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HaitiWebdo - Numero 35

Un sérieux avertissement au gouvernement lavalas de la part des secteurs sociaux : une grève appelée par les syndicats de transporteurs, contre une forte augmentation du prix de l’essence, paralyse Haïti. Un "wake up call", disent certains confrères. Le gouvernement aura-t-il un autre choix que de reculer, comme dans le cas de l’université, à la fin de l’année dernière ?

Spécial

LE SOCIAL, TALON D’ACHILLE DU POUVOIR LAVALAS

L’année 2003 démarre sur un sérieux avertissement pour le gouvernement lavalas au pouvoir, avec une grève des transports, transformée en grève générale. Le mouvement a totalement paralysé les activités à la capitale et dans la plupart des villes de province.

Une dizaine de syndicats de transporteurs ont appelé à un arrêt de travail pour la journée du 7 janvier, afin de forcer le gouvernement à surseoir sur une sévère mesure d’augmentation des prix des produits pétroliers, annoncée le premier janvier. Les prix ont connu une moyenne d’augmentation de 50 a 60%. Par exemple, pour le gasoil, qui est l’essence la plus utilisée, au niveau du transport public et des voitures de service, le prix a évolué de 30,50 G a 56,00 G.

Ce 7 janvier Port-au-Prince était une ville morte. Le transport public était quasiment inexistant. Les divers circuits de la capitale n’ont pas été desservis. Les autobus reliant la capitale à la province sont restés stationner dans les gares. La compagnie mixte de transport "Service-Plus" était incapable d’éponger une demande démesurée. Des foules de passagers qui voulaient se rendre à leurs activités quotidiennes ont du rebrousser chemin.

Le grand commerce et les banques ont fermé leurs portes alors que les étalagistes etaient très peu nombreux dans les centres commerciaux. L’administration publique a également été paralysée, faute de fonctionnaires. La rentrée scolaire du deuxième trimestre, fixé pour le 7 janvier, n’a pas eu lieu.

La même situation a régné dans la plupart des villes de province, selon les rapports communiqués par les correspondants locaux.

Cette journée, qui rappelle les mouvements de la fin des années 80 contre les gouvernements militaires, s’est généralement déroulée dans le calme. Dans plusieurs quartiers, les rues se sont transformées en terrain de foot-ball ou de basket-ball.

Cependant, quelques actes de violence ont été relevés, selon des informations diffusées par Radio Kiskeya. A Martissant, périphérie sud de la capitale, trois personnes ont été blessées par balles. A Ganthier, petite ville située au nord-est de Port-au-Prince, des jets de pierres ont fait plusieurs blessés.

Joseph Montes de l’Inter-syndical, une des organisations à la base du mouvement de grève, a salué le respect général du mot d’ordre. Les secteurs politiques de l’opposition, notamment la Convergence Démocratique, ont également applaudi le succès de la grève du 7 janvier et rendu le pouvoir lavalas responsable de la situation catastrophique, dans laquelle se trouve le pays.

Le ministre du commerce Leslie Gouttier a fait savoir que le gouvernement ne reviendrait par sur sa décision. Pour le gouvernement, le blocage de l’aide internationale empêche toute subvention du prix de l’essence, dont le prix a augmenté sur le marché international. Revenir sur les nouveaux prix, équivaudrait, selon les responsables, à débourser annuellement 2 milliards 400 millions de gourdes pour subventionner l’achat du pétrole.

La structure des prix des produits pétroliers est telle que les taxes et droits de douane s’élèvent à environ 37% du prix à la pompe. Dans le cas de la gazoline supérieure qui coûte 85,00 Gourdes le gallon à la pompe, la part qui revient à l’Etat est de plus de 31,00 Gourdes. La marge bénéficiaire des compagnies pétrolières et distributeurs est respectivement de 8,47 Gourdes et 7,31 Gourdes. Le pourcentage des recettes gouvernementales est cependant moindre sur le Diesel. Sur un gallon de gasoil, les taxes et droit de douane s’élèvent à 7,57 Gourdes, contre 6,00 Gourdes aux compagnies et 4,29 Gourdes aux distributeurs.

Les responsables syndicaux estiment que le gouvernement est en difficulté financière, à cause de ses trop nombreuses dépenses politiques. Selon eux, les dirigeants lavalas dépensent des millions pour rémunérer le lobby international, la compagnie étrangère privée qui assure la sécurité du président Jean Bertrand Aristide et la violence contre des manifestations citoyennes.

La dernière augmentation des prix de l’essence a déjà des effets négatifs sur tous les secteurs de l’économie haïtienne déjà mal en point. On enregistre déjà une augmentation générale des prix, ceux des produits de première nécessité, mais aussi ceux des services, car le carburant est pour le moment la principale source d’énergie électrique dans les secteurs commercial et industriel.

A la fin de l’année dernière, face à la mobilisation dans les milieux étudiants qui avaient bénéficié de l’appui de plusieurs secteurs, le gouvernement avait du reculer sur une disposition de remplacement du Conseil Exécutif élu de l’Université d’Etat par un Conseil Provisoire nommé.

Les problèmes économiques et sociaux, qui représentent un défi énorme pour le pouvoir en place, s’ajoutent à des difficultés politiques demeurés, plus de deux ans après les dernières élections, insolubles. Le premier janvier dernier, a l’occasion du 199ème anniversaire de l’indépendance du pays, le Président Jean Bertrand Aristide déclarait que 2003 serait une année électorale. Mais l’opposition et divers secteurs devant déléguer leurs représentants au Conseil Electoral Provisoire, continuent de juger les conditions inadéquates.