P-au-P, 25 sept. 2024 [AlterPresse] --- Un tweet du président du Kenya William Ruto, saluant l’engagement de la République Dominicaine à soutenir la Mission multinationale d’appui à la sécurité (Mmas), suscite un vif tollé sur les réseaux sociaux et les médias en Haïti, relève l’agence en ligne AlterPresse.
« L’évacuation médicale et les fournitures – ainsi que les troupes supplémentaires - renforceront l’opération et favoriseront la paix et la stabilité en Haïti », écrit Ruto sur son compte X.
Ce tweet intervient à l’occasion d’une rencontre, le lundi 23 septembre 2024, entre le président kenyan et son homologue dominicain Luis Abinader, en marge de la 79e Assemblée générale des Nations unies à New York (États-Unis d’Amérique).
Mésinterprétation ou erreur diplomatique
Dans une interview accordée à la plateforme AlterPresse/AlterRadio, le spécialiste en relations internationales, le politologue et économiste Joseph Harold Pierre se demande, d’entrée de jeu, s’il n’y a pas eu une mésinterprétation de l’équipe kenyane du message de Ruto à Abinader.
Il n’existe aucune possibilité pour que des troupes dominicaines soient déployées en Haïti, affirme Joseph Harold Pierre, se basant sur le bon sens, la pesanteur historique et les questions géopolitiques.
« L’État dominicain est assez intelligent pour savoir qu’un tel déploiement n’est pas possible. Ce serait perçu comme une provocation et une grave erreur », déclare-t-il.
La société civile dominicaine assez organisée et structurée, et ayant une certaine force de pressions sur le gouvernement, ne l’acceptera pas, poursuit le politologue et économiste, qui a une expertise en Amérique latine.
Pour leur part, les Nations unies n’accepteraient nullement qu’une mission de paix en Haïti ait, en son sein, une dimension conflictuelle avec la présence de troupes dominicaines, ajoute Joseph Harold Pierre.
S’agit-il d’un manque de compréhension de l’histoire d’Haïti et de la République Dominicaine ?
En tout état de cause, ce jeu diplomatique de Ruto pourrait le mettre dans une situation d’inconfort avec Haïti, qui entretient une relation très tendue avec la République Dominicaine, ces derniers temps, prévient-il.
Des contentieux politiques entre Haïti et la République Dominicaine ne sont pas encore vidés, en ce qui concerne la construction d’un système d’irrigation, alimenté par les eaux de la Rivière Massacre, dans la zone frontalière au niveau de Ouanaminthe (Nord-Est d’Haïti).
Il y a des erreurs diplomatiques que Ruto devra corriger dans son comportement, à l’avenir, considère Joseph Harold Pierre.
L’État haïtien, mais surtout les forces de pressions, en particulier, et la population haïtienne, en général, s’opposeraient à toute idée de déploiement de troupes dominicaines en Haïti, reste convaincu le politologue et economiste.
« Une décision pareille envenimerait la crise haïtienne. Ce n’est pas du tout envisageable. C’est même inconcevable », tranche Joseph Harold Pierre
Les réseaux sociaux s’enflamment
Des internautes voient le tweet du président kenyan comme une exagération, estimant que la présence de soldats dominicains en Haïti risquerait de rendre la situation encore plus tendue et chaotique.
D’autres interprètent les propos de Ruto comme une trahison, évoquant les relations tendues bien connues existantes entre les deux pays qui partagent l’ile.
Ils invitent le chef d’État kenyan à se renseigner sur l’histoire d’Haïti avec la République Dominicaine, avant de faire tout commentaire déplacé.
Le jeudi 12 septembre 2024, 24 soldats et policiers jamaïcains ainsi que 2 soldats béliziens sont venus renforcer l’effectif des troupes kényanes, déjà présentes en Haïti à travers la Mmas.
200 policiers kenyans ont été déployés le mardi 16 juillet 2024 en Haïti, après l’arrivée, le mardi 25 juin 2024, dans le pays d’un premier contingent de 200 policiers kényans.
Ayant été autorisée par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (Onu), le lundi 2 octobre 2023, pour un an, la Mmas, dirigée par le Kenya, a pour objectif d’appuyer la Police nationale d’Haïti (Pnh) dans la lutte contre les gangs criminels, qui terrorisent la population en Haïti. [emb rc apr 25/09/2024 13:40]