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Haiti - Elections : Éviter les malentendus du passé [1ère partie]

Par Nathan G. T. Levaillant

Soumis à AlterPresse le 5 octobre 2005

Titre original : Sénatoriales 2000 / Résultats : comprendre comment et pourquoi ? [1]

Le peuple haïtien assiste depuis le 21 mai 2000 à une autre dimension de la grande crise que traverse le pays. Cette expérience est longue, interminable et douloureuse. Il revit hélas l’indifférence des hommes « forts » civils aujourd’hui. Que s’est-il passé vraiment ? S’agit-il d’un groupe de perdants poursuivant injustement des gagnants ? Est-ce simplement une affaire d’étrangers hier en lune de miel et qui aujourd’hui se permettent de s’introduire dans la cuisine ?

Nous allons grâce à ce texte aider tout un chacun à comprendre mieux le débat, ce qui s’est passé pour les Sénatoriales dans le calcul des résultats, comment et pourquoi. Si nous comprenons ce dont on discute on pourra mieux savoir quelle position prendre. Il y a beaucoup d’autres questions que nous pourrions traiter concernant ces élections, mais contentons-nous de cela.

Nous nous attarderons sur le décompte des voix, les résultats publiés, la Loi Electorale de 1999 et certainement la Constitution de 1987.


1. Comment a procédé le CEP-2000 ?

Début Juin, dans une conférence de presse visionnée sur la télévision « gouvernementale » [2], la TNH, le Directeur des Opérations Electorales du CEP (Conseil électoral provisoire) M. Luciano PHARAON a expliqué leur façon de procéder. Nous pouvons résumer son exposé ainsi :

« Les élections pour plusieurs postes de sénateurs en même temps compliquent le décompte. Selon lui, le CEP ne connaît pas le nombre de bulletins valides parce que l’on a seulement fait le comptage des voix (votes). Pour les candidats dans le cas de département où il s’agissait de deux (2) candidats à élire à partir de quel nombre (diviseur) calculer les pourcentages. Si on additionne toutes les voix (croix) obtenues par tous les candidats on devrait ensuite diviser le total par 2 (deux), s’il s’agissait de faire deux choix et 3 (trois) là où il y a eu trois postes à combler. La difficulté, toujours selon ses dires, serait que cela léserait certaines personnes. » Comment ? Malheureusement il ne l’a pas dit.

Là où un électeur n’a voté qu’un candidat au lieu de 2 ou 3, ou s’il a voté pour deux alors qu’il y a trois sièges vides pose problème. Il serait toujours d’après lui impossible de voir de cette façon un candidat dégager la majorité absolue (50% + 1 voix).

Finalement le CEP a opté pour la formule de retenir dans le cas où il y deux (2) postes à combler les quatre (4) candidats ayant le plus de voix ou les six (6) premiers dans le cas de trois (3) postes. Cette procédure concoctée a offert les « super » résultats que l’on sait et du coup le deuxième tour n’était plus nécessaire pour les sénatoriales.

Grâce à cet astuce le parti au pouvoir rafle 16 (seize) sièges de sénateurs sur les 17 soit 94% des places en net contraste avec les 35% d’élus obtenus au 1er tour pour les députés (26/73). Seule la « formule trouvée » expliquerait que les sénatoriales soient beaucoup plus faciles que les élections de députés.


2. Illustrations de la méthode employée

Illustrons pour mieux comprendre la méthode revendiquée par le CEP-2000. Nous présenterons d’abord un exemple fictif, ensuite des données réelles pour appuyer la démonstration. Ces données nous les avons eues alors que notre première version du texte était terminée depuis des semaines. On a l’impression que les chiffres concrets sont cachés quelque part, très peu ont été diffusés. Les chiffres sont peut-être trop bavards !
L’exemple fictif est simple. Il y a dix (10) candidats (A, B, C, D, E,...J) au sénat et deux (2) doivent être élus. Dans le tableau 1, colonne 1 se trouve le nombre de voix qu’ils ont chacun obtenues. Si nous additionnons toutes les voix (votes) on obtient 253. Combien d’électeurs y a-t-il eu pour pouvoir calculer les pourcentages obtenus par chaque candidat ? Selon M. PHARAON du CEP, on ne le sait pas. D’après ce qu’il a dit si on divisait le total des voix (253) par 2 (deux) puisque chaque votant devait désigner deux personnes cela « lèserait certains candidats ».

