Au douzième anniversaire, ce 16 décembre, de la mise en place du pouvoir lavalas en Haiti, le pays présente l’image d’une forte polarisation politique. Cependant, une opinion différente et hors des partis politiques présents actuellement sur l’échiquier, cherche à se frayer une voie dans la mêlée.
1] POLARISATION ET RECHERCHE D’ARTICULATION DIFFERENTE
Douze ans après la mise en place du pouvoir lavalas en Haïti, le pays présente l’image d’une forte polarisation politique. Le vent de contestation de la présidence d’Aristide qui souffle depuis quelques temps, n’a pas cessé et les partisans du pouvoir montrent de plus en plus d’intolérance vis-à -vis des positions exprimées dans les milieux adverses.
L’anniversaire des élections du 16 décembre 1990 - qui avaient porté Aristide au pouvoir pour un premier mandat en 1990 - et celui des violences du 17 décembre 2001 - casse incendie des locaux de partis politiques et de résidences de responsables de l’opposition - ont donné lieu à des manifestations de part et d’autre.
Dans les rues de Port-au-Prince, des centaines de militants lavalas, dans une atmosphère de grande parade musicale, ont, une fois de plus, revendiqué le respect du mandat de 5 ans du Président Aristide. Au même moment, le public prenait connaissance d’une "alternative", proposée la veille par toute l’opposition réunie, en vue de la démission du Chef de l’Etat. Un Président Provisoire issu de la Cour de Cassation (Cour Suprême) devrait être choisi en concertation avec les partis politiques de l’opposition et les secteurs sociaux, prévoit l’opposition.
Cette perspective a été réaffirmée lors d’un rassemblement le 17 décembre au local de la coalition Convergence Démocratique sous le thème "Plus Jamais". La police a eu, cette fois, une présence remarquée, pour maintenir à distance des militants lavalas qui avaient auparavant menacé de "fouetter" ceux du camp d’en face.
Des mouvements sporadiques anti-Aristide se sont poursuivis à Petit Goave (Ouest - 11 décembre), à Port-au-Prince (Faculté des Sciences - 12 décembre) et au Cap-Haïtien (Nord - 17 décembre). Mais, dans une interview au Miami Herald la semaine dernière, le Président a réaffirmé qu’il ne démissionnerait pas. "Aujourd’hui je suis au palais, ce n’est pas un cadeau", a affirmé Aristide qui a également déclaré que "la vaste majorité du peuple" est avec lui.
Tel n’est pourtant pas l’avis de certains secteurs de base. Solidarite Ant Jen (SAJ), association dont la fondation remonte à la veille de 1986 et qui a œuvré avec Aristide lorsqu’il était prêtre, est très critique vis-à -vis de lavalas. Dans un communiqué émis le week-end écoulé, SAJ a salué le regain de mobilisation dans le pays. "Il est nécessaire que le camp populaire encourage et organise la mobilisation en posant les problèmes fondamentaux de la société", a déclaré l’organisation. L’organisation a estime que Aristide mérite le rejet des secteurs populaires pour avoir trahi leurs revendications.
SAJ met en garde les secteurs populaires contre toute alternative à travers des secteurs politiques traditionnels, qualifiés de "réactionnaires", de l’armée et toute solution dominée par la communauté internationale. SAJ préconise la mobilisation des secteurs paysans, étudiants, ouvriers, femmes, petits commerçants et chômeurs en vue de la construction d’une "alternative démocratique et populaire".
Plusieurs secteurs sociaux, dont des producteurs de café, des institutions d’accompagnement, des secteurs religieux de base et certains secteurs socio-professionnels avaient déjà exprimé leur rejet des pratiques du pouvoir en place sans donner leur aval aux démarches des secteurs politiques opposés à Aristide.
COMMENT UNE MàˆRE PEUT-ELLE EXPLIQUER L’EXECUTION SOMMAIRE DE 3 DE SES FILS ?
Ils s’appelaient Angelo, Andy et Vladimir et venaient à peine d’atteindre la vingtaine. Ils habitaient à Carrefour, banlieue sud de Port-au-Prince. Dans la nuit du 7 au 8 décembre, un commando les a enlevés à leur domicile sous les yeux de leurs proches. Ils ont été retrouvés plus tard criblés de balles à la morgue de l’Hôpital Général à Port-au-Prince.
La Police est pointée du doigt par la famille. Un frère des victimes dit avoir tout vu : "Un groupe d’hommes armés cagoulés portant des T-shirts noirs avec la mention police".
La mère, Viola Robert, n’a pas de mots pour exprimer sa douleur : "croyez-vous que je puis parler", s’est-elle écriée lors d’une rencontre la semaine dernière avec des journalistes. Elle qui a vendu du citron pour élever ses enfants, ne s’explique pas ce qui est arrivé.
Les menaces ajoutent aux difficultés de la famille, et Viola Robert a été obligée de se mettre à couvert avec ses 5 autres enfants.
Après une semaine de silence de la police, on a appris ce 17 décembre que la police serait sur la piste des auteurs du crime.
Les organismes de défense de droits humains n’ont pas cessé depuis environ un an de dénoncer des cas de disparition qui se sont multipliés en Haïti.
Dans un texte publié la semaine dernière, le Directeur du Centre œcuménique des Droits Humains, Jean Claude Bajeux, rappelait les témoignages, le 11 décembre 2001 dans les colonnes du journal français Le Monde, d’un policier haïtien, qui reconnaissait avoir assisté en un mois à près d’une cinquantaine d’exécutions sommaires opérées par une
escouade spéciale de la police.