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Haïti-Crise : Le fondement de l’État menacé par l’alliance de groupements politiques avec des criminels, met en garde la Fondasyon je klere

Par Charilien Jeanvil

P-au-P, 16 janv. 2025 [AlterPresse] --- L’alliance « indécente » et « malsaine » de groupements politiques avec des criminels menace le fondement même de l’État, prévient le président de l’organisme de droits humains Fondasyon je klere (Fjkl), Me. Samuel Madistin, à l’émission FwoteLide diffusée sur AlterRadio 106.1 fm et suivie par AlterPresse.

Cette alliance entre des secteurs politiques et la coalition criminelle de gangs Viv Ansanm, en faveur de la recherche d’une solution à la crise haïtienne, suscite de nombreuses préoccupations.

Se disant choqué et révolté, l’organisme Fondasyon je klere qualifie d’indécente la démarche de certaines structures politiques, qui ont profané la mémoire des milliers de victimes de la terreur et d’autres violences des gangs armés.

Il y voit du mépris, affiché à l’endroit des centaines de femmes et de petites filles violées, des milliers de personnes kidnappées et torturées, des centaines de milliers de gens qui ont perdu leurs biens et sont contraints de fuir les violences asphyxiantes des gangs armés.

Le Collectif des partis politiques du 30 janvier 2023, le parti politique les Engagés pour le développement (Ede) et le Groupe du 21 décembre 2022 ont transmis, il y a une semaine, une proposition de sortie de crise à la Communauté des Caraïbes (Caricom).

Cette proposition mentionne la coalition criminelle Viv Ansanm parmi les secteurs , qui suggerent le recours à la Cour de cassation pour une solution à la crise actuelle.

Cette approche donne carte blanche aux groupes criminels dans le pays pour commettre leur atrocité, condamne Me. Samuel Madistin.



Tentative de discrédit du recours à la Cour de Cassation ?

Le militant des droits humains y voit également une démarche malsaine pour discréditer la proposition de la Cour de Cassation, faisant remarquer combien ces protagonistes politiques n’ont jamais soutenu initialement cette formule.

Une coalition criminelle ne peut, en aucun cas, être considérée comme une force politique appuyant une solution politique. La politique vise le bien-être de la collectivité, défend l’ancien sénateur, ajoutant qu’en érigeant Viv Ansanm comme une entité politique, on légitimerait ses forfaits.

Le seul dialogue avec les groupes armés en Haïti doit passer par la force, insiste l’organisme de droits humains Fondasyon je klere, arguant combien les Forces armées d’Haïti (Fad’h) et la Police nationale d’Haïti (Pnh) doivent les traquer et déférer leurs membres par devant la justice.

Peut-on poursuivre les signataires de la proposition impliquant des gangs criminels ?

La signature d’un document avec une structure criminelle ne constitue pas une infraction à la loi pénale. Mais, le problème se pose sur le plan de la morale et de l’éthique, analyse l’homme de loi, soutenant combien cela sous-entend une adéquation avec le groupe criminel.

Pour sévir contre les gens qui se sont associés avec les gangs, la justice doit avoir à disposition des renseignements supplémentaires. Le bureau de renseignement judiciaire à la Direction centrale de la police judiciaire (Dcpj) doit soumettre des éléments, établissant la complicité des concernés dans l’exécution des actes criminels de ces groupes. La justice peut ainsi agir, d’après l’organisme de droits humains Fondasyon je klere.

Il regrette le mutisme de la majorité des protagonistes politiques sur la question, qui ne mesurent sûrement pas l’ampleur et la gravité d’un tel acte.

Cela devrait encourir une réprobation générale, souligne l’organisme de droits humains Fjkl.

Dans une société de droit, l’État a une double obligation, ne pas violer le droit des gens et les empêcher de commettre des crimes, avance-t-il.

Aucun développement n’est possible dans une société axée sur la violence, le crime et sans harmonie sociale, prévient-il, rappelant combien c’est contraire à la démocratie, « car la justice est au cœur de toute société ».

Peut-on parler d’amnistie pour les gangs en Haïti ?

L’amnistie ne peut être pas effective pour les crimes de droit commun. Elle peut être accordée à un groupe politique commettant des exactions dans la lutte pour la libération, explique Me. Samuel Madistin.

Il s’avère donc impossible et impensable d’évoquer une amnistie pour ces malfrats haïtiens, dépourvus de toute idéologie et qui ne s’intéressent qu’à voler, piller et détruire la vie et les bien d’autrui.

Prôner une proposition soutenue par les groupes criminels et avec eux sous-tend à faire valoir l’impunité pour ces terroristes, responsables de tant de crimes et de peines, se désole l’organisme de droits humains Fondasyon je klere.

Cette démarche sape le fondement de l’État de droit. C’est aussi renoncer à toute valeur dont la morale et à la politique comme science, avance-t-il.

