Español English French Kwéyol

Haiti - Impunité : Mourir plusieurs fois

P-au-P, 29 août. 05 [AlterPresse] --- Les secteurs de défense des droits humains ont à nouveau condamné l’impunité en Haiti à l’occasion du onzième anniversaire, le 28 aout 2005, de l’assassinat du père Jean Marie Vincent à Port-au-Prince.

« Nous sommes les témoins de la perpétuation du règne de l’impunité », a déclaré la Commission nationale Justice et Paix, dans une note transmise à AlterPresse.

« Après tant d’années, très peu d’avancement a été réalisé » pour connaître les auteurs du crime perpétré durant la période du coup d’Etat militaire contre l’ancien président Jean Bertrand Aristide, lors de son premier mandat.

Jean Marie Vincent était un prêtre engagé aux cotés des secteurs en lutte. Il accompagna des structures paysannes particulièrement dans le Nord-Ouest et participa à l’éducation citoyenne des jeunes. « Tout le monde connaissait son engagement pour les organisations paysannes, et son travail pour que les paysans puissent disposer de leurs propres ressources les permettant de vivre de leur travail », a souligné Justice et Paix.

« Nous ne comprenons pas les raisons pour lesquelles la Justice dans le pays aurait besoin de tant d’années pour mener une enquête sérieuse », a encore déclaré l’organisme, qui critique le système judiciaire haitien.

« Est-ce que la période de transition (...) ne sert pas à couvrir de nombreux cas d’impunité ? », s’est interrogé Justice et Paix. « Nous ne voyons pas encore se réaliser des enquêtes judiciaires qui aboutissent à des procès qui permettent à la société de se réconcilier avec elle-même », a-t-elle poursuivi.

Au contraire, a relevé l’organisme, « nous sommes témoins comment des jugements qui ont eu lieu sont annulés, comme celui de Raboteau, parce que, d’après ce qu’on dit, ce n’est qu’après 5 ans qu’on s’est aperçu des erreurs commises lors de la tenue du procès ».

La Commission Justice et Paix a exhorté « tous ceux qui ont pour devoir de rendre justice, d’entrer dans leur conscience » et d’assumer leur responsabilité « pour que le pays puisse finalement trouver la Paix qui est le fruit de la Vérité et de la Justice ».

Le 1er juin 2005, un arrêt de la Cour d’Appel de Port-au-Prince a libéré les inculpés Rémy Lucas et l’ex capitaine Jackson Joanis des charges qui pesaient contre eux dans l’assassinat de Jean Marie Vincent. Ils n’ont « pas de charges ou d’indices suffisants capables de les retenir dans les liens de l’inculpation », avait déclaré la cour.

Cet arrêt a été jugé « scandaleux » par le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH). « Les juges de la Cour d’Appel de Port-au-Prince, par l’Arrêt-Ordonnance du 1er juin 2005, ont assassiné une deuxième fois, le père Jean-Marie VINCENT. Ils n’ont pas analysé l’espèce avec rigueur. Au contraire ! Ils ont fait preuve d’une étonnante complaisance vis-à -vis des suspects. Ils n’ont pas pris en compte des indices pertinents », a critiqué le RNDDH.

Dans sa récente prise de position, Justice et Paix en a profité pour rappeler l’assassinat le 3 août 1998 du prêtre Jean Pierre-Louis dit Ti Jean. Comme Jean Marie Vincent, il gênait les intérêts mesquins de certains milieux, a-t-elle estimé. « Tous se souviendront de sa sensibilité pour les petits et les paysans. Il était totalement dévoué à leur service, détaché de tout. Il aimait la vérité et la justice ».

La Plateforme des Organisations Haïtiennes de Défense des Droits Humains (POHDH) annonçait au début août un ensemble d’activités de mobilisation en faveur de la justice pour le père Jean Pierre-Louis. Selon la POHDH, un comité d’avocats travaille activement sur le dossier. [gp apr 29/08/2005 09:40]