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Charte des médias et des journalistes d’Haïti en période électorale

Copie obtenue par AlterPresse auprès de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), qui a promu la démarche de réflexion amenant à la signature de ce document par des responsables de médias et des journalistes le 23 septembre dernier à Port-au-Prince.

PREAMBULE

Nous journalistes, propriétaires et responsables de médias d’Haïti,

Conscients de la crise politique, économique et sociale dans laquelle notre pays est plongé depuis plusieurs années ;

Préoccupés par la recrudescence de la violence et des actes d’intolérance dans la société haïtienne ;

Imprégnés des aspirations profondes du peuple haïtien à la paix, à la sécurité, à la dignité et à la démocratie ;

Conscients du rôle des médias et des journalistes dans la construction de la paix, l’instauration de la démocratie et l’émergence de l’Etat de droit ;

Convaincus que le droit à l’information est un droit fondamental de l’Homme et que la liberté de l’information est la pierre angulaire de toutes les libertés ;

Conscients que le respect des principes universels d’éthique et de déontologie des médias et des journalistes est crucial en période électorale ;

Soucieux de contribuer à la restauration de la paix, de la sécurité et de la stabilité en Haïti ;

Convenons et reconnaissons qu’une Charte de bonne conduite des médias et des journalistes respectée et observée peut contribuer à la tenue d’élections libres, fiables et transparentes ;

Convenons d’accepter cette Charte de bonne conduite, d’y souscrire et, du mieux que nous pouvons, de la respecter et de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer son application.

à€ cet effet, nous nous engageons à respecter et à mettre en œuvre les règles et principes suivants :

ARTICLE 1 : LA RESPONSABILITE SOCIALE

Les journalistes et leurs organes publient uniquement les informations dont l’origine, la véracité et l’exactitude sont établies.

Le moindre doute les oblige à s’abstenir ou à émettre les réserves nécessaires dans les formes professionnelles requises (présenter l’information au conditionnel, citer la source et la date).

Le traitement des informations requiert en toute circonstance et particulièrement en période électorale une grande rigueur professionnelle et, au besoin, une certaine circonspection.

ARTICLE 2 : LE RECTIFICATIF, LE DROIT DE REPONSE ET LE DROIT DE REPLIQUE

Les informations inexactes et les fausses nouvelles publiées ou diffusées doivent être rectifiées dans les meilleurs délais et dans des conditions d’exposition comparables.

Le droit de réponse et le droit de réplique sont garantis aux individus, aux organisations et aux partis.

Le droit de réponse et le droit de réplique ne peuvent s’exercer que dans l’organe qui a publié l’information contestée.

ARTICLE 3 : LE RESPECT DE LA VIE PRIVEE ET DE LA DIGNITE HUMAINE

Les journalistes et leurs organes respectent les droits des candidats à la vie privée et à la dignité.

La publication des informations qui touchent à la vie privée d’individus ne peut être justifiée que par l’intérêt public.

Les journalistes et leurs organes veillent à ce que les militants et responsables de partis politiques n’utilisent leurs supports pour tenir des propos diffamatoires ou injurieux.

ARTICLE 4 : PROVOCATION, INJURE, DIFFAMATION ET PLAGIAT

Les journalistes et leurs organes évitent la provocation, les injures, les insultes, l’outrage et la diffamation et les accusations sans fondement à l’égard des militants, des candidats et des partis politiques.

Les journalistes et leurs organes s’interdisent le plagiat

ARTICLE 5 : LA SEPARATION DES COMMENTAIRES DES FAITS

Les journalistes et leurs organes ont l’obligation de séparer le commentaire des faits.

ARTICLE 6 : EXACTITUDE ET EQUILIBRE

Les médias et les journalistes se soumettent au principe « d’exactitude et d’équilibre » dans le traitement et la diffusion de l’information particulièrement en période électorale.

Vu sous cet angle, nous reconnaissons ce qui suit :

- l’exactitude impose la vérification et la présentation de tous les faits pertinents et nécessaires à la compréhension d’un événement ou d’un enjeu particulier, même si certains des faits vont à l’encontre des convictions et des sentiments du journaliste ou du diffuseur ;

- l’équilibre impose la présentation de tous les principaux points de vue ou de toutes les interprétations d’un événement ou d’un enjeu, même si le journaliste, le reporter, le diffuseur, le rédacteur ou le public n’approuve pas ces vues.

