Par Gotson Pierre
P-au-P., 07 mai 2024 [AlterPresse] --- Cette image résume la situation actuelle du Conseil présidentiel de transition (Cpt), à peine installé le jeudi 25 avril 2024 au Palais national et minée par des divisions dès l’initiation du processus de choix des dirigeants le 30 avril 2024, relève l’agence en ligne AlterPresse.
Le blocage est apparu lorsqu’une majorité proclamée de 4 membres sur 7 a tenté de s’accaparer à la fois de la présidence du Conseil et du gouvernement.
L’ancien sénateur Edgar Leblanc Fils a été désigné président du Cpt. Suite à cette désignation, la controverse s’est installée, notamment à cause de l’annonce du choix d’un premier ministre en dehors des étapes prévues par l’accord de sortie de crise du 3 avril 2024.
Les discussions entre les conseillers, s’il y en a, sont interminables sans que la population soit informée d’une lueur de résolution du différend, alors que des rumeurs se multiplient.
La question de la constitution formelle du « Bloc majoritaire indissoluble » de 4 sur 7 membres est jugée inadaptée par des spécialistes et des membres de la société civile.
Ni l’accord du 3 avril 2024, ni le décret du 12 avril, ne prévoit la constitution de bloc, tel qu’admis dans un parlement. Les conseillers présidentiels sont-ils alors autorisés à former un bloc à l’intérieur du Conseil présidentiel de transition ? Un « bloc » peut-il tenter de verrouiller la transition ? Et dans ce cas, à quoi servirait-elle ?
Faut-il définir une majorité qualifiée de 5 sur 7 pour la prise de décisions majeures ? Faut-il une présidence tournante ? Diverses options sont évoquées dans l’opinion en vue de parvenir à aplanir la situation.
Mais, apparemment, elle serait plus compliquée qu’on ne le pense, car la désignation du 30 avril n’aurait même pas été actée. Ce qui mettrait l’organe présidentiel dans l’impossibilité de produire un procès-verbal, réclamé par le groupe de Montana, représenté au Conseil. A moins d’un compromis post-désignation, qui serait pour le moment difficile à trouver.
Il en serait de même du rapport d’observation des deux membres observateurs du Conseil, dont l’un, Frinel Joseph de la société civile, a présidé le bureau électoral qui devait organiser le scrutin qui n’a pas eu lieu.
Une autre dimension du problème a trait aux intérêts divers qui seraient en jeu. Des forces obscures sont pointées du doigt dans diverses hypothèses formulées. Certains voient, à tort ou à raison, la main de grands groupes économiques, ou de personnalités sous sanctions internationales ou encore d’inculpés dans l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moïse.
L’entente à laquelle sont parvenus les acteurs politiques haïtiens avec l’appui de la Communauté de la Caraïbe (Caricom), le 11 mars dernier, pour entrer dans une nouvelle transition, exclut à la fois les personnalités sous sanctions internationales et les inculpés.
Le leadership présumé d’Edgard Leblanc est à rude épreuve.
La communauté internationale garde le silence sur ce qui est considéré comme un faux pas du Conseil présidentiel. Généralement, il n’y a pas eu de réaction à l’accession d’Edgard Leblanc à la présidence du Cpt, contrairement à l’attitude observée au lendemain de l’installation des conseillers.
Cela ne veut pas dire que des pressions ne seraient pas exercées en coulisses sur les membres du Cpt.
Beaucoup d’attentes se sont manifestées à l’installation du Cpt, il y a près de deux semaines. L’atmosphère qui prédomine depuis lors ne rassure pas quant à la possibilité réelle d’adresser une situation qui ne fait que se dégrader.
D’ailleurs, les actions criminelles des gangs armés se sont intensifiées au lendemain de l’installation officielle du Conseil présidentiel de transition au Palais national. Et c’est la fuite continue de la population de divers quartiers qui subissent les assauts renouvelés des gangs armés qui contrôlent la majeure partie de la capitale.
Entre mars et avril, environ 100.000 personnes ont laissé la zone métropolitaine de Port-au-Prince pour aller se réfugier dans les villes de provinces, à cause de la violence des gangs armés.
Pour les deux derniers mois, on n’a pas encore d’évaluation des vies emportées dans l’offensive implacable des groupes criminels, tandis que l’on sait que cette terreur a fait plus de 2,500 morts ou blessées au cours du premier trimestre de l’année 2024, selon l’Organisation des Nations unies (Onu).
La capitale demeure isolée depuis mars. Aucune ligne commerciale ne rejoint l’aéroport international Toussaint Louverture, qui a essuyé des tirs. Les activités sont au point mort au port de la capitale, attaqué par les gangs.
A l’étranger, l’administration Biden a approuvé un paquet d’aide militaire de 60 millions de dollars pour aider Haïti à réprimer les gangs, selon la presse américaine. Il s’agit principalement d’armes légères, mais aussi de certains véhicules blindés.
Dans environ deux semaines, a-t-on annoncé, les premières forces du Kenya, qui prendra la tête d’une Mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti (Mmas), devraient arriver dans le pays.
Alors que la communauté internationale semble maintenant s’activer, le Conseil présidentiel de transition en pleine tempête pourra-t-il valablement jouer son rôle indispensable d’interlocuteur ? [gp apr 07/05/2024 12 :00]