P-au-P, 20 sept. [AlterPresse] --- L’avocat des victimes du massacre perpétré le 11 février 2004 à La Scierie (Saint-Marc, à 96 kilomètres au nord de la capitale), Me. Samuel Madistin, a souhaité le 20 septembre la tenue d’un procès équitable pour faire éclater la vérité sur des faits troublants enregistrés, une vingtaine de jours avant la chute de l’ancien régime lavalas dirigé par Jean Bertrand Aristide.
« La juge d’instruction de Saint-Marc, Me Clunie Pierre Jules, en charge de l’affaire de La Scierie, a réalisé un exploit, vu le nombre d’enquêtes sur des grands dossiers judiciaires qui n’ont jamais abouti », a estimé Me. Samuel Madistin, interrogé par l’agence en ligne AlterPresse sur l’ordonnance de clôture rendue le 15 septembre 2005 sur le massacre.
Globalement satisfait du « grand pas » accompli par la juge d’instruction, Madistin s’est dit confiant dans le tribunal de la ville de l’Artibonite, pour la réalisation d’un procès équitable devant fixer le sort de la trentaine de personnes inculpées et indiquer des décisions appropriées pour le nombre de victimes du massacre. Il a assuré être prêt, comme partie civile, à faire face à la partie défenderesse au moment du procès.
« Le parquet ne devrait pas tarder à fixer la date du procès. Cependant, le tribunal peut faire face à des problèmes logistiques et matériels pour la réalisation de ce grand événement », qui implique la comparution de l’ancien premier ministre lavalas, Yvon Neptune, par devant un tribunal correctionnel sans assistance de jury, prévient l’avocat.
Sans vouloir citer de noms, Madistin a exprimé des regrets sur l’absence de certaines personnes qui n’ont pas été renvoyées par devant le tribunal criminel dans l’ordonnance de la juge Pierre Jules.
Réagissant sur l’exposé des faits de la magistrate, qui a rejeté la thèse de génocide soutenue par la partie civile, Madistin a tenu à souligner que la liste de 44 personnes, tuées et carbonisées, relatée par l’ordonnance de clôture ne pose pas problème, contrairement à la thèse de plus d’une centaine de victimes avancée par des parents des victimes.
« Nous n’allons pas faire un débat sémantique sur le qualificatif de ce qui s’est passé à St Marc. Nous n’allons pas faire, non plus, une guerre de chiffres avec la juge d’instruction et d’autres secteurs, ce n’est pas ce qui compte pour nous en ce moment », a-t-il fait ressortir.
L’ordonnance de clôture de la Juge d’instruction Clunie Pierre Jules, émise après une enquête conduite de mars 2004 à septembre 2005, a inculpé formellement l’ancien Premier Ministre lavalas, Yvon Neptune, ainsi que 29 autres personnes, dont les anciens ministres lavalas de l’Intérieur et de la Justice Jocelerme Privert et Calixte Delatour, l’ancien secrétaire d’Etat à la Sécurité Publique Jean Gérard Dubreuil, l’ancienne directrice de la Police Nationale Jocelyne Pierre ainsi que d’autres hauts-gradés de l’institution Roody Berthomieux et Jean Robert Esther, l’ancien député contesté Amanus Mayette, et plusieurs autres personnes, dans le massacre de La Scierie du 11 février 2004.
A la date du 20 septembre 2005, beaucoup des personnes inculpées dans le massacre de La Scierie n’ont pas encore été appréhendées par la police, dont on ignore si elle a déjà engagé des poursuites ou le suivi qu’elle compte donner aux dispositions du cabinet d’Instruction.
L’ordonnance de clôture sur le massacre de la Scierie est sortie, le 15 septembre 2005, à un moment où la justice haïtienne et le gouvernement intérimaire continuaient de subir des pressions, depuis l’année 2004, de la part de la communauté internationale, dont des parlementaires « démocrates » des Etats-Unis d’Amérique, afin d’obtenir sans conditions la libération pure et simple de Yvon Neptune.
La Mission de Stabilisation des Nations Unies en Haïti (MINUSTAH) avait même évoqué l’éventualité d’une mort irrémédiable de l’inculpé Neptune, s’il n’était pas transféré dans un hôpital à l’étranger (à l’époque une chambre a été réservée pour accueillir le prévenu dans un hôpital de Santo Domingo en République Dominicaine).
Il y a quelques semaines, le gouvernement intérimaire avait mis en circulation un projet d’amnistie en faveur des partisans de l’ancien régime et de toutes les personnes qui se trouvent en prison pour des crimes commis entre le 17 décembre 2003 et le 29 février 2004.
Le texte du projet de décret d’amnistie a été vite renvoyé aux oubliettes de l’histoire, en raison du tollé provoqué, des vives protestations émises et des cris de réprobation soulevés, non seulement du côté du Conseil des Sages - structure initialement devant jouer le rôle de consultation auprès du gouvernement de transition -, mais aussi et surtout de divers secteurs sociaux, y compris des organismes de promotion des droits humains. [jj rc apr 20/09/2005 18 : 00]