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Haïti-Elections : Doutes et suspicions sur les capacités administratives de l’organisme responsable

P-au-P, 06 oct. 05 [AlterPresse] --- Plusieurs partis politiques ainsi que d’autres secteurs vitaux en Haïti ont renouvelé cette semaine leurs appréhensions sur les capacités du Conseil Electoral Provisoire (CEP) à pouvoir mener, à bon port, le processus entamé depuis 2004 et devant conduire à la tenue d’élections présidentielles et législatives, les 20 novembre 2005 et 3 janvier 2006, puis municipales et locales le 11 décembre 2005, suivant un constat dressé début octobre 2005 par l’agence en ligne AlterPresse.

Les frictions internes, qui avaient conduit à la démission en 2004 de l’ancienne présidente Roselor Julien, ne se seraient pas apaisées, si bien que l’un des 9 conseillers électoraux Patrick Féquière a ouvertement, la semaine dernière, exprimé des réserves quant aux aptitudes, voire aux prédispositions de l’actuel organisme à pouvoir tenir ses engagements, même pendant l’année 2006. Ce qui signifierait un renvoi sine die de la fin de la période de transition, qui remonte globalement à 1986, date de la chute de la dictature de Jean-Claude Duvalier.

Différentes organisations et institutions, dont le Conseil des Sages, qui aurait dû jouer le rôle d’institution de consultation auprès de l’administration politique intérimaire issue du 29 février 2004 (date de la chute du régime lavalas), avaient, sans ambages en 2004, réclamé purement et simplement la démission en bloc des conseillers électoraux pour éviter la répétition de désaccords publics, susceptibles de compromettre le processus électoral.

Au lieu de fonctionner comme un Conseil d’Administration définissant la politique électorale et supervisant l’application des plans décidés, les 9 membres du CEP se seraient plutôt confinés à des tâches d’exécution, selon un avis formulé en maintes fois par le Conseil des Sages.

Le nombre potentiel d’électrices et d’électeurs, préalablement estimé à plus de 4 millions et demi de personnes, au regard des données obtenues de l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI), a été réduit par le CEP à environ 3 millions et demi, d’après des calculs ignorés du grand public.

La stratégie adoptée pour l’inscription, des potentiels votants, aurait privilégié les habitantes et habitants des villes, au détriment des paysans vivant dans les sections communales, avait dénoncé un regroupement d’organisations exigeant des réformes profondes sur la question de l’Etat civil en Haïti.

Début septembre, un nouveau scandale est sorti au grand jour avec des affirmations et des dédits parmi les membres de l’organisme au sujet d’un calendrier définitif retenu pour les scrutins annoncés.

La publication d’une liste des partis autorisés, puis des candidats agréés, jette encore du discrédit sur un processus électoral, visiblement en panne et échappant au contrôle des nationaux au profit des décideurs internationaux à différents niveaux : équipements et matériels, mise en place technique, dispositifs humains pour garantir une maîtrise appropriée des nouvelles technologies (susceptible de prévenir les fraudes et manipulations intéressées), choix de lieux ou de locaux d’inscription et de vote, fonds nécessaires à l’opérationnalisation, fabrication des cartes digitalisées (contenant les empreintes des citoyennes et citoyens, pour la première fois dans les annales haïtiennes), impression des bulletins de vote...

Rien n’a été fait entre-temps.

Ce n’est seulement qu’après les doutes émis par des représentants de la communauté internationale, au lendemain de la soixantième Assemblée générale des Nations Unies de septembre 2005, que certaines dispositions de palliatifs ont été prises. Le 30 septembre 2005, un comité d’appui au CEP a vu le jour au Palais National.

Des failles dans l’enregistrement des candidatures

L’agence en ligne AlterPresse a observé, le 4 octobre, un branle-bas inhabituel au Bureau Electoral Départemental (BED) de l’Ouest.

D’une part, les autorités électorales haïtiennes paraissaient embarrassées sur les bouchées doubles à mettre dans le sens d’une activation dans la publication d’une liste définitive des candidats habilités à faire campagne à compter du 8 octobre 2005 sur tout le territoire national.

D’autre part, les partis politiques étaient venus aux renseignements sur les motifs de la non acceptation de leurs candidats, dont un bon nombre mettait en cause la bonne foi des conseillers électoraux à propos des décisions prises à leur encontre.

Pour faire suite à la rencontre du 30 septembre 2005 au Palais National, une séance de travail a eu lieu, le 4 octobre, avec la Ministre de la Culture et de la Communication, Magali Comeau Denis, membre de l’instance gouvernementale chargée d’encadrer le CEP dans l’accomplissement de ses responsabilités.

