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Haiti - Elections : Éviter les malentendus du passé [2ème partie / fin]

Par Nathan G. T. Levaillant

Soumis à AlterPresse le 5 octobre 2005

Titre original : Sénatoriales 2000 / Résultats : comprendre comment et pourquoi ? [1]

Passons maintenant à des données réelles. Sont-elles exactes ? Nous ne savons. Elles présentent cependant un grand avantage, elles sont fournies par des gens impliquées comme candidats ou encore mieux par le CEP-2000 lui-même. L’analyse ne sera donc plus abstraite comme elle l’a été jusqu’ici.

D’abord voyons les chiffres fournis dans une insertion payée par le Dr Luc FLEURINORD qui réclame le siège de 1er sénateur du Nord-ouest (Le Nouvelliste du 10 Juillet 2000 # 35993). Nous en tirerons des chiffres officiels de la fameuse Direction des Opérations Electorales du CEP 2000.

A partir de ces données, nous avons calculé (Tableau IV) la fourchette des pourcentages minimum et maximum possibles comme nous l’avions fait pour l’exemple fictif au Tableau III. Comparez les résultats.

Dans un contrôle régulier au meilleur des cas c’est-à -dire là où chaque électeur aurait voté pour deux candidats AUCUN DES CANDIDATS DU NORD-OUEST N’A LA MAJORITE ABSOLUE EXIGEE TANT PAR LA CONSTITUTION DE 1987 QUE PAR LA LOI ELECTORALE DE 1999.

Les autres chiffres que nous avons sont tirés de la contestation du MOCHRENA et de résultats ‘officiels’ tous parus dans CAP EXPRESS (Vol. I, numéro 40 du 29 juin 2000). Voyez le Tableau V.

A la lumière de cette analyse nous pouvons conclure qu’aucun sénateur n’est vraiment élu dès le 1er tour pour les départements du Centre et du Nord-est. Dans l’Artibonite, il y a la possibilité que M. JOSEPH le soit si tous les électeurs ce jour-là avaient voté deux candidats pour occuper les deux postes vacants au Sénat pour leur département. La probabilité est réellement mince pour lui. En effet, si sur 100 votants, 5 ont voté pour un seul candidat au lieu de deux, monsieur Joseph n’est pas alors élu. Donc nous penchons pour la certitude que même lui (Mr JOSEPH) n’a pas obtenu la majorité requise pour occuper ce siège dès le 1er tour.

Si nous disposions des chiffres de référence pour le Nord, l’Ouest, le Sud et le Sud-est nous pourrions effecteur la même analyse. Ce qui ressort de cette étude c’est que sur les quatre (4) départements pour lesquels nous avons des données, un seul des neuf (1 sur 9) des candidats au Sénat proclamés élus par le CEP-2000 aurait une très mince chance de l’être vraiment !


3. Les résultats, la loi électorale et la constitution

Analysons maintenant les faits au regard de la LOI ELECTORALE DE Juillet 1999, concocté par le CEP même et face à la Constitution de 1987. La loi électorale reprend les principes de la Constitution à savoir que les députés, les sénateurs (le président quand c’est le cas) sont élus à la majorité absolue, c’est-à -dire cinquante pour cent plus une (50% + 1) voix au minimum (articles 53 et 64 de la Loi Electorale de 1999). La différence pour réussir est donc très différente avec les exigences pour tous les autres postes électifs où il faut uniquement la majorité simple, c’est-à -dire que le candidat qui a le plus de voix que les autres est élu. Donc pour être député, sénateur, président de la République il ne suffit d’avoir plus de voix que les autres, il faut réunir les voix de plus de la moitié des électeurs ayant voté : s’il y a eu 100 votants tu dois avoir 51 voix au minimum, s’il y a eu 1000 votants, il t’en faut 501, etc. Un électeur, une voix. Les voix font référence aux votants ou électeurs. Il faut bien nous suivre car il y a des subtilités. C’est là où il y des subtilités que l’on subtilise souvent la vérité et la justice. Quand vous votez vous prenez un bulletin de vote pour chaque type de postes à pourvoir. Pour le poste de député vous avez un seul choix, vous ‘croisez’ (cochez) un seul casier. Alors le bulletin est valide. Ici le nombre de bulletins valides est égal à la quantité de voix/votes et au nombre des électeurs.

Par contre, pour les candidats au sénat puisqu’on a la possibilité d’en élire un, deux ou trois selon le cas, on peut décider d’accorder sa préférence ou sa confiance à un seul sur les deux ou trois postes (1/2 ou 1/3), ou à deux sur deux ou trois (2/2 ou 2/3), ON PEUT mettre un bulletin sans rien inscrire c’est le bulletin blanc (0/2 ou 0/3) il n’est pas nul. Contrairement à l’élection des députés, ici seul le nombre de bulletins valides indique le nombre d’électeurs à avoir voté (nombre de bulletins = nombre d’électeurs). Ce nombre devrait servir de base (diviseur) pour le calcul des pourcentages. L’électeur disposant de 1, 2 ou 3 choix selon le cas, ces votes/voix (croix) sont octroyés à qui il veut. Ces voix qu’ils offrent à 1, 2, ou 3 personnes ne sont pas cumulatives entre elles, c’est-à -dire qu on ne pas ajouter les votes obtenus par A,B, C, D, ... ensemble. Si on les cumulait et qu’on les divisait ensuite on n’obtiendrait qu’un chiffre fictif, c’est-à -dire différent du nombre réel d’électeurs ayant voté. Si on le fait ainsi on peut trouver comme effectif supposé un nombre avec une fraction ! Une fraction de personne ne peut voter. Donc cette méthode ne peut être utilisée.

