P-au-P., 15 sept.05 [AlterPresse] --- A quelques heures de la fermeture des opérations d’inscription des candidats, une quarantaine de postulants, dont une seule postulante et sept indépendants, ont fourni les pièces requises afin de briguer les prochaines présidentielles haïtiennes, a constaté AlterPresse au siège central du Conseil Electoral Provisoire (CEP) à Delmas, au nord-est de la capitale.
Ce nombre record, dans la soirée du 15 septembre 2005, de 45 compétiteurs au prochain scrutin présidentiel laisse planer des interrogations sur les véritables intentions de ces prétendants, au regard du rôle dévolu au chef d’Etat par la Constitution du 29 mars 1987 plaçant les prérogatives de gestion du pays aux mains du gouvernement coiffé par un Premier Ministre.
Il reviendra au nouveau Parlement, via le parti ou regroupement politique qui sortira vainqueur des urnes au premier tour du 20 novembre 2005 et au second tour du 3 janvier 2006, de choisir le nouveau chef du gouvernement qui déterminera sa politique générale.
En fonction de la dispersion de l’électorat aujourd’hui en Haïti, rien n’indique que le prochain parti ou regroupement politique majoritaire sera le même que celui du nouveau président issu des urnes, ont fait remarquer à AlterPresse des spécialistes.
Plusieurs surprises ont marqué la fin du processus d’enregistrement des candidats aux prochaines présidentielles.
Une des fractions apparentes du parti Lafanmi Lavalas de l’ancien régime a désigné, comme son candidat officiel aux présidentielles, l’économiste Marc Bazin, ancien ministre, à deux reprises, de l’ex-président Jean-Bertrand Aristide.
Sous la bannière du regroupement Alliance Nationale pour la Démocratie et le Progrès (ANDP, dont faisaient partie les actuels aspirants Serge Gilles et Déjean Bélizaire), Bazin - présenté à l’époque comme favori du gouvernement américain - avait échoué le 16 décembre 1990 devant Aristide, candidat du Front National pour le Changement et la Démocratie (FNCD) ayant pour têtes de pont les rivaux d’aujourd’hui Evans Paul et Turneb Delpé. Le candidat Aristide avait été préféré à Victor Benoît, préalablement choisi par le FNCD.
D’aucuns se demandent si le parti Fanmi Lavalas, comme à son habitude, est en train de jouer plusieurs cartes, après avoir éprouvé de l’embarras à inscrire, comme candidat aux présidentielles, le prêtre lavalas Gérard Jean Juste, emprisonné depuis le 21 juillet 2005 lors des funérailles du poète et journaliste Jacques Roche assassiné le 14 juillet après 4 jours de séquestration par de présumés partisans de l’ancien régime.
Les 13 et 14 septembre 2005, les anciens parlementaires contestés lavalas Rudy Hériveaux, Louis Gérald Gilles et Phélito Dorant avaient vainement tenté d’inscrire le prêtre lavalas, qui, détenu, n’était pas en mesure de se présenter en personne auprès de l’organisme électoral, comme le prescrit le décret régissant le prochain scrutin.
Le père Jean Juste est accusé, par la clameur publique, d’être la tête pensante voire de financer les actes violents des partisans armés de Jean Bertrand Aristide opérant dans la capitale haïtienne depuis le 30 septembre 2004.
Le 10 septembre 2005, des autorités policières et judiciaires avaient effectué une perquisition au presbytère de l’église catholique romaine Sainte Claire où est affecté le prêtre lavalas. A l’occasion, deux journalistes, dont l’américain Kevin Pina, ont été mis aux arrêts sur l’autorisation du juge Jean Pérès Paul.
Une autre fraction, conduite par l’ex-sénateur contesté Joseph Yvon Feuillé ayant conclu un accord (une alliance dénommée Union pour Haïti) le 14 septembre 2005 avec Marc Louis Bazin pour représenter le parti Lafanmi Lavalas aux prochaines présidentielles, avait annoncé la possibilité, pour « le congrès de ce parti » de choisir comme candidats l’ancien président René Préval (1996-2001), l’ancien Premier Ministre Jean-Marie Chérestal ou l’ancien ministre lavalas Leslie Voltaire.