Le problème, posé après la publication de la liste des candidats au sénat, était au centre des discussions, si l’on s’en tient aux propos du conseiller Louis Gerson Richemé.

« Nombreux sont les dossiers de candidats qui n’ont pas été étudiés, nous allons travailler là -dessus », a déclaré le responsable de la cellule de communication du CEP. Le président de l’organisme électoral avait demandé aux partis politiques de revenir avec ces dossiers en vue d’une reconsidération, a rappelé Richemé.

Dans l’après-midi du 4 octobre, plusieurs candidats, dont les dossiers n’avaient pas été pris en considération, ont déclaré à AlterPresse être très confiants quant à leur réintégration dans la course électorale.

Outre la mise à l’écart de certains compétiteurs, Louis Gerson Richemé a relevé que, dans certaines circonscriptions, un seul parti ou regroupement politique est représenté par deux candidats à la députation. Ce qui est tout a fait inadmissible, selon le conseiller Richemé.

Le 30 septembre, le CEP avait publié une liste de 900 candidats qui ambitionnent de briguer des postes de sénateurs et députés lors des prochaines élections législatives. Des partis politiques, dont l’Organisation du Peuple en Lutte (OPL), le Front de Reconstruction Nationale (FRN) et le parti Pou Nou Tout (PONT=Pour nous tous), ont eu plusieurs de leurs candidats écartés de la course.

Depuis le 1er octobre 2005, les responsables de ces partis n’ont pas cessé de défiler au siège du Conseil Electoral Provisoire dans la perspective d’une reconsidération de leurs cas.

La question de la double nationalité de certains prétendants chefs d’Etat a été évoquée à la presse. Les noms de Paul Denis (OPL), Serge Gilles (FUSION), Charles Henri Baker (KONBA), Jean Marie Chérestal (PONT) et Samir Mourra (Mobilisation pour le Progrès d’Haïti, MPH) sont les plus cités.

Serge Gilles a présenté à la Presse, le 5 octobre, des copies de documents pour attester de sa nationalité haïtienne et de l’absence de preuves indiquant qu’il aurait pris la nationalité française. Le candidat de Fusion aux présidentielles a l’intention d’ester en justice contre un candidat au sénat qui a annoncé disposer de documents contraires aux affirmations de Gilles.

Quant au richissime homme d’affaires, Dumarsais Siméus, ses avocats continuent de multiplier leurs tractations. On reproche à ce dernier d’avoir la nationalité américaine.

Les élections présidentielles et législatives sont prévues pour le 20 novembre 2005. La date du 11 décembre est maintenue pour les scrutins municipaux et locaux. Un deuxième tour pour les présidentielles et législatives est fixé au 3 janvier 2006.

Au Conseil Electoral Provisoire, le doute persisterait quant à la tenue de ces compétitions aux dates retenues. Bon gré mal gré, Louis Gerson Richemé a réaffirmé l’engagement du CEP à organiser ces élections.

« Nous sommes déterminés à réaliser les élections, nous les réaliserons et nous voulons donner la preuve que nous avons la capacité d’organiser de bonnes élections dans le pays. Nous sommes en train de travailler d’arrache-pied et le problème de calendrier n’est pas encore posé », a-t-il martelé.

Interrogé sur la révocation éventuelle du Directeur général du CEP, Louis Gerson Richemé a promis à la Presse de s’enquérir auprès de ses collègues en vue de faire lumière sur la question.

« J’ai entendu la rumeur, mais je ne peux rien vous dire puisque j’étais en réunion avec le président [du CEP]. A aucun moment de la durée, je n’en ai entendu parler », a-t-il rétorqué.

3, 010,530 électrices et électeurs sont les potentiels votants, selon la dernière estimation rendue publique le 3 octobre 2005.

Le département de l’Ouest est en tête de liste avec 1, 320,900 inscrits, suivi du département de l’Artibonite avec 425,356 électrices et électeurs enregistrés. Le département des Nippes occupe la dernière place avec 95, 992 inscrits.

Concernant les documents exigés par le CEP au moment de l’enregistrement, 1, 573, 191 citoyennes et citoyens se sont présentés avec leurs actes d’Etat Civil ; 762, 918 avec leurs cartes d’Identification Fiscale ; 54, 824 avec leurs passeports, 74,103 avec leurs permis de conduire ; 545, 494 avec des témoins. [rc do apr 06/10/2005 11:00]