Par Michel Legros*
Soumis à AlterPresse le 17 janvier 2025
Depuis quelque temps, Mario Andrésol s’était éloigné des activités liées à la sécurité pour se consacrer à l’univers de la mode. Désormais, l’homme était davantage mannequin que gendarme. Saura-t-il retrouver la rigueur militaire, si éloignée, il faut l’admettre, des podiums et des défilés haute couture ? Cela dit, nous ne voyons aucun inconvénient à ce qu’il prenne les commandes de la politique sécuritaire du pays, tant que sa vision novatrice et sa capacité à s’adapter aux exigences de son nouveau rôle l’emportent sur ses précédents engagements. Les défis qui l’attendent sont d’une ampleur considérable.
En effet, sa nomination comme super ministre de la Sécurité publique, avec le titre de secrétaire d’État, a été annoncée, cette semaine, en grande pompe. Nous attendons avec intérêt de le voir à l’œuvre afin d’évaluer ses capacités face à une tâche aussi monumentale. Nous lui souhaitons d’ores et déjà du succès.
Il convient de rappeler qu’Andrésol a dirigé la PNH pendant plusieurs années, notamment sous le gouvernement de transition de Gérard Latortue et sous le mandat de René Préval, président élu issu du courant Lavalas. Ce dernier avait hérité d’une situation chaotique marquée par l’« opération Bagdad », une campagne de terreur initiée par son propre camp politique. Grâce à sa légitimité politique et au soutien international dont il bénéficiait, René Préval avait réussi à neutraliser ces dérives, ramenant une relative stabilité dans le pays.
À cette époque, les opérations de désarmement, menées sous l’impulsion du duo Bob Manuel - Alix Fils Aimé, se réalisaient dans un contexte marqué par une coopération internationale active et une PNH encore opérationnelle. Mario Andrésol, lors directeur-général de la PNH en titre pouvait compter sur la MINUSTAH, une force internationale de 12 000 hommes bien équipée, ainsi que sur une police encore fonctionnelle, non gangrénée comme elle l’est actuellement. Ces ressources représentaient un effectif total de plus de 20 000 hommes, lui offrant un appui solide dans la lutte contre l’insécurité.
Maintenant, le contraste est frappant. La MINUSTAH a disparu — ce que, soit dit en passant, nous ne saurons regretter au vu de ses nombreux méfaits, notamment les cas d’abus sexuels impliquant ses membres et l’introduction dévastatrice du choléra en Haïti —, laissant un vide que la PNH, affaiblie et infiltrée ne parvient pas à combler. L’insécurité a atteint des niveaux sans précédent, rendant la situation infiniment plus complexe et difficile à gérer. Aujourd’hui, aucun renfort international, sinon cette rachitique MMS, ne vient épauler les forces locales, et la crise sécuritaire s’est profondément enracinée. La PNH et l’embryon des FADH, débordés, ont du mal à freiner la progression des groupes armés, lesquels contrôlent désormais 80 % de la capitale et de ses environs, tout en exerçant une pression qui s’étend à l’ensemble du territoire national.
La situation socio-économique, quant à elle, ne fait qu’aggraver ce tableau sombre. De nombreuses entreprises ont dû fermer leurs portes, incapables de résister à une insécurité omniprésente et à une économie en déclin. Cette dynamique a entraîné une décapitalisation généralisée, touchant aussi bien de grands entrepreneurs de la bourgeoisie que de petits commerçants des secteurs populaires, qui constituaient jusqu’alors les piliers essentiels de l’économie locale. La peur et le désespoir forment un cocktail explosif susceptible de dégénérer à tout moment.
En outre, un exode massif est venu fragiliser davantage le pays. Le programme Biden a engendré un départ massif de citoyens, dont de nombreux policiers. Environ un tiers des effectifs de la PNH ont quitté le pays, créant un vide considérable dans les rangs des forces de l’ordre et laissant la population encore plus vulnérable face à l’expansion des groupes armés.
Dans ce contexte alarmant, Mario Andresol devra faire preuve d’une compétence exceptionnelle et d’une capacité d’innovation sans précédent pour gagner ce pari. Nous devons soutenir le nouveau secrétaire d’État dans sa mission tout en restant lucide. Il est impératif qu’il s’accorde avec le directeur général de la police nationale, dont la mission, certes complémentaire, est distincte. On murmure des désaccords entre eux, mais ces différends, quels qu’ils soient, doivent céder face à l’urgence nationale. L’État ne peut se permettre ni tensions ni querelles intestines en cette période critique. Ils doivent œuvrer de concert, faire preuve de responsabilité et agir en véritables hommes d’État, en plaçant l’intérêt national au-dessus de toute considération personnelle. L’avenir du pays, tout comme la vie de leurs concitoyens, est en jeu.
* Analyste politique
Contact : Sitwayen pou Respè Konstitisyon
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