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Haïti-Crise : Un momentum à saisir, selon le politologue Joseph Harold Pierre

P-au-P, 1er avril 2024 [AlterPresse] --- Les membres du Conseil présidentiel de transition devraient saisir le momentum actuel, en vue de la mise en place, dans l’immédiat, d’un pouvoir de transition efficace en Haïti, préconise l’économiste et politologue Joseph Harold Pierre, dans une entrevue spéciale diffusée sur la station privée AlterRadio 106.1 F.m. et suivie par l’agence en ligne AlterPresse.

La population pourrait finir par perdre confiance, si les protagonistes prennent du temps pour mettre en place ce Conseil présidentiel de transition, prévient Joseph Harold Pierre.

Il appelle à inventer une formule pour faciliter sa mise en place avec plus d’élégance.

Même s’il minimise les obstacles politiques, Joseph Harold Pierre n’écarte pas la possibilité qu’il y ait d’autres secteurs, qui pourraient chercher à avoir la mainmise sur le Conseil présidentiel de transition.

Le processus de mise en place dudit Conseil risque de prendre beaucoup plus de temps, à cause d’éventuelles tractations politiques, estime-t-il.

Les secteurs, qui n’arrivent pas à faire élire leur président, vont tout faire pour obtenir le poste de premier ministre, anticipe-t-il.

La nomination officielle des membres du Conseil présidentiel de transition par le conseil des ministres intérimaires rencontrerait des difficultés, a fait savoir à AlterPresse une source proche des démarches d’établissement de cette entité.

Cette source accuse le gouvernement de facto de trainer les pieds dans le processus de publication d’un arrêté y relatif, dans le journal officiel de la république « Le Moniteur ».

L’élection du président du Conseil présidentiel de transition devrait avoir lieu après l’installation de l’entité au palais présidentiel, selon un projet de décret relatif à la création, l’organisation et le fonctionnement du Conseil, consulté par AlterPresse.

Le Conseil présidentiel comprend les membres votants Edgard Leblanc Fils du Collectif des partis politiques du 30 janvier 2023, Leslie Voltaire du parti politique Fanmi Lavalas, Louis Gérald Gilles de l’accord du 21 décembre 2022, Fritz Alphonse Jean de l’accord de Montana, Laurent St Cyr du secteur privé , Emmanuel Vertilaire du parti politique Pitit Dessalines, qui refusait au départ de faire partie de cette structure.

Les deux membres non-votants sont Frinel Joseph de la société civile et Régine Abraham du secteur inter-religieux.

Joseph Harold Pierre invite à accélérer le processus de mise en place du Conseil présidentiel de transition, pour que celui-ci puisse s’attaquer, sans perdre de temps, aux problèmes concrets en Haïti, notamment ceux liés à la sécurité.

Ce Conseil présidentiel de transition est composé de personnalités modérées, qui inspirent un minimum de confiance à la population et qui ont la formation et la volonté pour orienter la marche des affaires politiques, se félicite-t-il.

L’économiste et politologue affirme appuyer le Conseil présidentiel de transition, lors même que ce dernier renforce en Haïti une culture politique axée totalement sur l’irrégularité.

« C’est assez grave », dit-il.

Ce qui rend possible ce Conseil présidentiel de transition réside dans l’absence totale de culture politique, d’élites politiques et de véritables partis politiques en Haïti, explique-t-il.

« Culturellement et traditionnellement, on se réfère, depuis 1990, à la Cour de cassation pour gérer de telles crises politiques (en l’absence du sénat). Ce qui empêche de privilégier cette tradition réside dans une absence totale de culture politique en Haïti ».

Le hic avec la formule du Conseil présidentiel de transition est que n’importe qui peut aspirer à devenir président. Il suffit qu’il y ait une situation de troubles et chaos, fait remarquer Joseph Harold Pierre, soulignant combien aucun pays ne saurait fonctionner sans institution.

Faut-il négocier avec les gangs armés ?

L’économiste et politologue Joseph Harold Pierre dit s’opposer à ce que les gangs soient mis sur la table des négociations.

Même s’ils jouissent d’une visibilité internationale, les groupes armés sont constitués de bandits, n’ont aucun mobile idéologique et sont émiettés, avance-t-il.

Il se dit contre toute négociation avec des gangs armés, qui ont perpétré tant d’assassinats, tant de crimes, tant de massacres et tant de destructions sociales à travers Haïti.

« Dialoguer avec les gangs, ce serait justifier leurs actes criminels. C’est le plus grand mal qu’on puisse faire à la société, moralement, politiquement et idéologiquement ».

Rien ne changera, tant que le Conseil présidentiel de transition ne chercherait pas à négocier avec la communauté internationale pour trouver une formule permettant d’avoir le contrôle des gangs armés.

Au cours des trois premiers mois de l’année 2024, plus de 1,550 personnes ont été tuées dans les violences armées en Haïti, selon un rapport du Haut commissariat des Nations Unies aux droits humains, publié le jeudi 28 mars 2024.

Depuis le jeudi 29 février 2024, les gangs armés ont saccagé et incendié diverses infrastructures privées et publiques, dans la zone métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince, empêchant même le retour en Haïti - bloqué à Porto Rico depuis le mardi 5 mars 2024 - du premier ministre de facto Ariel Henry, contraint de démissionner de son poste, le lundi 11mars 2024, sous pressions étasuniennes. [emb rc apr 1er/04/2024 12:20]