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Culture : L’urgence tout de même d’espérer face à la destruction accélérée du patrimoine en Haïti

P-au-P, 05 juin 2024 [AlterPresse] --- L’ingénieur-architecte et ancien ministre de la culture en Haïti, Olsen Jean Julien, lance une invitation à l’espérance, face à la menace de destruction qu plane sur le patrimoine culturel en Haïti, lors d’une intervention à l’émission TiChèzBa, diffusée sur la station privée AlterRadio 106.1 F.m. et suivie par l’agence en ligne AlterPresse.

Olsen Jean Julien dresse un bilan sombre du désastre causé par les violences des gangs armés sur la production artistique et le patrimoine culturel en Haïti.



Face à ce défi « immense et désorientant », l’ingénieur-architecte insiste sur l’urgence d’espérer, soulignant combien la conservation du patrimoine reste une question cruciale.

Il appelle à une réponse en faveur de la productivité artistique ainsi que des artistes (femmes et hommes) contraints à se déplacer, et des ateliers d’artistes détruits dans les violences des gangs armés.

« Le gouvernement doit améliorer la sécurité et la société se chargera du reste ».

Les gangs armés attaquent les espaces culturels sans aucune considération et préoccupation pour leurs valeurs et c’est dangereux, affirme Olsen Jean Julien, déplorant une absence totale de sécurité pour des institutions qui protègent et sauvegardent le patrimoine culturel.

Les ateliers des artistes à Carrefour Feuilles (banlieue sud-est de Port-au-Prince) Noailles 9au nord-est), Bel Air et Grand Rue (centre de Port-au-Prince) ainsi que des églises et temples vodous ont été attaqués, dénonce-t-il, alertant sur un risque de destruction en cours du patrimoine culturel.

L’escalade des violences des gangs armés a poussé un grand nombre d’artistes à fuir leurs ateliers et résidences, dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince.

Avec les affrontements, qui ont éclaté, depuis le mercredi 12 octobre 2022, entre des gangs armés rivaux, une quinzaine de personnes ont été tuées, plus d’une vingtaine de familles sinistrées et près d’une douzaine de maisons brûlées dans le village artistique de Noailles, situé dans la commune de Croix-des-Bouquets (municipalité au nord-est de la capitale, Port-au-Prince).

Sept personnes ont été assassinées dans la seule journée du lundi 17 octobre 2022, avaient précisé l’Association des artistes et artisans de Croix-des-bouquets (Adaac) et la Fondation AfricAmerica, dans une note conjointe, en date du 19 octobre 2022.

Le village artistique de Noailles est menacé par les gangs de Vitelhomme Innocent et de 400 mawozo, qui pillent, brûlent des maisons et tuent, avaient-elles dénoncé.

Ces organisations avaient demandé aux autorités locales ainsi qu’aux instances internationales de prendre les dispositions, pour arrêter le massacre, la catastrophe humanitaire et la destruction actuelle de ce patrimoine national.

Le 13 octobre 2021, le hougan et artiste phare du village de Noailles, le sculpteur Jean Anderson Bellony, a été assassiné par des bandits armés, qui ont fait irruption dans son sanctuaire.

En août 2023, des dizaines d’artistes de Carrefour Feuilles (banlieue sud-est de la capitale, Port-au-Prince), dont des peintres, sculpteurs, musiciens, danseurs ont été sévèrement affectés par les violences du gang de Gran Ravin, dans la zone.

« Plus de 70 artistes de toutes catégories - peintres, sculpteurs, musiciens, danseurs - ont dû s’enfuir. Les ateliers ont été détruits. Ils ont tout perdu : outils de production, instruments de musique, etc. », selon une note de la Fondation culturelle Toussaint Louverture, une société à but non lucratif qui fait la promotion de la culture haïtienne, en Haïti et aux États-Unis d’Amérique.

Les principales institutions, comme les Archives nationales d’Haïti (Anh), l’Institut de sauvegarde du patrimoine national (Ispan), la Bibliothèque nationale, le Bureau national d’ethnologie (Bne), se retrouvent démunies du point de vue de moyens matériels, humains, financiers, pour développer des opérations de conservation et préservation du patrimoine culturel haïtien, relève Olsen Jean Julien.

Ces établissements n’ont pas les ressources adéquates pour résoudre le problème de la protection du patrimoine, en dépit des propositions formulées et efforts fournis, regrette-t-il.

« Nous ne pouvons pas développer une politique sérieuse de conservation du patrimoine en Haïti, sans ressources humaines, matérielles et financières adéquates, ne serait-ce que pour la planification ». [mff emb rc apr 05/06/2024 10:55]