Español English French Kwéyol

Éducation : L’Apep s’inquiète des conséquences de l’aggravation de la situation sécuritaire sur l’avenir des élèves en Haïti

P-au-P., 26 février 2024 [AlterPresse] --- L’aggravation de la situation sécuritaire suscite de vives inquiétudes au niveau du système éducatif en Haïti, en proie à une crise multidimensionnelle.

Plus de 1,500 établissements scolaires sont fermés dans la Zonee métropolitaine de la capitale, Port-au-Prince (Zmpp). Plus de 5 mille élèves ne vont pas quotidiennement à l’école, relève l’enseignante et directrice d’école Marie Marguerite Bouchereau Clérié, également présidente de l’Association professionnelle des écoles privées (Apep) à l’émission TiChèzBa, diffusée sur AlterRadio 106.1 F.m., diverses autres plateformes Internet, et suivie par l’agence en ligne AlterPresse.

« Ce que nous vivons aujourd’hui en Haïti correspond à de l’instabilité politique caractérisée. C’est un pas sinueux vers la dictature. Sauf la liberté d’expression, toutes les libertés fondamentales, tous les droits humains sont bafoués. Les gangs armés, l’impunité, les capacités de nuisances des politiciennes et politiciens, qui privilégient leurs intérêts personnels au lieu des intérêts de la collectivité, de la nation haïtienne...empêchent les écoles de fonctionner... », fait ressortir l’Association professionnelle des écoles privées.

Si la situation persiste, beaucoup d’établissements scolaires cesseront, contre leur gré, de fonctionner, avertit-elle.

« Beaucoup d’écoles ont perdu plus de 60 % de leurs effectifs. Il y en a qui ont perdu tous leurs professeurs. Elles s’y font avec de nouveaux staffs. Il y a des écoles, qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts, faute d’effectifs », souligne l’Apep.

La situation des écoles en Haïti est très dramatique et problématique, s’alarme-t-elle, déplorant une lenteur dans la prise de bonnes décisions pour y faire face.

Beaucoup de dirigeantes et dirigeants d’écoles sont contraints d’avoir l’autorisation des gangs armés pour fonctionner, déplore l’Apep, signalant tout de même combien que certains établissements scolaires ne se laissent pas tomber dans ce piège, quoique la décision à prendre soit difficile.

La pédagogie à l’épreuve

Du point de vue pédagogique, c’est encore très difficile de fonctionner normalement. Nous sommes même obligés de revoir le programme à la baisse, à cause de la diminution du nombre de jours réguliers de classes, constate l’Association professionnelle des écoles privées.

L’Apep mentionne des absences répétées d’élèves et une irrégularité constante, même au niveau des professeurs.

« En termes pédagogiques, c’est assez difficile d’assurer des suivis réguliers et constants. Souvent nous répétons, nous recommençons les mêmes cours à longueur de journée ».

L’éducation à distance devient une méthode très difficile, puisque les enfants n’ont pas accès à l’Internet chez eux.

« Les cours par WhatsApp sont encore plus difficiles, parce qu’un élève ne peut pas vraiment être motivé en étudiant à travers WhatsApp. C’est inhumain », estime l’Apep.

Pendant les cinq dernières années, en cumulant le nombre de jours perdus de classes , le nombre d’heures perdues ou le nombre de jours d’absences, presque tous les enfants en Haïti sont censés être recalés au moins une année, si ce n’est pas deux pour certains, se desole la professeure Marie-Marguerite Bouchereau Clérié.

« Les enfants sont traumatisés, stressés, démotivés. Ils viennent à l’école, parce qu’on les y amène. Il y a des difficultés à motiver les enfants. Les professeurs sont désemparés, parce qu’ils ne sont pas formés pour prendre en charge les enfants en difficultés psychologiquement. Ils ne délivrent pas vraiment avec la même ardeur », décrit-elle.

« Le droit à l’éducation des enfants, c’est le droit de pouvoir aller à l’école régulièrement, de posséder les fournitures, le matériel, les infrastructures nécessaires. C’est un droit aussi sacré que manger », rappelle l’Apep.

Elle appelle à prendre des mesures drastiques, comme empêcher les manifestations les jours de classes et mettre fin aux activités des gangs armés.

Insistant sur combien l’éducation est essentielle et vitale pour le devenir d’Haïti, l’Association professionnelle des écoles privées note combien la situation actuelle affecte l’avenir des Haïtiennes et Haïtiens, surtout celui des écolières et écoliers.

Dans une note de presse en date du 2 février 2024, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) et l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Uneso) ont uni leurs voix, pour attirer l’attention sur les conséquences dévastatrices de l’interruption fréquente et/ou de la fermeture de nombreuses écoles dans le pays, privant des milliers d’enfants de leur droit à l’éducation.

Au cours des derniers mois, un nombre indéterminé d’écoles, notamment dans le département de l’Artibonite et dans la Zone métropolitaine de Port-au-Prince, ont fermé par crainte d’être prises au piège dans les violences des gangs armés.

De nombreuses fermetures temporaires d’établissements ont également eu lieu, en raison de mouvements associés à certaines manifestations et protestations à caractère politique et/ou syndicale dans divers départements, notamment dans la Grande Anse (une partie du Sud-Ouest d’Haïti) et le Nord-Est.

D’autres établissements sont fermés pour servir parfois d’abris provisoires pour des milliers de familles déplacées par les violences des gangs armés.

Face à cette situation, l’Unicef et l’Unesco lancent solennellement un appel à l’ensemble de la communauté éducative pour protéger l’éducation sous toutes ses formes, y compris en veillant à ce que les écoles soient un sanctuaire où s’épanouissent pleinement les élèves.

« Les enseignantes et enseignants sont un maillon essentiel du système éducatif, les garants de l’éducation des futures générations. Ils doivent, à ce titre, être protégés par toutes les actrices et tous les acteurs ». [mff emb rc apr 28/02/2024 10:35]