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Politique : Risque d’échec du projet de la nouvelle Constitution en Haïti

Par Charilien Jeanvil

P-au-P, 04 février 2025 [AlterPresse] --- Alors que l’actuel pouvoir de transition met le cap sur un référendum constitutionnel, de plus en plus de voix s’élèvent pour critiquer la méthodologie utilisée et prédisent une initiative vouée à l’échec.

L’ancien conseiller électoral et docteur en sciences politiques Ricardo Augustin exprime son scepticisme quant au processus référendaire, qui a été enclenché en vue de doter Haïti d’une nouvelle Constitution, lors d’une intervention à l’émission FwoteLide diffusée sur AlterRadio et suivie par AlterPresse.

La problématique réside dans la méthodologie, souligne-t-il, dénotant une précipitation et une approche basée sur des suppositions du pouvoir en place.

Il fallait d’abord consulter la population sur sa volonté de changer la Constitution. C’est à partir de cette prémisse que l’État créerait une assemblée constituante, représentative de la société haïtienne, avec une mission bien définie et temporelle pour rédiger le texte de la nouvelle Constitution, estime-t-il.

Dr. Ricardo Augustin écarte la thèse de l’amendement de la Constitution de 1987, relevant combien les conditions ne sont pas réunies aujourd’hui en Haïti.

Il n’existe aucune possibilité qu’un tel agenda aboutisse dans le contexte actuel, avance-t-il, considérant nécessaire de garantir, au préalable, la stabilité en Haïti, qui passe par la résolution du fléau de la criminalité.

Le référendum constitutionnel devrait se tenir le 11 mai 2025, tandis que les élections générales auraient lieu à la mi-novembre 2025, a déclaré le coordonnateur des actions au Conseil présidentiel de transition (Cpt), Leslie Voltaire, lors d’une visite en France le mercredi 29 janvier 2025.

Le Groupe de travail sur la Constitution a remis, le vendredi 3 janvier 2025, un rapport final au Secrétariat technique du comité de pilotage de la Conférence nationale.

Le document résume l’ensemble des propositions, reçues de secteurs de la vie nationale et des partis politiques concernant le projet de révision constitutionnelle, au terme d’une mission de trois mois du Gtc.

La structure a recommandé la mise en place d’une Assemblée constituante pour délibérer sur un texte constitutionnel, avant tout vote référendaire.

Éviter la précipitation

Un projet avec un tel enjeu ne peut -as être exécuté dans la précipitation, fait remarquer le politologue Ricardo Augustin, déplorant le manque de transparence dans le rapport du Groupe de travail sur la Constitution.

Il insiste sur la nécessité de mettre sur pied une Assemblée constituante, représentative de la société haïtienne, avec des citoyennes et citoyens engagé-e-s, honnêtes, intègres, compétent-e-s et patriotes, incluant également la diaspora.

Cette assemblée devrait tenir compte des travaux déjà réalisés et proposer un nouveau texte, qui sera soumis à l’appréciation du peuple, à travers des débats dans tous les forums et tous les secteurs, avant de passer au référendum, suggère Ricardo Augustin.

Il s’attend ainsi à une mobilisation autour du projet, comme c’était le cas lors de l’adoption de la Constitution en vigueur en 1987.

Le vice-doyen de la Faculté des sciences économiques, sociales et politiques de l’Université Notre-Dame d’Haïti appelle à un dépassement des actrices et acteurs, plaidant pour un accord inclusif, participatif, et un agenda clair dans l’exercice du pouvoir.

La Conférence nationale doit initier la réforme constitutionnelle, selon Kaplaa

Le pouvoir en place fait fausse route dans le projet de la réforme constitutionnelle, considère, de son côté, le coordonnateur de l’organisation Konbit peyizan Latibonit pou anviwónman ak agrikilti (Kaplaa), l’ancien député (2016 - 2020) de Saint-Michel de l’Attalaye (departement de l’Artibonite) Myriam Amilcar, qui intervenait également à l’émission FwoteLide.

La crise sociopolitique et économique devrait être une opportunité à saisir, souligne-t-il.

Myriam Amilcar préconise la tenue d’une conférence nationale souveraine, qui devrait plancher sur des enjeux cruciaux du pays.

Il décèle une incompatibilité dans l’approche du pouvoir, arguant que l’on ne peut pas parler de Constitution en même temps qu’une Conférence nationale.

La Constitution est un pacte, un consensus général. Elle doit émaner de la Conférence nationale, au terme d’une large consultation de tous les secteurs à travers les dix départements géographiques en Haïti, ajoute-t-il, dénonçant une manœuvre exclusive.

Comme Dr. Ricardo Augustin, Myriam Amilcar affirme combien sa structure n’a pas été contactée par le Groupe de travail sur la Constitution.

La solution doit provenir de la Conférence nationale, qui, de son côté, accouchera l’Assemblée constituante devant statuer sur la Constitution, réitère-t-il.

L’ancien représentant de la circonscription de Saint-Michel de l’Attalaye invite les autorités étatiques à se ressaisir, afin de ne pas aggraver davantage la crise.

Confusion au sein du comité de pilotage de la Conférence nationale ?

Au sein du comité de pilotage de la Conférence nationale, les violons ne s’accorderaient pas.

Né le 18 juillet 1960 à Chansolme (département du Nord-Ouest d’Haïti), l’ancien premier ministre (28 mars 2016 - 21 mars 2017), qui officie comme président du comité de pilotage de l’attendue conférence nationale, Enex Jean-Charles, a confirmé au quotidien « Le Nouvelliste » le remplacement du Dr. Louis Naud Pierre par Walta Clercius, comme secrétaire exécutif du comité de pilotage de la Conférence nationale.

Aucun arrêté officiel n’a, pour l’instant, annoncé ce changement.

Contacté par AlterPresse, le porte-parole du Cpt, Jacques Ambroise. n’était pas au courant de cette décision.

Joint par AlterPresse, Dr. Louis Naud Pierre a confirmé qu’il ne fait effectivement plus partie du comité de pilotage de la conférence nationale.

Créé par arrêté présidentiel, ce comité a été installé le 23 août 2024 et est composé de neuf (9) membres, dont Enex Jean-Charles, président, Amary Joseph Noël, membre et Widline Pierre, membre.

Le comité de pilotage de la conférence nationale disposerait d’un budget de fonctionnement évalué à 600 millions de gourdes jusqu’à l’échéance de son mandat en janvier 2026.

Sa première mission consiste à recueillir les propositions, via des assises nationales et étrangères, afin d’arriver à la tenue d’un référendum sur la Constitution et des élections. [cj emb rc apr 04/02/2025 10:30]