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Histoire : Plusieurs universitaires se penchent sur la restitution de la dette de l’indépendance et autres rançons imposées à Haïti

P-au-P, 16 mai 2024 [AlterPresse] --- Le Conseil exécutif de l’Université d’État d’Haïti (Ueh) a mis en place, en ce mois de mai 2024, un groupe de travail [1] sur la problématique de la restitution de la dette de l’indépendance [2] imposée à Haïti et des rançons versées aux XIXe et XXe siècles, d’après un document dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.

Mener toutes études et enquêtes pour compléter et renforcer le dossier, entreprendre les démarches nécessaires pour finaliser les calculs des montants à réclamer, informer et sensibiliser l’État haïtien et les secteurs organisés de la société haïtienne sur les différents éléments du dossier sont parmi les principaux objectifs de ce groupe de travail, énumère le rectorat de l’Ueh.

Il convient également de diffuser et publier, au bénéfice de l’opinion publique nationale et internationale, les différents éléments du dossier et de créer une véritable mobilisation nationale, à travers les différents regroupements nationaux des divers niveaux des collectivités territoriales.

Ce groupe de réflexion devra permettre d’identifier toutes les actrices et tous les acteurs nationaux et internationaux, capables de faire avancer ce dossier et de prendre les dispositions nécessaires, dans le cadre d’une grande coalition d’actrices et d’acteurs nationaux et internationaux, pour faire aboutir ce dossier.

Différentes stratégies de recherche, d’enquête, d’étude et de marketing devraient être mises en œuvre par le groupe de réflexion et de travail, en vue d’aboutir à ces objectifs.

Toutes les activités d’enquête et d’études (documentations, revues de littérature, entretiens, sondages, e-questionnaires, focus groupes, etc.) seront entreprises par le groupe de réflexion et de travail pour compléter les données du dossier.

Haiti appauvrie par la dette de l’indépendance

« La double dette de l’indépendance a incontestablement contribué à l’appauvrissement de la nation. Le remboursement de cette double dette a privé le pays, et cela pendant longtemps, d’une bonne partie de ses revenus d’exportation », relève le rectorat de l’Ueh.

Cette double dette a également obligé au pays à établir au profit de l’ancienne puissance coloniale des préférences commerciales extraordinaires

L’État haïtien a été contraint de verser d’importantes sommes tirées du trésor Public en vue du règlement de différentes affaires avec des puissances internationales (Affaire Luders [3], Affaire Rubalcava [4], Affaire du capitaine Batsch [5], Affaires Mews, …), rappelle-t-il.

Parmi les rançons imposées à la jeune nation dans le cadre de la « diplomatie de la canonnière », le rectorat de l’Ueh cite :

- Les préférences commerciales extraordinaires au profit de la France. imposées à Haïti dans le cadre de l’Édit de Charles X sur la reconnaissance de l’indépendance. Elles ont duré près de deux siècles et ont pris fin en 1987. Elles aussi ont causé des torts immenses a la nation ;

- Les rançons versées à l’occasion de ces « Affaires », qui parsèment l’histoire d’Haïti du XIXe et du début du XXe siècle, ainsi que les emprunts forcés (États-Unis), l’affaire de la Société haïtiano-américaine de développement agricole / Shada (États-Unis).

Le remboursement de la dette de l’indépendance, une nécessité

Le haut-Commissaire aux droits humains de l’Organisation des Nations unies (Onu), l’Autrichien Volker Turk, a estimé nécessaire le remboursement par la France de la double dette de l’Indépendance à Haïti, lors d’une intervention à un forum des organisations de la société civile, tenu à Genève le 19 avril 2024.

Une coalition d’environ une vingtaine d’Organisations non gouvernementales (Ong) ont aussi demandé à la France de rembourser les milliards de dollars, versés par Haïti pour son indépendance, dans un nouvel appel exprimé lors du forum permanent de l’Organisation des Nations unies (Onu) pour les personnes d’ascendance africaine (Pfpad), déroulé du mardi 16 au vendredi 19 avril 2024 à Genève (Suisse), a rapporté le site du journal français « Libération ».

La France doit plus de 100 milliards de dollars (Ndlr : US $ 1.00 = + 140.00 gourdes ; 1 euro = 143.00 gourdes ; 1 dollar canadien = 97.00 gourdes ; 1 peso dominicain = 2.40 gourdes aujourd’hui) à l’île des Caraïbes, qui a consenti à payer des réparations après son indépendance en 1804, selon ces organisations citées par « Libération ».

Cette coalition d’Ongs cherche à mettre en place une nouvelle commission indépendante, pour superviser la restitution de la dette, qu’elles qualifient de rançon, relate le journal français.

« Dans un colloque international organisé, le samedi 4 mai 2024, par des leaders catholiques de l’Amérique Latine, le lien a été établi, une nouvelle fois, par deux anciens présidents du Costa Rica et du Chili, entre la situation chaotique que connait Haïti et le poids du remboursement à l’ancienne métropole française de la fameuse dette de l’indépendance », relate le rectorat de l’Ueh.

Le rectorat de l’Ueh souligne combien l’ancien président d’Haïti, Jean-Bertrand Aristide, avait porté à la conscience nationale et internationale l’injustice et les effets négatifs de la dette de l’indépendance, au début des années 2000.

Évaluation controversée du montant de la dette française à Haïti

Le rectorat de l’Ueh cite l’étude, publiée en février 2023, par le journal « New York Times, qui avait évalué la dette envers Haïti entre 21 et 115 milliards de dollars.

Ce montant est bien plus élevé, selon les partisans du remboursement de cette dette.

A ces 21 milliards de dollars, la Docteure en anthropologue, la professeure Jemima Pierre, ajoute plus 200 ans d’intérêts, dont la France a bénéficié.

Le montant s’élèverait donc à 150 milliards, 200 milliards ou plus, a insisté la Dre. Jemina Pierre à l’occasion du forum permanent de l’Organisation des Nations unies (Onu) pour les personnes d’ascendance africaine (Pfpad), déroulé en avril 2024 à Genève (Suisse).

Haiti est devenue la première république noire de l’histoire à obtenir son indépendance, le 1er janvier 1804, après une révolte des esclaves, qui ont battu l’armée de Napoléon Bonaparte, la plus puissante au début du XIXe siècle.

De sévères réparations lui ont été imposées par la France, qui a allégué la perte de ses revenus.

Dans une ordonnance en date du 17 avril 1825, Charles X, fraîchement installé sur le trône, déclara « concéder » au jeune État son indépendance contre une indemnité de 150 millions de francs-or, pour dédommager les anciens colons et l’assurance d’échanges commerciaux privilégiés en faveur de la France.

Cette « dette » ne fut totalement remboursée qu’en 1947. [emb rc apr 16/05/2024 11:50]

Source illustration : www.fokal.org


[1Ce groupe de réflexion et de travail comprend, entre autres, :
• Professeure Judith Blanc, psychologue ;
• Professeur Eddy Labossière, économiste ;
• Professeur Alvarez Louis, historien ;
• Glodel Mezilas, spécialiste en relations internationales ;
• Professeur Alix René, historien ;
• Professeur Jean Marie Théodat, géographe

[2L’indépendance d’Haïti a été acquise le 1er janvier 1804 contre les colons français.