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Haïti-Droits humains : Cri d’alarme du Rnddh face aux conditions inhumaines de détention de filles et garçons au Cermicol

P-au-P, 11 sept. 2024 [AlterPresse] --- Le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh) exprime de vives préoccupations par rapport aux conditions inhumaines et alarmantes de détention au Centre de rééducation des mineur-e-s en conflit avec la loi (Cermicol), dans une note dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.

Le Rnddh met en garde contre les risques, qui découlent de la cohabitation des femmes, garçons, filles et hommes détenus au Cermicol, suite à des changements apportés dans le fonctionnement de ce centre.

Il exige des autorités étatiques la fin immédiate des traitements cruels, inhumains et dégradants, infligés aux 370 personnes qui sont incarcérées au Cermicol, soit 93 garçons pour ce centre, 149 femmes et 10 filles, pour la prison civile des femmes et 118 hommes pour la prison civile de Port-au-Prince.

« Les 118 détenus hommes se retrouvent dans deux salles, qui constituaient jadis des salles de classe pour les mineurs. Les 159 femmes et filles sont entassées dans deux salles séparées par une petite barrière, afin de limiter l’espace et d’empêcher tout contact physique entre les différentes catégories de détenus.es », décrit le Réseau national de défense des droits humains.

Réaménager, dans les meilleurs délais, la prison civile de Pétionville et y transférer les femmes et les filles, reprendre le contrôle des zones où sont situées les prisons qui ont été attaquées par les bandits armés et les réparer, figurent parmi les recommandations formulées par le Rnddh aux autorités compétentes.

Il demande aussi de transférer les détenus hommes à la prison civile de Port-au-Prince, de relancer les programmes de formation académique et vocationnelle pour les mineur.e.s en conflit avec la loi, de nommer des juges pour enfants et de mettre des espaces de travail appropriés à disposition .

Aucune nomination de juges pour enfants, déplore le Rnddh

À côté des problèmes liés aux conditions de détention au Cermicol, l’organisme de défense des droits humains se dit également préoccupé par le statut juridique des mineur.e.s. en conflit avec la loi.

Le Rnddh condamne l’absence d’un juge pour enfants dans la juridiction de Port-au-Prince, entrainant, depuis plusieurs années, le dysfonctionnement du tribunal pour enfants de Port-au-Prince.

« Conséquemment, les mineur.e.s, dont les dossiers méritent d’être instruits, sont simplement gardés en détention préventive arbitraire ».

L’absence, pendant plusieurs années, d’un juge pour enfants, appelé à instruire les crimes qui leur sont reprochés, « viole systématiquement leurs garanties judiciaires ainsi que la protection à laquelle ils ont droit en raison de leur statut de mineurs », souligne le Rnddh.

Le Cermicol, un complexe pénitentiaire hypercomblé

Suite à une évasion massive, enregistrée le 22 septembre 2022, à la prison civile de Cabaret, 84 femmes détenues ont été transférées, le 20 mai 2023, par les autorités pénitentiaires au Cermicol, en dépit de la capacité limitée d’accueil de ce centre, initialement aménagé pour accueillir seulement 100 mineurs.

Huit (8) autres prisonnières étaient déjà incarcérées au Cermicol.

145 femmes avaient pris la fuite lors de cette évasion du 22 septembre 2022, orchestrée à la prison civile de Cabaret par les bandits armés de Canaan et de Titanyen.

Le Cermicol dispose principalement de six (6) cellules, de deux (2) salles de classes, d’une bibliothèque et d’une cour de récréation.

Des prisonniers, qui ne s’étaient pas enfuis lors de l’évasion spectaculaire, dans la nuit du 2 au 3 mars 2024, à la prison civile de Port-au-Prince, ont été acheminés soit à la Direction centrale de la police judiciaire (Dcpj), soit au Cermicol, informe le Rnddh.

3,609 détenus se sont évadés sur un effectif de 3,696 à la prison civile de Port-au-Prince, dans la nuit du 2 au 3 mars 2024.

Les hommes, pour lesquels des ordres de dépôt sont émis par les autorités judiciaires de la juridiction de Port au-Prince, sont aussi incarcérés au Cermicol.

« Les femmes, les garçons, les filles ainsi que les hommes, en conflit avec la loi pour les juridictions de Port-au-Prince et de la Croix-des-Bouquets, sont tous logés au Cermicol, sauf les hommes adultes incarcérés aux ordres de la juridiction de la Croix-des-Bouquets, qui se retrouvent, pour leur part, au commissariat de Tabarre », rapporte le Rnddh.

Un espace adapté au détriment des garçons

Le Rnddh critique le réaménagement du Cermicol, effectué au détriment des mineurs qui n’ont plus de récréation. Car, leur cour est désormais réservée aux ablutions et à la lessive des femmes et des filles.

Les corps des prisonnières sont exposés à la vue des garçons et des hommes, dont des détenus et des agents de la Direction de l’administration pénitentiaire (Dap), relève-t-il.

Empêcher des mineur.e.s en conflit avec la loi de bénéficier de programmes de formation académique et vocationnelle est contraire au principe favorisant leur réinsertion dans la société, affirme le Rnddh.

« La vocation du Cermicol est d’assurer la garde des garçons en contravention avec la loi, et de les préparer pour leur réinsertion dans la société, en mettant à disposition des programmes éducationnels, psychologiques et de formation vocationnelle, tout en respectant leurs garanties judiciaires », rappelle-t-il.

Forcer la cohabitation - entre les femmes, les filles, les garçons et les hommes en situation de détention - viole, de manière flagrante, le principe élémentaire, relatif à la séparation des détenu.e.s, poursuit-il.

Le Rnddh lance une mise en garde aux autorités étatiques, policières et pénitentiaires contre la répétition, au Cermicol, « des expériences amères », enregistrées à la prison civile des Gonaïves (Artibonite), dans la nuit du 7 au 8 novembre 2019 et dans la nuit du 26 au 27 janvier 2023, où respectivement 10 et 16 femmes et filles ont été violées collectivement par des détenus. [emb rc apr 11/09/2024 10:45]

Photo : Page Facebook de l’Action pour le développement et l’épanouissement des enfants (Adeen)