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Haïti : Non aux déportations massives à la frontière haitiano-dominicaine !

Des organisations sociales haitiennes exhortent au respect du protocole d’accord sur les rapatriements

Communiqué de presse de 11 organisations de divers secteurs

Soumis à AlterPresse le 22 août 2005

Selon des informations recueillies par le GARR et le Service Jésuite aux Réfugiés et aux Migrants (SJRM) et les comités de Droits Humains membres du Réseau Binational Jeannot Succès pour la Promotion et la Défense des Droits Humains à la frontière (RBJS), plus de deux mille (2000) personnes ont été rapatriées à la frontière haitiano -dominicaine entre fin juillet et mi-août 2005. De ce groupe, mille cent vingt-cinq (1.125) ressortissants/es haïtiens/nes et dominicains, ont été emmenés au point frontalier de Elias Piñas/Belladère, dans le Plateau Central.

Ces personnes ont été arrêtées par la Police, l’Armée Dominicaine et/ou les Agents de la Direction Générale de la Migration sur la base de la couleur de leur peau et leur manque de maîtrise de la langue espagnole. Ainsi, certains dominicains, considérés comme haïtiens, ont été, eux aussi expulsés.

Plusieurs cas de violations sont constatés dans le cadre de ces déportations. Citons entre autres :

- Le caractère massif de ces déportations

Ce qui est contraire à la Convention Interaméricaine des Droits de l’Homme, en son article 22-9 qui stipule : « l’Expulsion collective d’étrangers est interdite ».

- La Confiscation de documents d’identité

Des passeports haïtiens, pourtant propriété de l’Etat haïtien, ont été confisqués et de cédulas dominicaines détruites.

- La privation du droit de prouver son statut légal

Dans la quasi-totalité des cas, les déportés n’ont pas eu le droit de prendre contact avec leurs familles en vue de récupérer leurs documents légaux, ni celui de contacter les services diplomatiques haïtiens sur place.

- La séparation forcée des familles

Des mères et pères ont été séparés de leurs enfants. Des couples sont victimes de séparation brutale.

- Les mauvaises conditions de détention

Dans tous ces cas de déportations massives, les conditions de détention sont inhumaines. Des personnes arrêtées, incarcérées pendant trois (3) à cinq (5) jours sont privées de nourriture et de l’accès aux infrastructures sanitaires de base avant leur expulsion.

- Les violences physiques

Les déportés sont maltraités et battus au moment de leur transport (coups de bâton et de fusil, bousculades, menottes trop serrées...).

- Les intimidations et agressions

Les insultes, coups de feu en l’air, menaces de mort, sont légion lors de ces expulsions.

- Les violences faites aux femmes

Le caractère violent de ces déportations a eu des conséquences néfastes sur des femmes et nourrices. Des cas de fausses couches et d’accouchement prématuré ont été constatés. Des tentatives de viol ont été rapportées.

- La perte de biens meubles et immeubles et la non réception de salaires

La plupart de ces déportés-es ont été privés-es du droit de récupérer leurs biens et sont rentrés-es avec l’unique vêtement qu’ils/elles portaient au moment de leur arrestation. Ceux-celles qui ont travaillé durant plusieurs jours, voire des semaines, n’ont pas eu le temps ou le droit de réclamer leur dû. Or, en 1999, les gouvernements dominicain et haïtien ont signé un Protocole d’Accord sur les mécanismes de rapatriements aux termes duquel ils ont pris divers engagements visant à protéger les droits des personnes en cours de rapatriement. (Voir le Protocole en annexe).

Récemment, le 11 juillet 2005, la question migratoire était à l’ordre du jour lors d’une rencontre entre le Ministre haïtien des Affaires Etrangères, M. Hérard ABRAHAM et son homologue dominicain M. Carlos Morales TRONCOSO. Jusqu’à présent, les citoyens-nes haïtiens-nes n’ont jamais eu un compte-rendu de cette réunion alors qu’on assiste à une intensification des rapatriements depuis la fin du mois de juillet 2005.

