P-au-P, 04 juin 2024 [AlterPresse] --- Plusieurs organisations de défense des droits humains et féministes, en Haïti et aux États-Unis d’Amérique [1] plaident en faveur d’une pleine participation des femmes dans la transition politique en Haïti, dans une note conjointe dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
Le processus de transition en Haïti, dominé par les hommes, doit commencer enfin à inclure les femmes, comme l’exigent les lois haïtiennes et internationales, exigent-elles.
Il faut nommer « des femmes à au moins la moitié des postes ministériels du futur gouvernement et à au moins un tiers de tous les autres postes liés à la transition. Une transition équitable n’est pas seulement une obligation légale, mais elle est essentielle à l’établissement d’une démocratie durable dans le pays ».
L’exclusion des femmes du Conseil présidentiel de transition (Cpt) constitue « un pas en arrière gigantesque, par rapport à des décennies de progrès durement acquis vers l’égalité », critiquent les organisations de défense des droits humains et féministes.
L’inclusion symbolique au Cpt, une caricature cynique des droits humains
« L’inclusion symbolique - comme un poste sans vote au sein d’un Conseil présidentiel, par exemple est une caricature cynique des droits humains. Les femmes doivent avoir un accès réel aux espaces de décision », déclare Sasha Filippova, avocate principale à l’Institut pour la justice et la démocratie en Haïti (Ijdh).
« Le fait que Garry Conille reconnaisse publiquement que les femmes doivent avoir leur place au sein du gouvernement est un début. Le gouvernement de transition a maintenant la possibilité de faire mieux. Mais, il n’y parviendra que si les femmes y occupent une place importante », avance-t-elle.
Ces organisations de défense des droits humains et féministes appellent Conille et le Cpt à passer de la parole aux actes, tout en saluant la déclaration du 31 mai 2024 du nouveau premier ministre, qui reconnaît combien les femmes représentent plus de la moitié de la population haïtienne et qu’elles doivent, par conséquent, avoir leur place au sein du prochain gouvernement.
Le premier ministre fraichement nommé de la transition, Garry Conille, a promis de mettre en place un gouvernement non partisan, qui devrait encourager la participation des femmes, des jeunes et de la diaspora, dans une vidéo pré-enregistrée en Créole, publiée sur les réseaux sociaux.
Les femmes, les jeunes et la diaspora, grand support pour Haïti, doivent être mis à contribution et valablement représentés dans le nouveau gouvernement de transition, qui a besoin de personnalités professionnelles compétentes, pratiques et honnêtes, a fait savoir Conille.
L’arrêté, officialisant le choix, le 28 mai 2024, par le Conseil présidentiel de transition, de Garry Conille comme premier ministre de la transition, a été publié dans le journal officiel « Le Moniteur » de la république, le jeudi 30 mai 2024.
Le président du Cpt, Edgard Leblanc Fils, a remis officiellement, le lundi 3 juin 2024, au Dr. Garry Conille, une ampliation de l’arrêté le nommant premier ministre par le Cpt, lors d’une cérémonie organisée à la Villa d’accueil (siège de l’administration politique).
Les organisations de défense des droits humains et féministes fustigent le Cpt, qui ne compte aucune femme parmi ses sept membres votants.
Seuls des hommes ont été interviewés pour le poste de premier ministre, pour lequel Garry Conille a été nommé le mardi 28 mai 2024, reprochent-elles.
« L’exclusion des femmes des sièges votants au sein du Cpt et de la considération finale pour le poste de Premier ministre en 2024 est plus que scandaleuse », denonce Pascale Solages de l’organisation féministe Nègès Mawon,
L’organisation Nègès Mawon assimile cette exclusion à une insulte, faite « aux 6 millions de femmes et de filles d’Haïti, dont la participation est nécessaire à la réussite de la transition.
Elle demande de s’assurer en priorité que « les personnes, habilitées à façonner la transition - hommes ou femmes -, se consacrent réellement à la promotion et à la protection des droits des femmes et pas seulement à leur apparence ».
Faisant référence au texte de Constitution amendée, qui exige qu’au moins 30% des rôles publics et des opportunités politiques soient réservés aux femmes, le Bureau des avocats internationaux (Bai) rappelle combien « la Constitution haïtienne garantit expressément l’égalité des sexes, y compris dans le gouvernement et les grandes décisions engageant la vie nationale ».
En Haïti, le principe du quota [2] de 30% de femmes, à tous les postes de décision de la vie nationale, notamment dans les services publics, a été reconnu, en 2012, dans la version dite amendée, en son article 17-1, de la Constitution de 1987.
L’application du principe du quota de genre a connu et continue de connaitre encore de multiples péripéties, encore plus pour les postes électifs que les postes nominatifs.
Grace à ce principe, la représentativité des femmes dans les postes politiques, très faible depuis 2006, avait connu une hausse temporaire, en 2012 et 2013. [emb rc apr 04/06/2024 11:45]
[1] Les organisations signataires de la note conjointe sont : Le Bureau des avocats internationaux (Bai), le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh), l’Institut pour la justice et la démocratie en Haïti (Ijdh), Nègès Mawon, Mariján, le groupement antipatriarcal pour la justice, l’intersectionalité, la paix et un ordre nouveau (GranJipon), Community 2Community, Center for gender and refugee studies (Cgrs), Haitian Women’s Collective (Hwc), Madre.
[2] Selon la définition de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (Idea International), consultée, le 22 novembre 2017, sur son site www.idea.int au lien suivant : https://www.idea.int/data-tools/data/gender-quotas/quotas?quotalang=fr#what, le quota, mécanisme souvent temporaire, entend garantir une représentation minimale d’un des deux sexes au sein des institutions publiques. Outil visant à favoriser la participation progressive des femmes à la vie politique, le quota de genre permet de corriger les inégalités, sur une base volontaire ou par une législation spécifique. Son but ultime est d’atteindre la parité hommes et femmes, dans l’intérêt de la société. « L’idée de base des mécanismes de quotas est de permettre aux femmes d’accéder à des fonctions politiques et de veiller à ce que l’élection de poignée de femmes ne serve pas simplement d’alibi dans la vie politique ».