Extrait d’une lettre-rapport de Justice et Paix en date du 3 août 2005
Adressée aux responsables de la justice et de la police
Document soumis à AlterPresse le 4 aout 2005 (Traduction de l’original en Créole par J. et P.)
(...) Le 20 juin passé, la Commission Justice et Paix de l’archidiocèse de Port-au-Prince a organisé une conférence de presse pour présenter le bilan de 3 ans d’observation de la violence dans la zone métropolitaine. A cette occasion elle a lancé un appel à la conscience de tous les citoyens : Lutter contre la violence est le devoir de tous et de toutes. Tout le monde doit prendre conscience de l’importance de cette question. Si tout le monde ne prend pas sa responsabilité, l’insécurité continuera à exister dans la capitale et dans le pays.
Comment voyons-nous les trois ans passés ? La Commission a publié 15 rapports au cours de 36 mois. Elle a enregistré 2015 cas de morts violents. 864 entre juillet 2002 et la fin du mois de février 2004 (une période de 20 mois), puis, 1151 cas entre mars 2004 et juin 2005 (16 mois). La réalité est encore plus sombre. En plus, la violence a augmenté sérieusement ces derniers temps, ce qui signifie que les causes qui produisent la violence persistent. Au contraire, aujourd’hui, il y a plus de frustration, le coût de la vie a augmenté. Parmi les causes qui conduisent à la violence ou bien qui l’encouragent, nous signalons l’impunité, le conflit entre groupes armés, la lutte pour le pouvoir et les causes politiques, certaines autorités ne prennent pas leur responsabilité. Toujours, il y a la faiblesse de l’Etat, la marginalisation dans la société, la misère, la dégradation de l’environnement et la crise économique, l’activité des groupes liés à la drogue et la criminalité, les armes circulent dans le pays sans qu’il n’y ait pas le moindre contrôle, certains groupes agissent comme exécutants, puis, l’indifférence des citoyens eux-mêmes.
La Commission croit qu’une source importante de la violence provient de la façon de comprendre et de faire de la politique dans le pays, et de la façon dont on gère le pouvoir politique ou qu’on mène la lutte pour le pouvoir. « Ceux qui détiennent une position dans l’Etat doivent se servir seulement des moyens légaux pour gérer le pouvoir. Les citoyens devraient se servir exclusivement des moyens légaux pour défendre leurs droits. Affaiblir les institutions de l’Etat, distribuer des armes à des groupes populaires, est indigne d’une autorité responsable. Tous ceux/celles qui s’engagent dans la lutte pour le pouvoir ou qui sont responsables de sa gestion, ont la responsabilité de développer des pratiques politiques qui ne détruisent pas les fondements moraux de la société. » (Rapport 10).
Parmi les auteurs de la violence, nous constatons une grande implication de nombreux jeunes et même d’enfants qui font parti de ces groupes ou gangs, soit qu’on les a forcé d’y entrer, soit qu’ils manquent d’éducation et d’encadrement social, soit qu’ils se sont laisse prendre pour résoudre quelque problème. Le phénomène nous préoccupe sérieusement. Qu’est-ce que le pays doit devenir dans une pareille condition ?
Avec cette nouvelle lettre ouverte, la Commission vous présente un autre rapport sur la violence dans la zone métropolitaine durant les mois de mai et de juin 2005. Comme pour les rapports précédents, nous avons choisi un simple critère pour mesurer le degré de violence : le nombre de victimes mortelles à travers les rues de la capitale. Pour y arriver, nous avons consulté la presse ; nous avons rencontré des témoins ; nous avons fait nos propres observations. Tout en reconnaissant les limites de notre travail, nous savons que la réalité dépasse les données qui s’y trouvent. Notre objectif est de sensibiliser les autorités et tous les citoyens sur la réalité de la violence dans le pays, parce qu’elle constitue un des handicaps majeurs à la convivialité pacifique entre citoyens.
Au cours des mois de mai et de juin 2005, nous avons répertorié 169 personnes mortes suite à la violence : 79 au mois de mai et 90 au mois de juin 2005. Mais les chiffres réels doivent être plus élevés. Ceci signifie une nette augmentation par rapport aux mois passés. Lors de certains événements, il y a un plus grand nombre de victimes ; ce qui indiquerait une plus grande agressivité de part et d’autre.