P-au-P, 10 juil. 2024 [AlterPresse] --- La Commission épiscopale nationale (catholique romaine) Justice et paix (Ce-Jilap), la Plateforme des organisations haïtiennes de droits humains (Pohdh), le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh), le Cercle de réflexion (Cr) et Nègès Mawon demandent justice et réparations pour les nombreuses victimes des violences des gangs armés en Haiti, dans une lettre ouverte adressée au premier ministre, Garry Conille, et transmise à l’agence en ligne AlterPresse.
Les survivantes et survivants attendent que l’appareil judiciaire haïtien se prononce sur les crimes perpétrés à leur encontre, signalent-elles, dans la correspondance dont une copie a été également envoyée au Conseil présidentiel de transition (Cpt).
Les plaintes, déposées depuis l’année 2023 par devant les juridictions de tribunaux civils de la Croix-des-Bouquets (nord-est) et de Port- au-Prince - pour homicides, viols, vols, incendies et destruction de leurs biens -, par 349 victimes et proches de victimes assistées par le Rnddh, n’ont, à date, jamais abouti, fustigent-elles.
Les organisations signataires de la lettre recommandent à Garry Conille de demander au titulaire du Ministère de la justice et de la sécurité publique (Mjsp), Carlos Hercule, d’instruire les commissaires du gouvernement des différentes juridictions de tribunaux civils de la république, notamment celles de la Croix-des-Bouquets, de Port-au-Prince, de Petit-Goâve (Ouest), des Gonaives et de Saint-Marc (Artibonite, Nord), de mettre l’action publique en mouvement contre les bandits armés, en vue de les juger et d’aboutir à leur condamnation .
Ces malfrats « ont assassiné, violé, séquestré des membres de la population incendié, pillé et squatté les maisons des citoyennes et citoyens, les forçant à se déplacer », dénoncent-elles.
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Les violences des gangs armés se sont accrues depuis le jeudi 29 février 2024, avec la constitution d’une coalition de gangs armés, dénommée Viv ansanm (« Vivre ensemble »).
Un rapport du Rnddh sur la situation chaotique, provoquée par les gangs armés en Haïti, fait état d’un nombre indéterminé de personnes tuées et d’une trentaine de postes de police et d’entreprises vandalisés et/ou incendiés, du jeudi 29 février au dimanche 3 mars 2024.
Près de 600 mille personnes sont déplacées à l’intérieur d’Haïti, dont plus de la moitié sont des enfants, selon l’Organisation internationale pour les migrations (Oim).
Les gangs criminels ont franchi le Rubicon
Haïti n’en est plus au stade de clémence envers les bandits armés, qui ont franchi le Rubicon, estiment ces organisation de défense des droits humains, s’opposant à toute éventuelle amnistie en faveur des bandits, qui terrorisent la population haïtienne.
Elles mettent en garde contre le retour de la question de l’amnistie avec, notamment, l’arrivée depuis mardi le 25 juin 2024, en Haïti, des premiers agents de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (Mmas).
« Haïti a frôlé la catastrophe, lorsqu’au moment de la formation du Conseil présidentiel de transition (Cpt), des proches et protecteurs des bandits armés ont proposé que ceux-ci aient un siège au sein même de cette nouvelle structure », rappellent-elles.
« Après des années de souffrances, le faisceau ne peut pas être mis sur les bandits armés, qui, eux-mêmes, ont causé ces souffrances. Au contraire, ce sont les victimes des crimes atroces, qui doivent constituer le premier souci de votre gouvernement. Des programmes d’assistance financière, médicale et psychologique, doivent être mis à disposition, en vue de les aider à se relever. Elles doivent aussi être accompagnées dans leur volonté de réintégrer leurs communautés ».
Ces organisations exhortent à ne pas écarter, en aucun cas, la responsabilisation des auteurs intellectuels et matériels des crimes commis.
Elles pointent « celles et ceux, qui se sont enrichis au détriment des victimes d’enlèvement et de séquestration contre rançons, celles et ceux qui ont alimenté la criminalité, en vendant illicitement des armes, des munitions et des produits psychotropes. Celles et ceux, qui ont pu accéder au pouvoir et s’y sont maintenus grâce aux activités des gangs armés, doivent être tenus pour responsables ».
Elles appellent à tenir pour responsables « celles et ceux, qui ont assassiné les citoyennes et citoyens, qui ont violé collectivement des femmes et des filles, dont certaines sont tombées enceintes et d’autres ont attrapé des maladies sexuellement transmissibles avec lesquelles elles devront vivre, celles et ceux qui ont pillé, incendié et squatté les maisons des citoyennes et citoyens ».
Garry Conille devrait passer des instructions formelles aux membres du gouvernement de transition, notamment à celles et ceux, qui font partie du Conseil supérieur de la police nationale (Cspn) dont il est le président, ainsi qu’au directeur général de la Pnh, Rameau Normil, « pour que tout soit mis en œuvre, en vue d’arriver à l’établissement, en Haïti, d’une paix durable ayant pour bases la répression des crimes de droit commun et des violations de droits humains enregistrés ; et le relèvement des victimes et des survivantes », préconisent ces organisations de droits humains. [emb rc apr 10/07/2024 10:30]
Photo : Site de l’Onu info