P-au-P., 20 février 2024 [AlterPresse] --- La Mission multinationale d’appui à la sécurité (Mmas) devrait s’attendre à des défis majeurs et énormes, compte tenu du pouvoir des gangs armés et des liens qu’ils entretiennent avec les élites en Haïti, prévient l’historien Diego Da Rin, expert de « International Crisis Group » pour l’Amérique latine et les Caraïbes, dans une intervention à l’émission Tichèzba diffusée sur AlterRadio 106.1 F.m. et suivie par AlterPresse.
Diego Da Rin souligne combien la Mmas ne serait pas facile. Il y aura de nombreuses difficultés à différents niveaux, dit-il.
Il est important que les personnels de la Mmas aient vraiment des capacités acquises en termes de combats urbains et irréguliers dans des milieux assez compliqués, comme ils devront le faire en Haïti, souligne l’expert de « International Crisis Group ».
Toutes les mesures doivent être prises dans la planification et la direction des opérations pour protéger les civils, recommande-t-il, soulignant combien cela devra être une priorité, tant pour le personnel international que pour la Police nationale d’Haïti (Pnh).
L’effort de la communauté internationale pour venir en aide à la Pnh est indispensable pour arriver à inverser le rapport de force avec les gangs armés, avance-t-il.
« L’élimination des chefs de gangs ne résoudrait pas le problème. Il faudrait leur démobilisation. Il faut une forte intervention des structures de l’État ainsi que des programmes de réintégration très robustes, très bien pensés et très bien conçus, au niveau de chaque lieu où ils vont s’implanter. »
« Au moins 806 personnes, non impliquées dans les violents échanges en cours, ont été tuées, blessées ou kidnappées en janvier 2024 », a fait savoir, le vendredi 9 février 2024, le Haut-commissaire des Nations unies aux droits humains, l’Autrichien Volker Türk.
« Quelque 300 membres de gangs ont également été tués ou blessés, portant le nombre total de personnes touchées à 1,108, soit plus de trois fois le nombre enregistré en janvier 2023 ».
International Crisis Group suggère d’effectuer des études sur le terrain pour comprendre comment reconstruire le tissu social.
« Pour la grande majorité des Haïtiennes et Haïtiens, la priorité c’est la sécurité », affirme-t-il, soulignant, toutefois, combien, sans un accord politique pour créer un gouvernement plus inclusif, il n’y aura pas de solution, qui durera en matière politique et de sécurité.
Il y a d’autant plus de pressions sur le gouvernement intérimaire que sur l’opposition, pour qu’ils arrivent à un consensus pour établir un gouvernement de transition, qui suscite plus la confiance des gens, poursuit-il.
L’historien Diego Da Rin conseille au premier ministre de facto, extrêmement impopulaire, de faire avancer le dialogue politique, en faisant certaines concessions additionnelles.
« Il faut qu’il y ait des élections, qui génèrent la confiance des Haïtiennes et Haïtiens. Étant impopulaire, le gouvernement intérimaire doit comprendre que, pour arriver à réaliser des élections crédibles, il faut arriver à un accord avec d’autres forces politiques ».
La Mmas attendue sous peu
Selon les informations disponibles, la mission kenyane devrait être déployée prochainement en Haïti, rapporte l’expert de « International Crisis Group ».
Le premier contingent kenyan, qui devrait être déployé depuis un certain temps, a terminé son entrainement, qui a duré quelques mois, fait-il savoir.
Il a eu un entrainement assez exhaustif, non seulement du point de vue opérationnel mais aussi en termes de compréhension du terrain et de capacités d’actions dans un milieu très compliqué, en prenant toutes les mesures possibles pour protéger la vie des civils, fait-il valoir,
Les dernières réunions, qui ont eu lieu à Washington, enverraient un signal additionnel sur l’existence d’une forte volonté, non seulement du Kenya, mais aussi d’autres partenaires internationaux, tels que les États-Unis, pour contribuer à surmonter les obstacles, analyse l’historien.
Accompagnée du Directeur général ad intérim de la Pnh, Frantz Elbé, une délégation haïtienne, dirigée par la titulaire de facto du Ministère de la justice et de la sécurité publique (Mjsp), Emmelie Prophète, a participé à Washington, aux États-Unis, à des discussions autour de la dernière phase du déploiement de la force multinationale en Haïti, dans les prochains jours.
Ces pourparlers impliquaient des représentants du Kenya, des États-Unis et d’autres pays, qui ont exprimé leur volonté de contribuer à la Mmas.
Normalement, le gouvernement du Kenya s’attendait à ce que le premier contingent de quelques centaines de policiers kenyans puisse arriver sur le terrain en Haïti, plus ou moins début février 2024, justement après le feu vert de la haute Cour, révèle International Crisis Group.
En ce moment, les autorités kenyanes travailleraient, de manière accélérée, pour signer un accord réciproque avec Haïti, en rapport au déploiement de la Mmas.
Elles n’attendraient prétendument pas la décision de la Cour d’appel pour envoyer les premiers policiers en Haïti, selon Diego Da Rin, qui cite les propos d’un responsable du Ministère des affaires étrangères du Kenya, qui serait en train de faire appel de la décision de la Cour d’appel.
La Cour suprême du Kenya a rejeté, le vendredi 26 janvier 2024, la demande du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (Onu) pour le déploiement de policiers kényans sur le territoire d’Haïti.
« La demande de déploiement de policiers kenyans, faite par l’Onu, est inconstitutionnelle, nulle et non avenue. Il n’y a aucun accord réciproque entre le Kenya et Haïti. L’article 240 de la Constitution kenyane ne donne pas de mandat au Conseil national de sécurité de déployer des officiers de police kenyans en dehors du Kenya », a décidé la Cour suprême du Kenya.
Ce déploiement de la Mmas a été validé le 2 octobre 2023 par une résolution du Conseil de sécurité de l’Onu, autorisant une mission multinationale en Haïti sous le commandement d’un des pays membres de l’Onu (en l’occurrence le Kenya), suite à une demande, le vendredi 7 octobre 2022, du gouvernement de facto d’Ariel Henry.
Le jeudi 16 novembre 2023, le parlement kényan avait approuvé le déploiement de 1,000 policiers kényans en Haïti pour une mission de maintien de la paix, la Mmas en Haïti. [mff emb rc apr 20/02/2024 15:10]