Le 15 septembre 2005, René Garcia Préval a déposé ses pièces, comme prétendant aux prochaines présidentielles sous la bannière d’un regroupement dénommé LESPWA (ESPOIR) formé de l’alliance des partis Pati Louvri Baryè (PLB =Parti Pour Ouvrir les Barrières) / Effort et Solidarité pour Construire une Alternative Nationale et Populaire / Coordination de la Résistance Grande Anse (ESCANP/KOREGA) et d’organisations paysannes, comme KOZE PEP.
L’ancien président Préval, sous l’administration duquel une grande crise multiforme a pris forme à partir de 1997 dans le pays (crise gouvernementale, institutionnelle, parlementaire, politique, électorale), notamment les élections controversées des 21 mai et 26 novembre 2000, a refusé de s’adresser à la Presse, qui voulait lui demander est-ce qu’il a déjà reçu décharge de sa gestion.
L’ancien Premier Ministre lavalas Jean-Marie Chérestal brigue aussi le fauteuil présidentiel sous la bannière d’un parti jusque-là inconnu dénommé POU NOU TOUT (PONT, Pour Nous Tous).
Une fraction dissidente du parti Lafanmi Lavalas a constitué le Mouvement Démocratique Réformateur Haïtien (MODEREH), qui a délégué comme aspirant au Palais national Dany Toussaint, ancien sénateur contesté des élections de mai 2000, ancien major et chef de la Police Nationale Intérimaire.
Des questions fusent dans le milieu politique sur des alliances non déclarées qui soutiendraient le mouvement lavalas dans les prochaines compétitions présidentielles.
Entre-temps, la militante politique Judie C. ROY, incarcérée et torturée sous l’ancien régime lavalas, est la seule femme à avoir fait acte de candidature aux prochaines présidentielles, sous la bannière du Regroupement Patriotique pour le Renouveau National (REPAREN).
Parmi les personnalités à avoir défilé durant toute une semaine au Bureau Electoral Départemental de l’Ouest (BED) de l’Ouest pour remplir les formalités les habilitant à participer aux présidentielles haïtiennes, l’agence AlterPresse a pu dénombrer 7 candidats indépendants : Alexandre Paul, José Jacques Nicolas, Charles Henri Baker (industriel), Jacques Ronald Belot, Guerrier Calixte, Dominique Joseph et Jean Michel Boisrond (ce dernier est directeur à date du Conseil National des Télécommunications).
Sur la liste des candidats ayant officiellement rempli les formalités auprès du BED de l’Ouest, AlterPresse a recensé 2 anciens présidents René Garcia Préval (1996-2001) de l’Alliance PLB/ESCANP/KOREGA et Lesly François Manigat (7 février 1988 - 20 juin 1988) du parti Rassemblement des Démocrates Nationaux Progressistes (RDNP), 2 anciens Premiers Ministres, Jean-Marie Chérestal du PONT et Marc Louis Bazin de Fanmi Lavalas.
Quatre (4) anciens militaires figurent parmi les aspirants : Himler Rébu du Grand Rassemblement pour l’Evolution d’Haïti (GREH), Dany Toussaint du MODEREH, Guy Philippe du Front pour la Reconstruction Nationale (FRN) qui avait conduit le mouvement armé contre Aristide en 2004, Franck Romain du Parti Camp Patriotique et de l’Alliance Haïtienne (PACAPALAH).
Le monde des affaires dispose de 4 prétendants : l’industriel Charles Henry Baker(indépendant), Dumarsais Mécène Siméus (qui a rejoint le parti Tèt Ansanm du médecin Gérard Blot), Samir Georges Mourra du parti Mobilisation pour le Progrès d’Haïti (MPH), le banquier Bonivert Claude du Parti Social Rénové (PSR).
