Par Alfred Lagrange
Texte communiqué à AlterPresse le 12 aout 2005
Je me suis rendu sur le site Internet de Gens de la Caraïbe et je suis tombé sur la photo de Jacques ROCHE.
En apprenant la nouvelle de sa mort, je me suis demandé si c’était le poète que j’avais rencontré en 1998. Je me rappelais plus de "ROCH" que de "ROCHE", il me semblait que son prénom était plutôt "Jean", je ne savais pas s’il était journaliste... Et puis la photo a confirmé : C’était bien lui. Un peu plus âgé, le visage plus rond, mais le même front, le même regard.
En 1998, Adolpho PEREZ-ESQUIVEL, Prix Nobel de la Paix et militant argentin des Droits Humains, avait été invité par la Fondasyon Trant Sèptanm, une organisation défendant les victimes du Coup d’Etat de 1991. ESQUIVEL était accompagné de Nora CORTINAS et e Mabel GUTIERREZ, deux "Mères de la Place de Mai" qui étaient venues apporter leur solidarité et partager leur expériences de mères dont les enfants avaient disparu, tout comme de nombreux jeunes haïtiens entre 1991 et 1994.
Une rencontre avec le public se tenait dans une petite villa de plain pied, siège de MAP VIV, une autre organisation de victimes du coup d’Etat. Les interventions des Argentins étaient très intéressantes. Ils racontaient leurs propres combats contre l’injustice et le dictature, donnaient de l’espoir à ceux qui glissaient vers le cynisme ou la résignation.
Et puis il y a eu ce poète, avec une boucle d’oreille en argent. Il a déclamé un poème sur les victimes de la violence politiques, celles qui tombaient dans le silence et celles dont la chute résonnait comme un coup de tonnerre. Parce que c’était un beau poème et qu’il était dit avec coeur, tout le monde a applaudi, les Argentins aussi. J’ai voulu me rendre un peu utile et je lui ai demandé le texte de son poème, qu’il avait écrit sur un vieux cahier. Je l’ai traduit en Espagnol, l’épouse de Rodolfo MATTAROLLO, l’Argentin Chef de la Mission de l’ONU (MICIVIH), m’a donné un coup de main. "Coup de Tonnerre" en Espagnol se dit Trueno.
On a trouvé un ordinateur et une imprimante. La Secrétaire de MAP VIV a tapé le texte, il fallait faire vite, les invités allaient repartir, il était midi passé. Au moment d’imprimer, il n’y avait plus d’encre noire dans l’imprimante. On a trouvé une cartouche Couleur et on a imprimé le texte en bleu. On l’a donné aux deux dames argentines, qui ont enfin compris de quoi parlait le si beau poème.
Peut-être est-il encore quelque part à Buenos Aires, au fond d’un tiroir, dans une chemise de carton sur laquelle est écrit "Haiti 1998".
Mabel GUTTIEREZ et Adolpho PEREZ ESQUIVEL sont revenus en Haïti en Avril 2005, dans le cadre d’une mission d’information internationale sur la situation des Droits Humains. Une de leurs principales préoccupations avait été l’insécurité croissante.