P-au-P, 15 juillet 2024 [AlterPresse] --- Seuls les commissaires de gouvernement sont habilités à « dialoguer » avec les gangs, estime Me Camille Leblanc, ancien ministre de la justice et de la sécurité publique en Haïti, à l’émission « TiChèzBa » d’AlterRadio, suivie par AlterPresse.
C’est à eux, jouant le rôle de procureurs, que la société confie cette mission, précise-t-il, soulignant que le « dialogue » dont il s’agit ici constitue une étape initiale de tout processus d’enquête sur les crimes commis par les gangs contre la population au cours des dernières années.
Le premier ministre Garry Conille a réaffirmé, le samedi 6 juillet 2024, que les gangs n’ont d’autre choix que de déposer les armes, se soumettre à l’autorité de l’État, avant toute possibilité de « dialogue ».
« Déposer les armes et reconnaitre l’autorité de l’État », cela sous-entend que l’État est l’unique entité qui autorise le port d’armes, analyse Me Leblanc.
« Si vous portez des armes illégales, vous devez être jugés pour violation de la loi », poursuit-il.
Les membres de gangs qui auront capitulé feront donc face au commissaire du gouvernement ayant dressé un réquisitoire sur les crimes commis.
Les malfrats auront à choisir de collaborer avec la justice ou pas, explique l’avocat.
Collaborer avec la justice, c’est d’abord reconnaitre, le cas échéant, avoir « pris part à un complot pour terroriser la population (…) assassiné beaucoup de gens, violé beaucoup de femmes et d’hommes et kidnappé de nombreuses personnes... »
S’ils plaident coupables, alors commence un processus de dialogue avec le commissaire du gouvernement, où ils livrent toutes informations pertinentes sur leurs réseaux et leurs complices, en échange d’une probable réduction de peine.
« C’est cela qu’on appelle le dialogue, un dialogue institutionnel », insiste l’ancien ministre de la justice, citant en exemple les pratiques des procureurs au niveau de la justice américaine.
Le commissaire du gouvernement aura ainsi à fixer les responsabilités, tandis que les « criminels repentis » aideront dans la poursuite des irréductibles.
« Il ne s’agit nullement d’un dialogue politique » entre des responsables de l’État et des membres ou chefs de gangs, met en garde le juriste.
Car, « qui se ressemble s’assemble ! Si vous vous mettez autour d’une table pour dialoguer politiquement avec un criminel, vous êtes tout aussi criminel ».
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Plusieurs organisations sociales et institutions de défense des droits humains ont récemment adressé une lettre au premier ministre Conille demandant justice et réparations pour les nombreuses victimes des violences des gangs armés en Haiti.
Les organisations signataires recommandent à Garry Conille de demander au titulaire du Ministère de la justice et de la sécurité publique (Mjsp), Carlos Hercule, d’instruire les commissaires du gouvernement des différentes juridictions de tribunaux civils de la république, de mettre l’action publique en mouvement contre les bandits armés, en vue de les juger et d’aboutir à leur condamnation.
Ces malfrats « ont assassiné, violé, séquestré des membres de la population incendié, pillé et squatté les maisons des citoyennes et citoyens, les forçant à se déplacer », dénoncent la Commission épiscopale nationale (catholique romaine) Justice et paix (Ce-Jilap), la Plateforme des organisations haïtiennes de droits humains (Pohdh), le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh), le Cercle de réflexion (Cr) et Nègès Mawon.
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Plus de 10,000 personnes ont été tuées dans le cadre des violences des gangs durant les 3 dernières années, selon des chiffres compilés de différents rapports de l’Onu. Ces violences se sont intensifiées au cours des derniers mois, avec l’offensive implacable de la coalition de gangs dénommée Viv ansanm (« Vivre ensemble »).
Depuis l’année 2023, plus de 600 mille personnes sont déplacées à l’intérieur d’Haïti, dont plus de la moitié sont des enfants, selon l’Organisation internationale pour les migrations (Oim).
Haïti n’en est plus au stade de clémence envers les bandits armés, qui ont franchi le Rubicon, estiment ces organisations, s’opposant à toute éventuelle amnistie en faveur des bandits, qui terrorisent la population haïtienne. [apr 15/07/2024 20 :00]
