Dajabon, 12 décembre 2002 [AlterPresse] --- Une vingtaine d’organisations de femmes du Nord d’Haïti et de la République Dominicaine ont plaidé le 5 décembre en faveur de dispositions, de la part des deux gouvernements de l’île, devant faciliter les traversées en tous les points de la frontière commune entre les deux pays, au terme d’une journée de réflexion consacrée autour du thème « Femme et Migration ».
Les deux gouvernements qui se partagent l’île doivent faciliter une documentation pour les traversées en tous les points frontaliers, parce que les dépenses d’acquisition de passeports et de visas sont trop élevées, selon la résolution issue de la journée de réflexion. Ils sont aussi conviés à se concerter pour maintenir des relations de bon voisinage visant à améliorer les conditions de vie de part et d’autre de la frontière.
Parallèlement, les deux gouvernements doivent conclure un accord sur les modalités de rapatriement qui devraient inclure : la possibilité, pour les personnes à rapatrier, de disposer de tous leurs biens ; l’obligation de ne pas séparer les familles, d’épargner les femmes enceintes et les enfants.
Dans l’objectif de rechercher une synergie d’actions entre les organisations qui travaillent sur l’île, les organisations de femmes ayant participé à la journée de réflexion sur « Femmes et Migration » se sont engagées à renforcer leurs structures et à préparer, dans le meilleur délai, une synthèse des décisions dégagées au cours de ces échanges et à définir un chronogramme d’interventions conforme aux conclusions adoptées. Ce chronogramme d’interventions devra indiquer de quelle manière elles feront connaître aux deux gouvernements leurs revendications.
D’ici au mois de mars 2003, les actions mises en œuvre en guise de suivi pourraient être effectives dans les zones frontalières de Ouanaminthe (Haïti) et de Dajabon (République Dominicaine), a appris AlterPresse. En particulier, les organisations de femmes présentes ont convenu de transmettre les décisions adoptées à des organisations homologues, absentes le 5 décembre 2002 pour des raisons diverses, et de les inviter bientôt à une prochaine rencontre d’évaluation des interventions.
Au cours de la journée de réflexion du 5 décembre 2002, les organisations de femmes de la frontière Ouanaminthe / Dajabon ont aussi décidé de déterminer des stratégies de vigilance par rapport aux réponses qui seront apportées par les deux gouvernements aux revendications exprimées.
Ces organisations de femmes ont préconisé la mise en place, sur la frontière, d’un bureau de doléances où les ressortissantes et ressortissants haïtiens pourraient faire état des abus dont ils sont victimes, comme la saisie de leurs marchandises par des autorités dominicaines ou le refus d’acheteurs dominicains de payer les marchandises acquises des Haïtiens.
Elles exigent aussi une meilleure organisation des activités commerciales frontalières entre les deux pays, soit 1 jour hebdomadaire de marché ouvert pour Ouanaminthe et 1 jour hebdomadaire pour Dajabon. Jusqu’à date, les activités commerciales se font surtout à sens unique, tous les mardis et vendredis, sur la partie dominicaine de Dajabon.
Un marché binational formel aurait pour vertu de diminuer le flux de personnes vers une seule direction (Dajabon) et, par l’implantation d’une réglementation appropriée, de bénéficier aux douanes des deux pays avec les rentrées d’argent qu’il procurera de chaque côté.
Les organisations de femmes ont aussi plaidé pour une solidarité entre elles sur la migration des femmes à la frontière et pour une implication de la société civile des deux pays qui porterait leurs gouvernements à créer des emplois productifs permettant de prévenir les déplacements de population vers l’extérieur.
Dans ce contexte, les gouvernements des deux pays sont interpellés sur le respect, par les autorités, de la déclaration universelle des droits humains, l’obligation de garantir le respect des droits de la population, la nécessité d’établir des centres de formation professionnelle pour les femmes et les jeunes ainsi que des hôpitaux bien équipés pouvant répondre aux besoins de santé à tout moment.
L’ensemble de ces propositions a découlé des groupes de travail constitués après deux exposés sur la migration : un premier assuré par Cesar Torres du Service Jésuite aux Réfugiés (SJR), qui a tenté de cerner les causes et conséquences de la migration, ce que sous-entend la migration qui profite et au pays d’origine et au pays d’accueil des migrants ; un second présenté par Colette Lespinasse du Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugiés (GARR), qui a essayé de décrire les relations objectives entre les Femmes et la Migration, les femmes contraintes par les charges familiales et la pauvreté à laisser leur pays à la recherche d’un mieux-être dans un autre pays.
A noter que la plate-forme GARR est en train de finaliser une étude sur l’articulation existant entre les femmes et la migration, en ce qui concerne Haïti et la République Dominicaine.
Pour les organisations de femmes ayant participé à la réflexion du 5 décembre 2002, la migration comporte des aspects positifs et négatifs : positifs, parce qu’en laissant son pays pour aller dans un autre pays, le migrant ou la migrante tire des avantages pour lui ou elle et pour sa famille ; négatifs, parce qu’en laissant son pays, le migrant ou la migrante essuie des vexations et humiliations, ses droits humains sont bafoués lorqu’il ou elle ne dispose pas de permis de travail.
En ce sens, notent-elles, les femmes sont la catégorie humaine la plus victime, parce qu’au-delà de leur condition de lutter en faveur de la vie, elles sont vues comme des objets sexuels de commerce, leurs droits de femmes sont violés et elles font face à des violences sexuelles.
La migration apporte également, comme lots, de la tristesse et une dislocation des familles. Loin de la conviction de certaines gens, selon laquelle il faudrait s’attendre à une amélioration de leurs conditions d’existence, la migration peut conduire à des déboires regrettables : contraintes à la prostitution, trafic de femmes, commerce sexuel et exploitation sexuelle des femmes dans des maisons closes.
Les humains éviteraient certainement de se mouvoir vers un mieux-être quelquefois hypothétique, s’ils savaient que la gestion de leur pays était assurée, que l’économie de leur pays était stable, ont encore indiqué les groupes de travail constitués à l’occasion de la journée de réflexion du 5 décembre.
Organisée conjointement par Centro Puente/Dajabon, le Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugiés (GARR) et le Service Jésuite aux Réfugiés (SJR), la journée de réflexion du 5 décembre 2002 consacrée autour du thème « Femmes et Migration » a été financièrement supportée par l’organisation Volontaires pour l’Enseignement (VOLENS), une organisation belge qui soutient diverses activités en Haïti et en République Dominicaine. [rc apr 12/12/02 21:54]