Message du Directeur général de l’UNESCO, Koïchiro Matsuura à l’occasion de la Journée internationale d’alphabétisation
Soumis à AlterPresse le 7 septembre 2005
Nous célébrons aujourd’hui la Journée internationale de l’alphabétisation 2005. Cette journée nous donne l’occasion de saluer les résultats obtenus par un grand nombre de femmes et d’hommes dans le monde entier, qui ont nouvellement accédé à la communication par le mot écrit. Nous les félicitons et nous félicitons aussi tous ceux - agents d’alphabétisation, vulgarisateurs, enseignants, groupes communautaires, amis, voisins et membres de la famille - dont le soutien a été indispensable. Et pourtant, l’optimisme béat n’est pas de mise en cette Journée internationale de l’alphabétisation. Alors qu’il y a quelque 800 millions d’adultes analphabètes dans le monde, que les deux tiers d’entre eux sont des femmes et que plus de 100 millions d’enfants d’âge scolaire ne vont pas à l’école, il ne fait aucun doute que beaucoup reste à faire.
En outre, ces données statistiques ne rendent pas vraiment compte de l’étendue et de la nature du défi de l’alphabétisation à l’échelle mondiale, et ce, pour deux raisons majeures.
Premièrement, il est évident qu’un grand nombre d’enfants quittent l’enseignement primaire sans véritablement maîtriser la lecture, l’écriture et le calcul. De nombreux pays développés, malgré leur système éducatif très organisé et bien équipé, constatent qu’un pourcentage important d’enfants n’ont pas bien assimilé ces bases essentielles. Dotés de ressources bien inférieures et confrontés à d’énormes problèmes - pauvreté, exclusion et marginalisation - de nombreux pays en développement éprouvent des difficultés à contenir le flux d’enfants qui quittent l’école sachant à peine lire et écrire. Au bout de quelques années, nombre de ces enfants se perdront dans les rangs obscurs des illettrés.
Deuxièmement, l’offre limitée de possibilités concrètes qui permettraient aux adultes d’acquérir, de conserver et d’améliorer l’aptitude à lire, à écrire et à apprendre fait que des centaines de millions de personnes, en particulier des femmes, sont condamnées à vie à l’analphabétisme. Au XXIe siècle, cette situation est inadmissible.
C’est pour relever ces deux défis, qui sont interdépendants et associés à d’autres problèmes d’éducation et de développement, que l’action en faveur de l’Education pour tous (EPT) a été engagée. La Décennie des Nations Unies pour l’alphabétisation (2003-2012), qui est étroitement liée à l’EPT et qui est conduite et coordonnée par l’UNESCO, vise à mobiliser des efforts plus soutenus à l’échelle nationale et internationale pour réaliser l’objectif de Dakar, réduire de moitié les taux d’analphabétisme d’ici à 2015.
Cette année, la Journée internationale de l’alphabétisation est consacrée au rôle de l’alphabétisation dans le développement durable. Cela est d’autant plus opportun que 2005 a vu le lancement de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation au service du développement durable (2005-2014), dont l’UNESCO est le chef de file et le coordonnateur international.
En tant que fondement de toute éducation, toute formation et tout apprentissage ultérieurs, l’alphabétisation est indispensable au développement humain durable dans les sociétés d’aujourd’hui, qui sont complexes et changent rapidement. Les rudiments de la lecture, de l’écriture et du calcul ne suffisent pas à y assurer une réelle communication et une réelle participation. En outre, l’alphabétisation proprement dite acquiert de nouvelles dimensions face à l’évolution technologique et culturelle. Les bases nécessaires doivent être complétées et actualisées pour que chacun puisse faire face, avec confiance, à des situations qui changent et des incertitudes nouvelles. La durabilité de l’alphabétisation passe nécessairement par cette adaptation.
Le pivot de la relation entre l’alphabétisation et le développement durable est la citoyenneté, comprise non comme un droit mais comme la démarche active, créative et dynamique de tout être qui façonne et refaçonne sa vie. Dans cette perspective, l’alphabétisation est une condition préalable d’une vraie participation sociale et un instrument d’autonomisation aux plans individuel et collectif. Un ensemble suffisamment souple de compétences est essentiel pour relever le défi du développement durable.
La façon dont nous apprenons à nous adapter déterminera notre bien-être et notre sécurité, et peut-être même notre survie.
Les programmes d’alphabétisation sont des moyens utiles et efficaces de transmettre des idées et des informations qui se rapportent à l’éducation pour le développement durable (EDD). Dans certains cas, par exemple les projets d’alphabétisation associés à la génération de revenus ou à des moyens de subsistance durables, une étroite synthèse est possible. En attendant, l’orientation des programmes d’alphabétisation vers l’autonomisation, l’inclusion et la prise en compte des conditions locales, devrait exercer une forte influence sur les méthodes d’éducation pour le développement durable, en particulier dans des contextes non formels.
à€ l’occasion de la Journée internationale de l’alphabétisation 2005, je lance un appel aux gouvernements, aux organisations internationales, à la société civile et au secteur privé pour qu’ils accordent une attention et un soutien renouvelés à l’alphabétisation, instrument vital pour la réalisation du développement durable. Ce mois-ci, les dirigeants du monde entier se réuniront à New York pour examiner les progrès accomplis depuis la proclamation de la Déclaration du Millénaire il y a cinq ans. C’est donc le moment de rappeler que l’éducation en général et l’alphabétisation en particulier sont indispensables à la durabilité, qui repose avant tout sur les capacités humaines et leur développement.
Koïchiro Matsuura