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Haïti-Crise : La présidence tournante au Conseil présidentiel de transition, « un non sens et une absurdité totale », dixit le politologue et économiste Joseph Harold Pierre

P-au-P, 10 mai 2024 [AlterPresse] --- La présidence tournante, proposée comme mode de fonctionnement au sein du Conseil présidentiel de transition (Cpt), serait « un non sens et une absurdité totale », critique le politologue et économiste Joseph Harold Pierre dans une interview accordée à la plateforme AlterRadio/AlterPresse.

La présidence tournante n’apportera rien de bon à Haiti, notamment du point de vue administratif, anticipe-t-il.

La présidence tournante demande un certain temps à un président pour apprendre à coordonner un Conseil, comprendre son fonctionnement et s’y adapter, explique-t-il.

De plus, le président du Cpt entretient un rapport étroit avec les représentants de la communauté internationale. Ce ne sera pas bon signe de changer d’interface tous les 5 mois avec eux, fait remarquer Joseph Harold Pierre.

Les membres du Cpt auraient opté pour une présidence tournante pour résoudre la crise naissante au sein dudit Conseil, après la mésentente sur la manière adoptée pour désigner, le mardi 30 avril 2024, l’ancien sénateur Edgard Leblanc Fils, comme coordonnateur de cette structure, suivie de la proposition d’une personnalité comme premier ministre de la transition.

4 coordonnateurs - en l’occurrence Edgard Leblanc, Smith Augustin, Louis Gérald Gilles et Lesly Voltaire - devraient se succéder, tous les 5 mois, à la tête de ce Conseil.

Initialement désigné pour faire partie de la présidence tournante, le conseiller Fritz Alphonse Jean se serait désisté au profit de Smith Augustin.



Cette démarche de présidence tournante, contraire aux prescrits de l’accord du 3 avril 2024, signé entre les secteurs composant le Conseil présidentiel de transition, a été vivement critiquée.

« Le Conseil présidentiel est coordonné par un de ses membres faisant office de Président du Conseil et choisi/élu conformément au Document portant organisation et fonctionnement du Conseil présidentiel’ », prévoit l’accord du 3 avril 2024 conclu entre les parties prenantes.

Le Conseil présidentiel de transition est composé de 7 membres votants et de deux observateurs, issus de différents regroupements politiques, du secteur privé, de la société civile et d’une entité inter-foi.

Il a été officiellement créé, à travers un décret publié, le vendredi 12 avril 2024, par le gouvernement de facto sortant dans le journal officiel de la république « Le Moniteur ».

« Le Conseil présidentiel de transition est présidé par un de ses membres choisi par consensus ou à la majorité de ces derniers », stipule le décret du 12 avril 2024.

Pour passer à une « présidence tournante », il faudrait modifier le décret du 12 avril 2024, soutiennent des membres du Collectif des partis politiques du 30 janvier 2023, regroupement dont est issu Edgard Leblanc.

Ce point de vue est partagé par Raphael André, du parti Mouvement patriotique populaire dessalinien (Mopod), membre du Collectif des partis politiques du 30 janvier 2023, qui s’est adressé à AlterPresse/AlterRadio.

« Ce qui se passe actuellement est très grave », estime le politologue et économiste Joseph Harold Pierre, déplorant combien « c’est triste » de constater la mauvaise direction prise par les membres du Cpt.

Il y voit le commencement d’une crise pré-électorale.

Cette division pourrait laisser entendre que les membres tenteraient aussi de chercher à influencer les prochaines élections dans le pays à leurs profits, avance le professeur d’université.

« Cette situation risque de consolider l’esprit d’instabilité dans le pays. Ce sera un mauvais précédent pour le pays ».

Il y a un problème sérieux de culture politique dans le pays, relève Joseph Harold Pierre, fustigeant le comportement des acteurs politiques qui défendent leurs intérêts personnels et de clans au détriment des intérêts nationaux.

Il invite les membres du Cpt à prendre conscience pour faciliter le bon fonctionnement du Cpt, tout en les appelant à respecter l’accord du 3 avril 2024, « ce qui est peu probable », dit-il, car les acteurs défendent leurs propres intérêts personnels. [emb rc apr 10/05/2024 13:45]