Le président de la Fjkl démonte donc l’attitude des protagonistes, regrettant le choix de la délinquance comme mode de gouvernance, l’assimilant à un comportement de voyous.

Des structures politiques se démarquent

Entre-temps, certaines structures et des protagonistes dans l’échiquier politique annoncent prendre leur distance à l’intégration de la coalition criminelle Viv Ansanm dans les discussions politiques.

Intervenant également à l’émission FwoteLide sur AlterRadio, le coordonnateur général du Collectif 4 décembre 2013, Jean Robert Argant, dément avoir signé une proposition soumise à la Caricom avec des regroupements, en vue d’une éventuelle sortie de crise en Haïti, impliquant, en outre, un groupe criminel.

Le Collectif du 4 décembre 2013 n’avalise même pas le recours à la Caricom comme médiatrice lors de conflits ou drames nationaux, argue son responsable.



Sur la possibilité pour Viv ansanm de participer à une recherche de solution à la crise, le Collectif du 4 décembre 2013 écarte tout éventuel accord avec des regroupements à moralité douteuse.

Jamais, le Collectif du 4 décembre 2013, qui préconise le respect des principes de non-violence et la défense des droits fondamentaux des concitoyennes et concitoyens, ne s’associerait à des entités, qui ne partagent pas ses valeurs, affirme Jean Robert Argant.

Le Collectif du 4 décembre 2013 réitère son plaidoyer pour la Cour de cassation, avec la nomination d’un juge pour assurer la présidence, et l’établissement d’un gouvernement bicéphale.

Il appelle à « une solution inclusive et pacifique », dans laquelle toutes les actrices et tous les acteurs, respectueux des valeurs cardinales et animés par la volonté de reconstruire Haïti, peuvent contribuer.

De son côté, le parti politique Force louverturienne réformiste, qui participait également à l’émission FwoteLide sur AlterRadio, rejette une possible entente avec les groupes armés, en vue d’une solution à la crise.

N’ayant pas été contacté par les secteurs porteurs de la proposition soumise à la Caricom, le parti politique Force louverturienne réformiste souligne n’avoir aucun rapport avec les secteurs qui ont désigné des personnalités dans le Conseil présidentiel de transition (Cpt).



La solution à la crise actuelle pourrait provenir de la Cour de cassation, avance Dr Emmanuel Ménard du parti politique Force louverturienne réformiste, vantant l’expérience vécue à la présidence d’Haïti avec les anciens magistrats Ertha Pascal Trouillot (13 mars 1990 - 7 février 1991) et Boniface Alexandre (29 fevrier 2004 - 14 mai 2006).

Le pouvoir judiciaire existe encore. Il n’y aurait rien d’anormal de viser la Cour de cassation, en faisant choix d’un juge régulièrement nommé, conformément aux procédures constitutionnelles.

Le parti politique Union nationale pour l’intégration et la réconciliation (Unir), affilié au Collectif du 30 janvier 2023, qualifie d’inacceptable le fait par ce Collectif, le parti politique Ede et l’accord du 21 décembre 2022 d’adjoindre la coalition de gangs Viv Ansanm aux propositions transmises à la Caricom.

Le problème concernant Viv Ansanm doit être résolu par la force, défend le coordonnateur du parti politique Unir, Jean Clarens Renois, sur son compte X.

L’Opl se retire du Collectif des partis politiques du 30 janvier 2023 et dénonce un acte politique honteux

Le parti politique Organisation du peuple en lutte (Opl) décide de se retirer du Collectif des partis politiques du 30 janvier 2023, après l’alliance déclarée de ce regroupement politique avec la coalition criminelle des gangs armés Viv Ansanm.



Cette alliance « constitue un acte politique honteux et une atteinte à la dignité et à l’honneur des communautés victimes des exactions de ladite coalition Viv Ansanm », fustige le parti politique Opl dans une note.

Le parti politique Opl dit rejeter « toutes alliances contre nature avec des forces obscurantistes, comptant sur la violence et la barbarie des gangs lourdement armés pour conserver ou s’emparer de ce qui reste du pouvoir d’État ».

Le Conseil présidentiel de transition (Cpt) condamne l’alliance « inacceptable » entre des partis politiques et la coalition criminelle des gangs armés Viv Ansanm, dans une déclaration de son coordonnateur Leslie Voltaire, publiée sur son compte X, à l’occasion du 15e anniversaire du tremblement de terre dévastateur du 12 janvier 2010.

Le Cpt critique cet acte « grave », qui menace la république d’Haïti, une décision qui trahit la mémoire des milliers de victimes des actes criminels et porte atteinte à la souveraineté d’Haïti.

« En agissant ainsi, ces partis politiques se sont écartés des principes républicains. Ils devront en répondre devant la justice et nos concitoyennes et concitoyens », affirme-t-il, tout en appelant également les forces vives de la nation à soutenir les efforts du Cpt face à ces dérives. [cj emb rc apr 16/01/2025 10:00]