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Des universitaires examinent « l’effondrement du système politique » en Haïti

Par Gotson Pierre

P-au-P, 09 avril 2024 [AlterPresse] --- « Haiti : d’une formation sociale en mutation à l’effondrement du système politique », c’est le thème d’un webinaire spécial organisé par le laboratoire Langages Discours Représentations (Ladirep) de l’Université d’État d’Haïti (Ueh), une structure pluridisciplinaire et spécialisée dans les recherches sur les processus sociaux et culturels dans le pays.

La crise multidimensionnelle, qui bouleverse la société haïtienne, a été abordée sous plusieurs aspects durant cet échange à distance, déroulé dans l’après-midi du lundi 8 avril 2024 et suivi par AlterPresse.

La crise aujourd’hui, comme depuis toujours, résulte du fait qu’« on n’arrive pas à construire un consensus pour constituer le pouvoir d’État », affirme le professeur John Picard Byron, qui est intervenu aux cotés de ses collègues Jean Waddimir Gustinvil, Venise Dubique Guiteau, et Edelyn Dorismond, tous des enseignantes et enseignants à l’Université d’État d’Haïti.

La situation en ce printemps 2024 montre combien la crise est profonde, constatent les intervenantes et intervenants.

L’État est au bord de l’effondrement et sa survie éventuelle ne saurait être nullement envisagée sans l’appui de forces étrangères, soutient le professeur Byron.

« On ne peut plus parler de souveraineté de l’État ».

Une des causes profondes de cette crise majeure serait à chercher, entre autres, dans les mutations urbaines ayant accompagné les soubresauts politiques des cinquante dernières années, avance-t-il.

En 1950, la population urbaine représentait 12% de la population globale, tandis qu’en 2010, ce taux passe à 48% pour dépasser les 50% actuellement, souligne le chercheur.

Au fil des crises politiques, depuis les années soixante, on a vu le développement de quartiers de plus en plus précaires, explique le professeur Byron.

Au fur et à mesure, poursuit-il, la population urbaine a détrôné celle des milieux ruraux en tant que levier de l’action politique.

Mais, au lieu de trouver des réponses relatives à ces nouvelles réalités et demandes urbaines, notamment en matière de services sociaux de base, les acteurs politiques se sont servis de la précarité de ces populations pour s’assurer des gains politiques.

D’où cette crise, caractérisée, entre autres, par la criminalité de gangs, qui sont parvenus à contrôler la majeure partie de la capitale, après avoir été armés et instrumentalisés par des opérateurs politiques et économiques.

Au cours du webinaire du 8 avril 2024, plusieurs autres sujets ont été abordés, comme : les conflits dans la société haïtienne à la lumière des luttes menées durant les dernières années par les mouvements sociaux, l’échec des mouvements de protestations à produire le changement et le divorce entre société et État.

Selon le constat des universitaires, la conjoncture de crise est telle que la chute du pouvoir de facto d’Ariel Henry (chef de gouvernement et chef d’État) ne permet ni de mettre fin au chaos rampant, qui a suivi l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, ni de sortir de l’impasse politique.

Le professeur John Picard Byron invite à considérer les causes profondes de cette crise pour pouvoir trouver des réponses adéquates. [gp apr 09/04/2024 20:00]