Le milieu juridique est représenté par 4 candidats : Me Gérard Gourgue du Mouvement de l’Unité Patriotique (MUP), Joseph Rigaud Duplan de la Plateforme Justice pour la Paix et le Développement National (JPDN), René Julien de Action Démocratique pour Bâtir Haïti (ADEBAH), Reynold Georges de l’Alliance pour la Libération et l’Avancement d’Haïti (ALAH).
Les cultes comptent 2 prétendants : Luc Mésadieu du Mouvement Chrétien pour une Nouvelle Haïti (MOCHRENHA), Chavannes Jeunes de l’Union Nationale pour la Reconstruction d’Haïti (UNCRH).
Pendant que des rumeurs évoquent l’éventualité de la candidature de l’ex-dictateur Jean-Claude Duvalier, 2 anciens duvaliéristes aspirent aussi à devenir Chef d’Etat d’Haïti : Edouard Francisque de l’Union des Nationalistes Progressistes Haïtiens (UNITE) et Evans Nicolas de l’Union pour la Réconciliation Nationale (URN).
Au nombre des alliances, AlterPresse a dénombré 4 : Evans Paul de l’Alliance Démocratique (ALYANS), Serge Gilles du groupement de la Fusion des Sociaux-Démocrates (FUSION), Hubert de Ronceray du Grand Front Centre-Droit (GFCD), Charles Poisset Romain du Front Civico-Politique Haïtien (FRONCIPH).
Les partis politiques ont envoyé 10 postulants : Paul Denis de l’Organisation du Peuple en Lutte (OPL), Dr. Turneb Delpé du Parti National Démocratique Progressiste d’Haïti (PNDPH), l’ancien sénateur Déjean Bélizaire du Mouvement Patriotique du 28 novembre (MNP-28), Dr. Jean Hénold Buteau du Mouvement pour la Reconstruction Nationale (MRN), Serge Joà« l Borgella de l’Organisation pour l’Avancement d’Haïti et des Haïtiens (OLAHH), Jean Jacques Sylvain du Parti des Industriels Commerçants Travailleurs et Agents de Développement d’Haïti (PITACH), Francœur Basile de Elan Démocratique, Marc Antoine Destin du Parti Mouvement pour l’Avancement, le Développement et l’Innovation de la Démocratie en Haïti (MADIDH), Henri Robert Sterlin du parti Alliance Démocratique pour la Réconciliation Nationale (ADRENA), Yves Saint-Louis du Parti Vert Haïtien.
4 candidats n’ont pas pu être catalogués : l’ancien sénateur Luc Fleurinord, l’ancien ambassadeur Paul Arcelin, les nommés Emmanuel Justima et Franck Perpignan.
La date du 15 septembre 2005 est retenue pour la fermeture des dépôts de candidatures. Cependant, le Conseil Electoral Provisoire a décidé de poursuivre l’opération d’enregistrement des électrices et électeurs jusqu’au 20 septembre 2005, en vue de permettre aux Haïtiennes et Haïtiens de rentrer en possession de leurs cartes d’identification nationale.
A noter qu’un accord a été conclu le 15 septembre 2005 entre la Banque Centrale et le Ministère de l’Intérieur d’Haïti, afin de permettre à l’organisme électoral d’utiliser le réseau financier national dans les prochaines opérations.
En Haïti, la course au fauteuil présidentiel a toujours suscité des remous et des passions à fleur de peau, avec une pléiade de candidats faisant inlassablement des promesses mirobolantes pour édulcorer l’électorat haïtien. Les partis et regroupements politiques semblent n’avoir pas misé sur les législatives, les municipales et locales, qui représentent le pilier du système de gouvernance participative préconisé par la Constitution nationale de 1987.
La plupart du temps, la population haïtienne a fréquemment buté sur des dirigeants populistes, sans vision ni plan politique tenant compte des revendications des couches les plus défavorisées. [rc do apr 15/09/2005 17 : 00]