Le CEP-2000 dispose-t-il du vrai chiffre (nombre) d’électeurs à utiliser pour le calcul dans le cas des sénatoriales ? Référons-nous à la Loi Electorale de 1999, allons voir les articles 155, 156, et 157 traitant spécifiquement du dépouillement du contenu des urnes. L’Article 157 est ainsi libellé :

« Par la suite, le Président dresse le procès-verbal de dépouillement constatant :

1. le nombre de bulletins de vote reçus

2. le nombre total de bulletins de vote utilisés

3. le nombre de votes valides en faveur de candidats ou cartels

4. le nombre de votes déclarés nuls

5. le nombre de bulletins de vote non utilisés (art. 154) »

L’article 155 stipule de son côté :

« Pour chaque urne, le président compte à voix haute, au vu et au su de toutes les personnes présentes :

1. Les bulletins de vote valides obtenus par cartel ou candidat

2. les bulletins de vote déclarés nuls »

L’article 156 dit :

« Après avoir compté tous les votes, les membres du BV (Bureau de vote) ont soin de classer les bulletins de vote de chaque urne dans des enveloppes séparée comme suit :

1. Les bulletins de vote valides exprimés en faveur des candidats

2. Les bulletins déclarés nuls »

Grâce à l’article 157 le CEP établit la nuance entre le bulletin et le vote.
Donc le CEP-2000 a bien les informations nécessaires pour les calculs efficaces et réels, et si jamais il y aurait un doute sur le nombre d’électeurs qui servirait de diviseur, alors il n’aurait qu’à aller chercher les pièces à conviction qui ne sont autres que les bulletins valides ou nuls, utilisés ou non qui avaient été soigneusement scellés selon le vœu de la loi dans des enveloppes destinées à cette fin (Art. 154, 155, 160 de la Loi électorale de 1999).

D’un autre côté, la ‘ Formule de calcul du à‡EP-2000’ a-t-il été fixé avant les élections comme ils le disent ? Rien ne le laisse croire. Pourquoi alors les BED (bureaux électoraux départementaux) ont-ils fait leur décompte suivant la voie régulière indiquée dans la Loi électorale publiée et divulguée dans tous les BED et BEC ? Comme exemple il y a les résultats provisoires diffusés par le BED du Sud pour les sénatoriales du 21 Mai 2000 qui différent nettement de ceux publiés par le CEP-2000 !

Nous pouvons donc parler de fraudes de la part du CEP-2000 puisque les résultats sont calculés dans l’irrespect total de la Loi Electorale de 1999 même et de la Constitution de 1987.

4. Pourquoi ces manipulations des sénatoriales

Pourquoi la fraude a-t-elle affecté de façon si crue les sénatoriales, dont un seul aspect a été évoqué aujourd’hui dans notre texte ? Pourquoi ce ‘dappiyan’ (cette razzia) sur les postes de sénateurs ? Quelques analystes se sont penchés sur la question.

Selon eux, le Sénat de la République est le plus puissant corps de l’appareil démocratique créé par la Constitution de 1987. Il siège en permanence soit 365 jours sur 365, contrairement à la Chambre des députés. Il peut ainsi exercer un contrôle permanent sur le fonctionnement de la République. D’autre part, il joue un rôle primordial dans la formation du Conseil Electoral Permanent, la nomination des juges à la Cour de Cassation, de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux administratif, des ambassadeurs, de plus et surtout il peut s’instituer en Haute Cour de Justice pour juger entre autres le chef de l’Etat ... Plus près de nous, François Duvalier ne s’est pas accommodé de la Chambre Haute, il a accepté seulement une chambre de députés ‘’J’approuve’ couchée à ses pieds. Nous voici aujourd’hui dans une situation imposée par la violence.

Les jours qui viennent nous dirons si nous avons raison.

Epilogue :

Cette analyse du comment et du pourquoi des résultats de cette fraude électorale massive a eu quatre ans (2001-2004) pour prouver la justesse des raisons qui ont poussé à la faire. « Ce parlement » s’est caractérisé par sa vassalité au service du maître d’œuvre, grand bénéficiaire de cette mascarade, soit le nommé Jean-Bertrand Aristide. Pendant trois ans Haïti a souffert de la rapacité, la corruption, le vandalisme, la dictature de cette équipe. Le 29 février 2004 devait prouver encore que « Bien mal acquis ne profite jamais », même en politique.

La publication tardive de ce texte aidera le public de citoyens honnêtes, les partis politiques à comprendre mieux le traitement des chiffres électoraux et montrer la nécessité pour que toutes les règles du jeu soient claires au départ pour que la nation connaisse des jours meilleurs dans le respect de la loi et de sa souveraineté._

Nathan G.T. LEVAILLANT
Email : ngtl20@yahoo.com

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[1Note de l’auteur : Le présent article est prêt depuis 2000 mais il n’avait pas pu être publié. Aujourd’hui nous le sortons car il importe que le CEP actuel responsable des élections de 2005 et début 2006 clarifie et fixe de façon précise le décompte des votes pour les sénatoriales avant les joutes, ce pour éviter que des malfrats conduisent le pays à nouveau dans ce type de crise qui le mine, le ruine et le tue.