Que ferait le CEP-2000 dans ce cas ? (cf. : Tableau 2)

Suivant « sa formule » puisqu’il (le CEP-2000) ne connaît pas, d’après leurs déclarations, le nombre de votants (électeurs) il choisit les quatre (4) candidats ayant le plus de voix soit A, B, C, D (cf. : Tableau #2). En additionnant leurs voix on obtient un total de 185 et en le divisant par 2 (deux) on a le nombre (DIVISEUR) par rapport auquel calculer les pourcentages, soit 92.5 votants ! Avec ce diviseur les 4 premiers candidats obtiennent : A - 64.86% ; B - 59.46% ; C - 48.65% et D - 27.03%. Ainsi suivant cette méthode A et B sont élus sénateurs avec la majorité absolue nécessaire. Est-ce la bonne formule ? Est-ce juste ? Est-ce légal ? Est-ce constitutionnel ? Est-ce équitable ? Est-ce honnête ?

Sans encore rentrer dans l’aspect légal de la question regardons de plus près ce qui arrive avec la « formule CEP-2000 » pour résoudre le problème et « léser le moins de personnes possible » pour les répéter. Revenons-en aux données de base du Tableau I. Regardons de plus près le total des voix (avec l’hypothèse que nous ne connaissons pas le nombre réel d’électeurs ayant voté validement ce jour-là ). Si chaque votant (personne) avait choisi deux (2) sénateurs (2 croix dans le bulletin de vote), ils seraient 126.5 électeurs ou votants, arrondissons à 126 car il n’y a pas de demie personne ! Donc, c’est le minimum de personnes qui auraient voté validement. Le maximum de votants possible serait le cas où chaque électeur n’aurait coché qu’un candidat, donc il y aurait au grand maximum dans l’exemple présenté 253 électeurs à émettre un vote valide.

En gardant tous les candidats (A à J), si nous divisons le nombre de voix obtenues par l’un d’entre eux par 126 multiplié par 100 nous aurons le pourcentage maximum de suffrages qu’il aurait pu obtenir. Si par contre nous divisons le nombre de voix (croix) par 253 multiplié par 100 nous obtiendrions le pourcentage minimal de voix qu’il pourrait avoir (cf : Tableau 3). Si le nombre exact de votants n’est pas révélé, seule la fourchette située entre ces deux nombres extrêmes peuvent nous guider pour savoir ou au mieux découvrir s’il y a eu manipulation ou non du vote sacré des électeurs souhaitant si ardemment une vraie démocratie en Haïti.

En comparant les meilleurs résultats possible (avec seulement 126 votants au quotient) dans l’exemple proposé et ceux obtenus par la « Formule CEP-2000 » on peut parler d’EFFET DOPANT de celle-ci. Les résultats de A, B, C, D grossissent à vue d’œil. Grâce à ce tour de magie A et B sont élus aisément dès le premier tour alors qu’ils devraient se rendre au deuxième tour avec C et D. Par cette méthode les autres candidats sont simplement ignorés. Est-ce légal ? Est-ce équitable ? Est-ce loyal ? Peut-on éliminer ainsi la voix des autres électeurs ? Est-ce cela la démocratie ?
(A suivre)

Nathan G. T. LEVAILLANT
Email : ngtl20@yahoo.com

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[1Note de l’auteur : Le présent article est prêt depuis 2000 mais il n’avait pas pu être publié. Aujourd’hui nous le sortons car il importe que le CEP actuel responsable des élections de 2005 et début 2006 clarifie et fixe de façon précise le décompte des votes pour les sénatoriales avant les joutes, ce pour éviter que des malfrats conduisent le pays à nouveau dans ce type de crise qui le mine, le ruine et le tue.

[2Cette perception de la TNH remonte à son comportement pendant la période.