Les médias reconnaissent en outre que ces deux principes - exactitude et équilibre - sont essentiels pour donner aux citoyens une image objective des enjeux en période électorale, ainsi que du monde qui les entoure.

ARTICLE 7 : L’INCITATION à€ LA HAINE ET à€ LA VIOLENCE

Les journalistes et leurs organes doivent traiter avec la pondération et la rigueur indispensables les sujets susceptibles d’alimenter des tensions et des antagonismes au sein de la population ou d’entraîner, envers certaines personnes, certaines communautés ou certains groupes, des attitudes de rejet.

Cette vigilance doit concerner l’ensemble des programmes ou rubriques et s’exercer plus particulièrement pour les tribunes libres des journaux et pour les émissions de débat ou de "lignes ouvertes".

Les journalistes et leurs organes se refusent à toute publication incitant à la haine. Ils doivent proscrire toute forme de discrimination.

Ils s’interdisent l’apologie du crime.

ARTICLE 8 : LE SENSATIONNEL

Les journalistes et leurs organes s’interdisent les titres sensationnels sans commune mesure avec le contenu des publications ou émissions.

Les journalistes et leurs organes doivent s’abstenir de faire la promotion de la violence et de diffuser des obscénités.

ARTICLE 9 : LA CONFRATERNITE

Les journalistes et leurs organes doivent rechercher la confraternité. Ils s’interdisent d’utiliser les colonnes des journaux ou les antennes, à des fins de règlement de compte avec leurs confrères et consoeurs.

ARTICLE 10 : LE DEVOIR DE COMPETENCE ET D’HONNEUR PROFESSIONNEL

Les journalistes et leurs organes se gardent de recourir à des techniques clandestines de collecte de l’information sauf quand l’intérêt public le commande et qu’il n’existe pas d’autres moyens pour le faire.

Avant de produire un article ou une émission, les journalistes et leurs organes doivent tenir compte des limites de leurs aptitudes et leurs connaissances.

Les journalistes n’abordent leurs sujets qu’après avoir fait un minimum d’effort de recherche ou d’enquête.

Ils doivent avoir une bonne maîtrise des règles du jeu électoral établies par le document réglementant les élections.

ARTICLE 11 : INDEPENDANCE

Les médias et les journalistes doivent garder leur indépendance éditoriale et résister aux pressions politiques, sociales ou financières susceptibles d’infléchir leur rigueur dans le traitement de l’information.

ARTICLE 12 : NEUTRALITE

Les journalistes et leurs organes ne doivent jamais porter publiquement les couleurs ou les badges des partis politiques, ni scander leurs slogans.

Ils ne doivent non plus accepter les faveurs des partis ou candidats

ARTICLE 13 : TRAITEMENT EQUILIBRE PENDANT LA CAMPAGNE ELECTORALE

Les journalistes et leurs organes doivent faire preuve d’honnêteté, de responsabilité, d’équité, d’impartialité et de neutralité dans la couverture et le traitement des activités liées aux campagnes électorales.

Dans leur travail, les journalistes et leurs médias s’engagent à bannir toute forme de discrimination. Durant la campagne électorale, ils garantissent l’accès équitable à leurs organes et réservent un traitement impartial et équilibré aux partis politiques et aux candidats.

ARTICLE 14 : DENIGREMENT OU APOLOGIE DES PARTIS

Les journalistes et leurs organes s’interdisent tout commentaire malveillant et tout dénigrement à l’égard des partis politiques, de leurs programmes et de leurs candidats.

Les journalistes et leurs organes doivent s’abstenir de faire l’apologie du programme d’un parti politique.

ARTICLE 15 : COLLABORATION AVEC LA COMMISSION DE MEDIATION

Les journalistes et leurs organes respectent les avis et recommandations de la commission de médiation chargée de veiller à l’observance des règles et principes établis dans la présente charte.

Adoptée le 23 septembre 2005 à Port-au-Prince (Haïti)