P-au-P, 23 mai 2024 [AlterPresse] --- La création de l’Unité d’enquête criminelle transnationale d’Haïti (Uect Haïti) pourrait grandement donner lieu à des abus et des violations des droits et liberté d’autrui, prévient l’organisme de droits humains Fondasyon je klere (Fjkl), dans un rapport daté du mercredi 22 mai 2024 dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
L’Uect Haïti a été créée, suite à la signature, le 14 février 2024, entre la titulaire de facto du Ministère de la justice et la sécurité publique (Mjsp), Emmelie Prophète Milcé, et le gouvernement américain, d’un accord de coopération en matière de sécurité, dénommé Mémorandum de coopération (Mdc).
Le Mdc viserait à accroitre les efforts coordonnés, aux fins de combattre les organisations criminelles transnationales par le renforcement des capacités d’enquête et l’amélioration du partage des informations.
Le fait, par le Mdc, de prévoir que les actions des agents de l’Uect Haïti se feront dans le respect des lois applicables en Haïti, « pose un sérieux dilemme », puisque « notre code de procédure pénale (code d’instruction criminelle) date de 1835 et ne prévoit pas les moyens de procéder par devant ces nouvelles structures, appelées à faire face aux nouvelles menaces, auxquelles la société se trouve confrontée », fait remarquer la Fjkl.
Elle soulève un ensemble de questionnements, liés, notamment, à la gestion des moyens d’investigations modernes avec l’Uect Haïti, au contrôle de l’écoute téléphonique, aux interpellations et arrestations arbitraires, aux droits d’un détenu qu’on voudrait transférer aux États-Unis d’Amérique, à l’extradition.
La Fjkl déplore l’absence d’un cadre procédural d’interventions de cette unité, susceptible, dit-elle, de laisser la porte ouverte à des abus et à des cas de violations des droits humains.
« L’absence de règles claires, pour procéder devant ces instances nouvelles, donnent souvent lieu au renforcement de l’autoritarisme, au développement de la chefferie et aux abus de toutes sortes. (…) L’absence de règles claires de procéder transforme une entité, qui a toutes les caractéristiques pour être le fleuron des institutions de lutte contre la corruption et la criminalité transnationale organisée, en un outil de règlement de comptes et de persécution pour les citoyennes et citoyens ».
Avec l’Uect Haïti, la Fjkl appelle à éviter les mêmes erreurs commises par le Bureau des affaires financières et économique (Bafe), « qui s’est transformé en une institution arbitraire, qui ne se soucie guère des limites de ses pouvoirs et des formes pour procéder à l’arrestation de citoyennes et citoyens, en raison de l’absence des règles de procédures préétablies ».
S’étant érigé en institution d’audit, le Bafe se serait attaqué à des institutions bancaires, sociales ou religieuses au mépris de la loi, fustige-t-elle.
La Fondasyon je klere exhorte l’État haïtien à trouver le juste équilibre entre l’augmentation de la répression pénale, en matière de lutte contre la criminalité transnationale organisée et la protection des droits et liberté d’autrui.
Elle dit plaider également pour l’adoption d’un nouveau code pénal en tenant compte des critiques de la société contre le code publié par Jovenel Moĩse (ancien président assassiné le 7 juillet 2024) et l’adoption d’un nouveau code de procédure pénale pour permettre à la société haïtienne de faire face aux nouvelles menaces auxquelles elle est exposée avec un cadre juridique adapté.
La Fjkl relève, toutefois, quelques points positifs, même si elle émet des critiques et questionnements autour de la mise en œuvre des actions de l’Uect Haïti et du Mdc.
Le Mdc, qui n’est nullement contraire aux engagements internationaux d’Haïti ni à la législation haïtienne en matière de lutte contre la criminalité transnationale, représenterait « un effort non négligeable de coopération efficace dans le cadre de la lutte contre la criminalité transnationale », fait-elle valoir.
Ce mémorandum de coopération viserait plutôt à rationaliser les efforts des institutions, chargées de l’application de la loi et à maximiser les résultats.
Haïti a signé et ratifié plusieurs conventions internationales, relatives à la criminalité transnationale, dont notamment la convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants, de substances psychotropes, adoptée à Vienne le 19 décembre 1988 et ratifiée par Haïti par le décret du 4 septembre 1990, rappelle la Fjkl.
En plus de la convention de 1988, Haïti a aussi signé et ratifié la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée et les protocoles s’y rapportant, dite convention de Palerme, qui prévoit aussi l’entraide judiciaire entre les États, la saisie, la confiscation des produits du crime, l’extradition, le partage d’informations, le partage de compétences en matière d’investigations criminelles et le transfert de procédures. [emb rc apr 23/05/2024 10:55]