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Max Dominique : la critique littéraire comme arme de combat

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Par Alain St.-Victor

Montréal 26 sept. 05 [AlterPresse] --- La critique du prêtre et critique littéraire Max Dominique, décédé le 17 septembre dernier à Port-au-prince, a ceci de particulier : elle est conçue comme une arme, c’est-à -dire qu’elle est au départ « l’expression théorique » d’une prise de position politique assumée.

Cette critique, Dominique l’inscrit, et ceci dès 1972, « dans le combat à mener par les forces populaires contre les ramifications prégnantes, jusque dans la paysannerie pauvre, de l’idéologie bourgeoise dominante » [1].

Pour Dominique, c’est cette idéologie bourgeoise qu’il s’agit de relever, de décanter pour mieux comprendre son mécanisme, sa fluidité, ses nuances qui imprègnent l’œuvre, la conditionnent souvent à l’insu de l’auteur.

Un tel projet dans les années 1970 suppose une nouvelle lecture des œuvres littéraires haïtiennes. Il suppose aussi, en conséquence, l’élaboration d’une nouvelle critique qui soit radicalement différente de la critique traditionnelle : cette différence se fonde essentiellement sur une rupture qui ouvre la voie à de nouvelles méthodes de connaissance, une nouvelle épistémologie qui tente d’appréhender l’œuvre surtout en tant que produit d’une société dominée par l’idéologie bourgeoise (relais de l’idéologie néocoloniale) tout en la considérant, pour parler comme Sartre, comme l’expression d’une singularité irréductible.

Cette critique, Dominique en mesure très tôt l’importance pour la lutte conduisant à un changement véritable dans la façon de comprendre notre littérature, surtout dans une société où les approches « théoriques » littéraires sont essentiellement et traditionnellement dominées par l’art pointilliste et le mythe « religieux » de la lecture fétichisante.

Cette critique donc, au départ, comme nous le disions plut haut, constitue pour Dominique une arme qui s’inscrit dans une lutte pour le changement ; elle est avant tout démystificatrice, et, en tant que tel, elle doit être véridique et ne peut s’adonner à l’éloge béat d’aucune œuvre, quelle que soit sa valeur.

Dominique en donne la preuve lorsqu’il déconstruit (pour montrer l’idéologie dominante à l’œuvre) les œuvres d’auteurs aussi importants que Phelps et Franketienne. Mais démystifier l’œuvre ne veut pas dire forcément montrer le caractère aliénant de celle-ci, simple vecteur de l’idéologie dominante. La critique de Dominique est bien plus subtile que cela. Et on s’en rend compte lorsqu’il analyse Dezafi, l’œuvre centrale de Franketienne, que Dominique considère comme « la quête d’un peuple ».

Pour lui, l ‘écriture de l’écrivain semble s’insérer dans la densité du langage populaire, s’imprégner dans sa mouvance. C’est la naissance de « la parole subversive », qui rend possible la reconnaissance de l’ennemi. Or, remarque Dominique, ce projet n’aboutit pas parce qu’il y a « confusion délibérée pour identifier l’ennemi, balancement entre l’appel à la colère et sa contrainte, entre la blessure de l’amour et sa lutte pour la vie. »

L’œuvre inscrite dans l’écriture spiraliste de l’auteur se fourvoie-t-elle dans l’idéologie attentiste ? Dominique le pense, mais insiste pour dire qu’elle a le mérite de poser des « questions essentielles » aux mouvements révolutionnaires, particulièrement la question de la nécessité d’insérer dans le langage populaire le travail politique.

Le père Max Dominique laisse derrière lui une œuvre importante qui contribue certainement, comme il le dit lui-même, « à élargir le champ de connaissance de nos problèmes haïtiens et poser les jalons permettant d’élaborer une théorie de notre production littéraire. »

Au de-la de la littérature et à travers elle, c’est toute la réalité haïtienne que Max Dominique nous convie à comprendre autrement. Sa vie en tant que critique littéraire et prêtre a été un engagement profond au côté du peuple haïtien, aussi bien à Bahamas, où il a passé plusieurs années travaillant avec les réfugiés, qu’en Haïti, dans sa lutte de revendications d’une société nouvelle. [asv apr 26/09/2005 09:20]


[1Toutes les citations sont tirées du livre de Max Dominique : L’arme de la critique littéraire, littérature et idéologie en Haïti, Les éditions CIDIHCA, Montréal 1988.