Par Michel Legros*
Soumis à AlterPresse le 31 janvier 2025
Le Premier ministre, accompagné des membres du Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN), s’est rendu à la Direction générale de la PNH pour une visite qui en dit long sur l’état de la gouvernance sécuritaire du pays. Publiquement, il a reconnu que les services d’intelligence de la PNH, de la Primature, ainsi que ceux des ministères de l’Intérieur et de la Justice, étaient informés de l’attaque imminente contre Kenscoff, où l’on dénombre déjà 40 morts. Puis, dans une déclaration pour le moins surprenante, il affirme qu’ils doivent maintenant chercher à comprendre pourquoi ce massacre a eu lieu, comme si la réponse n’était pas flagrante.
Comment peut-on être informé d’une menace et ne rien faire ? Si ce massacre a eu lieu, c’est que l’incompétence et la médiocrité gangrènent le sommet de l’appareil sécuritaire. Le Premier ministre n’est pas allé au bout de sa pensée ; il a préféré tourner autour du pot : labouyi cho manje sou kote.
Non, cette tuerie est de trop. Après un tel aveu, les responsabilités doivent être clairement établies. Sinon, ce serait une invitation à l’irresponsabilité.
Et cette incompétence se manifeste aussi dans la soi-disant guerre contre les gangs. Le discours officiel n’est qu’un verbiage ridicule. Au lieu de mener une véritable offensive pour neutraliser ces groupes armés, on nous abreuve de bilans d’arrestations comme s’il s’agissait de victoires militaires. Or, une guerre ne se mesure pas au nombre de prisonniers—d’autant plus s’ils sont des non-combattants—mais au territoire repris, aux forces ennemies anéanties et à la destruction de leurs infrastructures.
Regardons d’autres conflits de ce type : au Salvador, par exemple, la guerre contre les maras n’a pas été gagnée par une accumulation d’arrestations, mais par un usage systématique de la force pour reprendre les quartiers aux gangs et les empêcher de se réorganiser. Ici, l’objectif sécuritaire semble se limiter à remplir les prisons, sans qu’une stratégie de reconquête territoriale n’accompagne ces arrestations. Cette approche erronée trahit une incompréhension totale de la nature du conflit et l’incompétence des responsables de la question sécuritaire.
Toute force militaire efficace repose sur une structure claire : un état-major qui élabore la stratégie, un corps d’officiers qui dirige les opérations, des sous-officiers pour encadrer les troupes et, enfin, des soldats mobilisés pour mener le combat. Mais face aux gangs, ce schéma n’existe pas. L’improvisation règne, et les résultats parlent d’eux-mêmes : pendant que les autorités se félicitent d’arrestations sans impact réel, les criminels continuent d’étendre leur emprise.
Que la PNH ne soit pas une armée et n’ait pas été conçue comme telle est un fait. Mais aujourd’hui, puisqu’elle constitue la principale force armée du pays, elle n’a d’autre choix que de s’adapter. D’autant plus que son directeur général revendique fièrement son statut de commandant en chef, affichant ainsi une posture militaire. Qu’il assume alors pleinement ses responsabilités. Un commandant en chef digne de ce nom ne peut se satisfaire d’un bilan d’échecs répétés. Général de fait, il doit organiser une véritable offensive, reprendre le contrôle du territoire et rompre avec cette vision policière du conflit, qui se résume à une succession d’opérations sans même penser occuper le terrain.
Viv Ansanm, lui, fonctionne comme une véritable armée. Leur stratégie est claire, leur tactique s’adapte, et ils avancent sans résistance. Pourquoi ? Parce qu’en face, il n’y a rien. Il est urgent d’exiger un véritable changement, une réorientation stratégique. Il faut une volonté réelle des chefs de combattre. Sans un sursaut immédiat, c’est l’apocalypse qui attend Haïti.
* Analyste politique
Contact : Sitwayen pou Respè Konstitisyon
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