Par Djems Olivier
P-au-P, 20 oct. 05 [AlterPresse] --- Les autorités intérimaires d’Haïti ont manqué à leurs engagements vis-à -vis des sociétaires victimes de la faillite des coopératives en 2002, estime la militante Margaret Fortuné dans un entretien téléphonique à AlterPresse.
L’administration Alexandre/Latortue s’était engagée à débourser 100 millions de gourdes, à raison de 15 millions (de gourdes) par mois, au profit des sociétaires lésés. A date, seulement 45 millions ont été effectivement octroyés, rappelle la présidente de l’Association Nationale des Femmes Victimes des Coopératives (ANFV).
« Le 19 mai 2005, nous avons reçu une première tranche de 15 millions de gourdes du gouvernement de Gérard Latortue ; le 15 juillet de la même année, nous avons reçu une deuxième tranche de 30 millions de gourdes », confirme Margaret Fortuné.
Selon la défenseure des sociétaires, le gouvernement n’a pas honoré la promesse de décaisser 30 millions de gourdes pour permettre aux sociétaires escroqués de faire face aux obligations de la rentrée scolaire (2005-2006).
Margaret Fortuné pointe également du doigt le Fonds Monétaire International (FMI) qui serait contre le processus de remboursement des sociétaires et exercerait des pressions sur les autorités intérimaires haïtiennes.
« Je n’entends dévoiler aucun secret, nous avons donné ce que nous avons promis. Le Fonds Monétaire International considère cet argent comme un argent improductif, il n’y a pas d’obligations légales pour le débourser », a admis récemment le Premier ministre intérimaire Gérard Latortue.
Comme autre facteur de blocage de ce processus, la dirigeante de l’ANFVC évoque le projet du gouvernement de décaisser 55 millions de gourdes à titre de subvention des partis politiques en lice pour les prochaines élections.
Le 13 octobre 2005, le Premier Ministre Gérard Latortue et son Ministre des Finances, Henri Bazin, avaient réfuté les allégations selon lesquelles le montant alloué à la subvention des partis politiques appartiendrait aux sociétaires lésés.
Margaret Fortuné rappelle au Premier Ministre Latortue que la constitution haïtienne de 1987 ne donne à l’Etat le droit de financer les partis politiques qu’après la tenue d’élections dans le pays.
« Nous ne sommes pas contre le financement des partis politiques, mais cela doit se faire suivant les principes établis par la constitution de 1987 », affirme la responsable de l’ANFV.
Fortuné accuse Latortue de supporter l’une des formations politiques ayant des candidats impliqués dans la course électorale.
« 45 millions (de gourdes) sont déjà remis pour le remboursement des sociétaires victimes. Nous aimerions dédommager toutes les victimes de cette escroquerie, mais nos ressources sont limitées », avait soutenu Henri Bazin lors d’un point de presse auquel avait assisté AlterPresse.
Le grand argentier de la République avance que ces Haïtiens s’étaient honteusement trompés en acceptant de s’associer à un mouvement décrié aujourd’hui par les divers secteurs du pays.
« C’est l’une des plus grandes escroqueries que le pays ait connu. Nous avons fait de notre mieux pour aider les sociétaires lésés », explique Henri Bazin.
Le Premier Ministre Gérard Latortue estime, quant à lui, que ce gouvernement va au-delà de ses moyens pour assister les sociétaires qui avaient été abusés par le régime de Jean Bertrand Aristide.
Le chef du gouvernement rappelle qu’une commission a été en ce sens créée. Latortue, qui dit avoir respecté ses engagements à l’égard des victimes de la faillite des coopératives, déclare, sans les nommer, que des « défenseurs » de ces Haïtiens lésés profiteraient de cette crise pour s’enrichir.
« Ils m’ont demandé des véhicules, de l’argent pour aller à l’étranger afin d’enquêter sur les dirigeants des coopératives résidant à l’extérieur du pays. Ils se comportent comme des fonctionnaires, alors que le gouvernement veut aider les victimes », ajoute Gérard Latortue.
En réaction, Margaret Fortuné reconnaît que des demandes de visas et de véhicules ont été formulées par des « individus défendant la cause des sociétaires ». Mais à l’instar du Premier ministre, elle s’est gardée de divulguer l’identité des ces individus.
L’Association Nationale des Femmes Victimes entretient de très bonnes relations avec la Coordination Nationale des Sociétaires Victimes (CONASOVIC) de Rosemond Jean, précise Margaret Fortuné. Une rencontre avec les responsables de la CONASOVIC est prévue, annonce la dirigeante de l’ANFVC.
Par ailleurs, Fortuné fait part de ses préoccupations face à la corruption qui gangrène l’administration publique haïtienne. Selon elle, le Ministre de la Justice est le premier fonctionnaire public habilité à lutter contre la corruption sous toutes ses formes au sein des institutions de l’Etat.
Margaret Fortuné s’en prend à Henri Dorléans qui, selon elle, aurait apposé les scellés sur une maison située au Canapé Vert (Est de Port-au-Prince). Cette maison, évaluée à 240 millions de gourdes, appartient à Wilfrid Boucard, dirigeant de la Coopérative d’Entreprenariat International (CEI).
La responsable de l’ANFV est d’avis que Boucard rentrerait en possession de cet immeuble une fois que les autorités en place cèdent la place au gouvernement issu des prochaines compétitions électorales.
Le scandale des coopératives remonte au début de l’année 2002, lorsqu’une série de coopératives d’épargne et de crédit avait commencé à déclarer faillite, suite à des opérations de rémunération des parts sociales allant jusqu’à 12% par mois. Les pertes étaient estimées à plus de 250 millions de Dollars américains.
Le président, d’alors, Jean-Bertrand Aristide, qui avait toujours encouragé ces activités de coopératives, est tenu pour responsable de cette banqueroute qui a sérieusement affecté des milliers de familles haïtiennes. [do vs apr 19/10/05 9:30]