Nous, ensemble d’organisations signataires de ce communiqué :

ï ¶ Exhortons les gouvernements haïtien et dominicain à respecter ledit Protocole d’Accord, chacun en ce qui le concerne.

ï ¶ Demandons au gouvernement haïtien, en particulier, le Ministère des Affaires Etrangères et celui des Haïtiens Vivant à l’Etranger, de ne pas cautionner, par leur silence prolongé, la poursuite des déportations abusives et massives.

ï ¶ Demandons au gouvernement haïtien d’entamer des démarches auprès du gouvernement dominicain pour permettre aux victimes d’obtenir réparation.

ï ¶ Exhortons le gouvernement dominicain à cesser l’expulsion de ses citoyens-citoyennes sur une base raciste, en plein 21e siècle.

ï ¶ Condamnons l’attitude du gouvernement dominicain qui semble tirer prétexte d’incidents déplorables pour déclencher des vagues de déportations massives et laisser le champ libre à des individus mal intentionnés qui persécutent des ressortissants haïtiens sur le territoire dominicain. En témoigne la dernière agression criminelle en date du 16 août 2005 contre quatre personnes identifiées comme des Haïtiens, arrosées d’essence pour être brûlées vives dans leur résidence à Haina. (El Nacional,18/8/05)

ï ¶ Demandons au gouvernement haïtien de prendre toutes les dispositions nécessaires pour respecter les droits économiques et sociaux de la population haïtienne en allégeant tout particulièrement la misère des couches défavorisées et de la classe paysanne en vue de freiner la vague d’immigrants haïtiens qui traversent la frontière à la recherche d’un mieux être. Des mesures drastiques doivent être prises pour diminuer le coût de la vie, et favoriser la création d’emplois.

Nous invitons toute personne, haïtienne, dominicaine ou d’autres nationalités, toutes associations se sentant concernées par cette problématique, à appuyer cette démarche et nous rejoindre en vue de contribuer à la lutte pour le respect des droits des Haïtiens-nes vivant en République Dominicaine et participer à toute initiative favorisant des rapports de solidarité et de justice entre les deux peuples. (comgarr@yahoo.fr, Tél : (509)244-4977/210-0588).

Port-au-Prince, le 22 août 2005

Organisations signataires :

CHANDEL (à’ganizasyon popilè pou Edikasyon popilè)

Confédération Nationale des Enseignants Haïtiens (CNEH)

Centre de Recherche et de Formation Economique et Sociale (CRESFED)

Groupe Haïtien de Recherches et d’Actions Pédagogiques (GHRAP)

Justice et Paix

Plate-forme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif (PAPDA)

Rasanbleman Jèn Savanèt (RAJES)

Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH)

SANT PON AYITI

Solidarite Fanm Ayisyèn (SOFA)

Pour authentification :

Colette Lespinasse
Coordonnatrice
Groupe d’Appui aux Rapatriés et Réfugiés (GARR)

Annexe :

Les prescrits du Protocole d’Accord de 1999 sur les Mécanismes de Rapatriement

• Ne pas procéder à des rapatriements la nuit, c’est à dire entre 18 heures et 6 heures ;

• éviter de séparer les membres des familles nucléaires (des parents et des enfants mineurs) au cours de ce processus ;

• procéder aux rapatriements par les postes frontaliers de : Jimanà­/Malpasse, Dajabón/Ouanaminthe, Elà­as Piñas /Belladère, Pedernales/Anse à Pitre ;

• déployer de grands efforts pour que les rapatriés puissent emporter leurs effets personnels, et conserver leurs documents personnels sauf dans les cas où selon les inspecteurs chargés des migrations, ces documents sont illégaux ;

• remettre à chaque rapatrié une copie du formulaire individuel contenant l’arrêté de rapatriement le concernant ;

• communiquer au préalable les listes des personnes rapatriées aux consulats d’Haïti accrédités sur le territoire dominicain.

Le gouvernement haïtien s’est engagé à renforcer et/ou à établir des centres de contrôle migratoire dans les postes frontaliers où doivent être accueillis les rapatriés.