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Haïti-Politique : Encore l’attente d’un gouvernement de transition dans un contexte de détérioration continue

Par Gotson Pierre

P-au-P., 11 juin 2024 [AlterPresse] --- C’est encore l’attente de la formation d’un cabinet ministériel de transition après la nomination, depuis le 28 mai 2024, de Garry Conille au poste de premier ministre, observe AlterPresse.

Le cabinet ministériel doit être présenté à la nation incessamment, assure le bureau du premier ministre, dans une note rendue publique dans la soirée du 10 juin.

Préalablement, Conille a annoncé avoir soumis une composition au Conseil présidentiel de transition et que les travaux se poursuivaient autour de la liste finale. Une rencontre a eu lieu le 10 juin sur le dossier entre le premier ministre et Edgard Leblanc Fils, président du Conseil, indique la primature.

« Les discussions et négociations du lundi 10 juin entre le Conseil Présidentiel de Transition et le PM Garry Conille ont été plutôt fructueuses. L’arrêté nommant le nouveau Gouvernement sera publié au Journal officiel Le Moniteur », vient d’annoncer Edgard Leblanc sur son compte X.

Des noms d’éventuels titulaires circulent sur les réseaux sociaux ainsi qu’un nombre probable de ministères retenus, qui ne devrait pas dépasser 18. Certains ministres auraient deux portefeuilles.

Mais tout reste à confirmer, car tant qu’un arrêté ne sera pas publié dans le journal officiel Le Moniteur, des changements pourront intervenir.

La mise en place d’une équipe gouvernementale conditionne largement la prise de dispositions et la mise en œuvre de mesures pour adresser une situation de crise multidimensionnelle qui s’aggrave continuellement.

L’un des aspects les plus visibles est celui de la sécurité. L’assassinat le dimanche 9 juin de 3 policiers de l’Unité temporaire antigang (Utag) à Delmas (périphérie nord) rappelle à quel point l’emprise des gangs sur divers quartiers de la capitale demeure féroce.

« Il est impératif que les auteurs de ces crimes soient rapidement arrêtés et traduits en justice », a martelé le premier ministre Conille, en réaction à cet « acte odieux et barbare », une « attaque directe contre la sécurité et la stabilité de notre nation ».

Il a promis qu’après l’installation de son gouvernement (en cours de formation), il prendra « toutes les dispositions nécessaires pour traquer les bandits dans leurs retranchements ».

En matière de sécurité, rien n’a significativement changé, depuis le début, en février dernier, de l’offensive implacable des gangs coalisés sur la capitale.

Les quartiers contrôlés par les gangs demeurent déserts et les derniers habitants contraints de vivre dans ces zones sont soumis à des menaces et un harcèlement constants, rapportent des riverains.

Des personnes continuent d’être tuées, des femmes violées, des maisons vandalisées, des déplacements attentivement surveillés dans des quartiers ou des zones périphériques de Carrefour, Plaine du Cul-de-Sac, Croix-des-Bouquets, Tabarre, Pernier, Gros-Jean, etc.

Même situation dans plusieurs quartiers du centre-ville ou des zones avoisinantes : bas de Delmas, Solino, Bel-Air, Carrefour-Feuilles et beaucoup d’autres secteurs.

Conille réaffirme sa détermination à renforcer les mesures de sécurité, une fois que son gouvernement sera en place.

Rentré le 1er juin à Port-au-Prince pour prendre ses fonctions, Garry Conille a effectué le 2 juin un tour dans diverses zones sous l’emprise des gangs à la capitale. A bord d’un blindé de la police, il a constaté l’étendue des dégâts.

Des voix réclament des changements au niveau du commandement de la police, accusé pour le moins de laxisme. Mais, une question se pose : est-il possible pour un premier ministre sans gouvernement de remplacer des hauts gradés de l’institution policière, y compris le directeur général ?

Le récent assassinat des trois policiers porte à 21 le nombre d’agents tués par des bandits armés depuis le début de l’année 2024.

Dans sa tournée du 2 juin, Conille a aussi rendu visite à des personnes déplacées vivant dans des conditions infra-humaines au Lycée des jeunes filles, une des nombreuses écoles transformées en campements.

Ce sont maintenant 578,000 personnes qui sont obligées de se déplacer à travers le pays, en raison de l’escalade de violence des gangs, selon l’Organisation internationale pour les migrations (Oim). Jusqu’à mars, ce chiffre était évalué à seulement 362,000.

Un afflux de personnes déplacées de la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince, vers le grand Sud d’Haïti a été observé.

Alors que le pourcentage de déplacées dans la zone métropolitaine est de 15%, celui des personnes qui se dirigent vers les départements au sud du pays est estimé à 130%.

Une reprise est constatée à l’aéroport international de Port-au-Prince, ce qui devrait apporter un peu d’air à l’économie. Mais tous les axes reliant Port-au-Prince aux départements régionaux sont contrôlés par les gangs, qui multiplient des postes de péages.

Cette situation a un effet désastreux sur la production agricole, qui pourrit dans les régions où les prix chutent, alors que les produits ne sont pas disponibles à la capitale où leurs prix grimpent.

Tant du point de vue de la sécurité que de l’économie ou de l’humanitaire, les problèmes ne font que s’accumuler. L’attente d’un gouvernement avec des responsabilités claires et des ministres capables de les assumer en produisant des résultats se manifeste tous les jours.

Le processus de transition est initié depuis le 11 mars 2024, avec une entente dégagée sous les auspices de la Communauté de la Caraïbe (Caricom), puis un accord entre les parties prenantes le 3 avril. Plus de deux mois plus tard, la gouvernance de la transition n’est toujours pas au point.

Quant à la population, elle se débat avec ses problèmes sans aucune perspective. Pour elle aucune transition n’a commencé. [gp apr 11/06/2024 10 :00]