicains sur le
sol national même.
Nous faisons remarquer aux analystes que les Dominicains contrôlent
l’économie dans la villede Ouanaminthe. Ils monopolisent plusieurs
secteurs de la vie commerciale tandis que les commerçants haïtiens ne
peuvent traverser pour aller vendre leurs produits dans un marché
prétendu binational.
Ce projet de zone franche démontre la volonté des dirigeants haïtiens
de transformer la zonefrontalière en une colonie dominicaine et
d’augmenter les conflits entre les deux pays.
Face à l’irresponsabilité des dirigeants haïtiens dans la conduite du
dossier sur la zone franche, nous, du Comité de Défense de Pitobert,
nous déclarons que :
La zone franche ne peut s’établir dans la région frontalière
Aucune zone franche ne doit s’établir sur des terres fertiles
disponibles encore en Haïti
Le devoir du gouvernement haïtien consiste à irriguer la plaine
de Maribahoux et à encadrer les cultivateurs haïtiens pour augmenter
et améliorer la production nationale.
Nous comptons sur la solidarité des entrepreneurs, des syndicalistes,
des professionnels, des étudiants, des jeunes, des groupements de
femmes, des paysans et de tous les secteurs intéressés à nous appuyer
dans la lutte contre l’implantation d’une zone franche sur la plaine
de Maribahoux et à exiger du gouvernement haïtien l’irrigation de
ladite plaine.
Comité de Défense de Pitobert