Par Charles-Henri Ramond
Les films du Québec, 19 septembre 2024
Transmis à AlterPresse le 23 septembre 2024
Pour son premier long métrage de fiction, la réalisatrice rend hommage au courage et à la résilience des survivants de la dictature de Jean-Claude Duvalier.
Le dernier repas est le premier long métrage de fiction, réalisé par la documentariste Maryse Legagneur, gagnante de la Course destination monde en 1999 et auteure du moyen métrage Au nom de la mère et du fils, Prix Claude-Jutra aux Rendez-vous du cinéma québécois, en 2006.
Écrit par la réalisatrice et le scénariste d’origine péruvienne Luis Molinié (les courts Juste moi et toi et Mamita), ce drame, situé sur deux époques, nous fait revivre une page d’histoire peu glorieuse de l’histoire d’Haïti, par le biais des souvenirs d’un Haïtien atteint d’une maladie incurable. Au contact de sa fille, il se remémore son adolescence passée en pleine dictature.
Le dernier repas a remporté le Grand prix du Festival de cinéma de la ville de Québec (Fcvq), où il était présenté en première mondiale le 15 septembre 2024.
Le film sort en salle le 27 septembre 2024, juste après son passage au Festival international du Film Black de Montréal (Fifbm).
Notes de la réalisatrice
« Le dernier repas » s’inscrit dans une démarche cinématographique de devoir de mémoire.
À travers ce film, j’ai voulu amener une réflexion engagée, quant aux séquelles laissées par la dictature de Jean-Claude Duvalier sur toute une génération d’Haïtiens entre 1971 et 1986, ainsi qu’à leurs descendants, héritiers de traumatismes intergénérationnels. J’ai utilisé le cinéma pour faire exister le courage, la résistance, l’honneur et la force des survivants du haut lieu de torture, qu’a été la prison de Fort-Dimanche. Longtemps tenu dans le tabou, le silence et l’oubli, ce film donne enfin une voix aux rescapés de l’horreur. Pendant près de 10 ans, je me suis entretenue avec des survivants de l’ancien cachot des Duvalier. Ainsi, la majorité des scènes d’incarcération portées à l’écran sont-elles inspirées de leurs récits. Pour que l’on puisse enfin célébrer les véritables héros, ce film se veut un exutoire pour tout un peuple, autant pour ceux qui ont connu la dictature de près, que pour les générations à venir.
J’ai voulu faire un film intimiste, dont le récit se construit à deux époques différentes.
La première se déroule en Haïti en 1974, lorsque le personnage principal, Reynold Célestin, est emprisonné à Fort-Dimanche.
La deuxième en 2011 à Montréal, alors que M. Célestin entre aux soins palliatifs. Cela coïncide avec le retour de l’ex-dictateur en Haïti [Jean-Claude Duvalier] après 25 ans d’exil.
Bien que ces lieux et ces époques soient différents dans l’espace et dans le temps, ils représentent tous deux des espaces de confinement, où Reynold est condamné à y mourir. Ce sont deux huis clos qui se font écho. Deux milieux exigus, austères et angoissants.
En construisant le film, il était important que le traitement cinématographique des deux espaces soit similaire puisque dramatiquement, la chambre d’hôpital est le prolongement de la cellule de prison de Fort-Dimanche. J’aime dire que j’ai placé le récit du film en plein drame culinaire ! Les vapeurs chaudes des fourneaux de la cuisine de Tati Dado ajoutées à la nomenclature visuelle de la nourriture antillaise tranchent sauvagement avec l’atmosphère « anorexiée » de la prison et de l’hôpital.
Les « Notes de la réalisatrice » ci-dessus sont extraites du dossier de presse du film, fourni par Maison 4:3
Un Haïtien entre aux soins palliatifs. Il se nomme Reynold Célestin et meurt d’un cancer à l’estomac. Alors qu’il se sent partir, il tente de renouer avec sa fille, qu’il n’a pas revue depuis 20 ans. D’abord hésitante, Vanessa accepte de le revoir. Pour celui qui n’a pas mangé à sa faim depuis des lustres, ces retrouvailles sont l’occasion de savourer une dernière fois les mets, qu’il appréciait tant lorsqu’il était enfant. Sans le dire à sa tante, propriétaire d’une épicerie haïtienne, Vanessa se met à confectionner des plats traditionnels, qu’elle apporte discrètement à l’hospice. Au fil de leurs échanges, la jeune femme découvre un père qu’elle ne connaît pas et qui, sous sa carapace, cache un être profondément marqué par ses années d’enfermement à la prison de Fort-Dimanche.