Communiqué du Conseil des Sages
Soumis à AlterPresse le 30 septembre 2005
1. Rappel des recommandations du Conseil des Sages
Ces recommandations figurent dans la Feuille de Route du 30 juin 2005, élaborée par le Conseil des Sages et approuvée par le Gouvernement de Transition (pp 28, 29).
1.1. Coordination de la préparation du Budget de l’exercice 2005 - 2006.
Désignation, par le Premier Ministre, d’un-e Chargé-e de Mission auprès du Ministère de l’Economie et des Finances (MEF) afin de :
a) Rétablir la véritable nature du Budget de la République, qui est d’abord un document politique bien avant d’être technique.
• Programmation chiffrée des objectifs budgétaires, à partir des orientations décidées par le Chef du Gouvernement et validées en Conseil des Ministres.
• Formulation de directives à l’attention des différentes entités étatiques concernées par la préparation du Budget.
• Implication des différentes structures étatiques, de telle sorte à ce que le Budget ne soit pas qu’un document technique émanant du MEF.
• Coordination et contrôle de l’adéquation entre les données transmises par les différents organismes étatiques et les objectifs fixés.
• Participation à l’élaboration par le MEF de la proposition détaillée de Budget, conformément à la programmation chiffrée.
b) Garantir que les instances de contrôle, en particulier la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif, puissent disposer des informations nécessaires en vue d’apprécier le respect des Lois, normes et procédures en matière de Budget.
1.2. Satisfaction de certaines exigences
a) Définir de véritables orientations
Afin d’éviter que la préparation du budget ne soit qu’un simple exercice de routine, consistant à simplement reproduire un budget antérieur et à se cantonner à reproduire des orientations que le Gouvernement n’a pas pris la peine d’évaluer.
b) Assurer et gérer les conséquences politiques des changements opérés dans le Budget, en particulier en ce qui a trait aux incidences des nouvelles orientations sur la situation du personnel de la Fonction Publique.
c) Agir dans la transparence, en expliquant aux populations la portée des changements opérés dans le sens d’une gestion plus efficace et plus saine des fonds du Trésor Public.
2. Analyse du Projet de Budget
2.1. Le Projet de Budget montre à l’évidence que les recommandations du Conseil des Sages n’ont guère été suivies.
2.1.1. Absence de texte de cadrage
a) Aucun texte liminaire n’est fourni sur les objectifs du prochain budget et sur l’évaluation du budget en exercice.
b) Le document aborde d’emblée l’aspect descriptif du budget relatif aux ressources et aux charges (Titre I, Dispositions relatives aux ressources ; Dispositions relatives aux charges, Dispositions relatives à l’équilibre économique et financier, Tableau d’équilibre du budget).
2.1.2. Le Titre II (Détails des opérations, Dispositions en vue du contrôle des transactions budgétaires), décrit le détail des opérations.
2.1.3. Le Titre III (Disposition finale) résume la portée légale du document.
2.1.4. Les Tableaux fournis en annexe ne font que présenter les détails des opérations budgétaires.
2.2. Compte tenu de l’approche retenue par le Gouvernement de Transition, il est très difficile de se prononcer sur les avancées de ce Projet de Budget Général par rapport au budget de l’exercice précédent.
2.2.1. Les engagements pris par le Gouvernement de Transition, de préparer un Budget à partir d’une réelle planification basée sur des orientations stratégiques, n’ont visiblement pas été tenus.
2.2.2. Les seules remarques pertinentes ne peuvent se baser que sur des éléments quantitatifs, qui d’ailleurs varient très peu d’un exercice à un autre.
2.2.3. à€ titre d’exemple, en se référant au Budget Rectificatif de l’exercice 2004-2005 et au Projet de Budget Général de l’Exercice 2005-2006, on peut noter les points suivants :
a) Le total des crédits de fonctionnement accuse une réduction de 12,3% ; les montants passant passe de 23.390.000.000,00 Gourdes pour l’exercice 2004-2005, à 20.513.837.748,00 Gourdes pour l’exercice 2005-2006.
b) Cette diminution affecte seulement les dépenses de fonctionnement (réduction de 14,7%), car les dépenses de personnel sont en augmentation de 16%.
c) Le document soumis ne permet pas de savoir si la diminution des dépenses de fonctionnement provient d’une réduction des acquisitions de biens et services ou d’une réduction des crédits disponibles pour l’entretien des biens et services en cours d’utilisation, ce qui n’a pas du tout la même portée.
d) Le document soumis ne permet pas non plus d’évaluer si l’augmentation des crédits alloués aux dépenses de personnel traduit une augmentation des salaires ou de l’effectif de la Fonction Publique.
e) Les détails fournis sont insuffisants et ne permettent pas d’apprécier si certaines mesures de réorganisation, annoncées par le Gouvernement de Transition, sont effectives.
f) A titre d’exemple, la décision dans le domaine de la Sécurité Publique de centraliser les Services d’Intelligence suppose, au moins, une nouvelle répartition des crédits alloués aux différentes entités s’occupant d’intelligence. Les détails fournis dans le Projet de Budget ne permettent pas de faire une telle appréciation, puisque aucune rubrique fournie ne parle de cette activité qui est noyée dans des ensembles plus vastes.
3. Commentaires et propositions du Conseil des Sages
3.1. Le Conseil des Sages regrette que les dispositions n’aient pas été prises par le Gouvernement de Transition pour rompre avec la routine traditionnelle des exercices de préparation du Budget.
3.2. Les délais légaux et les contraintes pratiques laissent difficilement la place à une remise en question en profondeur du Projet de Budget transmis par le Ministère de l’Economie et des Fiances.
3.3. Quand on connaît le poids des décisions financières sur le fonctionnement réel des institutions étatiques, il est quasiment certain que l’actuelle période de Transition Politique n’aura pas permis d’initier de nouvelles pratiques de programmation par objectif ; Pratiques qui auraient permis d’instaurer de meilleurs outils d’évaluation de cet instrument fondamental de gestion qu’est le Budget de la République. Ceci aurait également permis d’avoir, à côté de la présentation verticale classique par Secteurs, une présentation horizontale permettant de chiffrer les coûts des objectifs retenus.
3.4. Néanmoins, compte tenu du fait que la mission principale du Gouvernement de Transition est la réalisation des élections générales, et qu’il est admis que l’instauration d’un climat de sécurité satisfaisant est la condition prioritaire pour réaliser cette mission, le Conseil des Sages estime que le Budget devrait au moins traduire cette exigence.
3.5. La réduction des crédits de fonctionnement alloués à la Police Nationale d’Haïti (PNH), la faiblesse des crédits alloués à la Sécurité Publique, jointe à l’ignorance totale des propositions de renforcement de cette structure, autorisent un profond sentiment d’inquiétude sur l’efficacité du dispositif de Sécurité Nationale dont on attend pourtant beaucoup. Le Conseil des Sages, recommande donc que cet aspect particulier du Budget soit revu par le Gouvernement.
3.6. Soucieux de tirer profit de l’expérience vécue, le Conseil des Sages recommande également que, dès à présent, le Gouvernement de Transition mette en place la Cellule de Coordination recommandée dans la Feuille de Route ou toute autre structure équivalente, pour la préparation du Budget 2006-2007, afin que le Gouvernement issu des prochaines élections ait à sa disposition un outil rationnel d’analyse du fonctionnement de l’Etat et des propositions de rationalisation et de modernisation de ce fonctionnement.
Port-au-Prince, le 26 septembre 2005
Pour le Conseil des Sages
Christian Rousseau, Secrétaire Général