Español English French Kwéyol

Justice : Plaidoyer en faveur de l’utilisation de la langue Créole dans le système judiciaire en Haïti

P-au-P, 16 février 2024 [AlterPresse] --- L’École de la magistrature (Ema) et le Réseau national des magistrats haïtiens (Renamah) plaident pour l’utilisation de la langue maternelle, le Créole, dans le système judiciaire en Haïti, lors d’un webinaire organisé le vendredi 16 février 2024 et auquel a assisté l’agence en ligne AlterPresse.

Le Créole doit être la langue de la justice, souhaitent les magistrats et greffiers qui intervenaient dans ce webinaire.

Ils évoquent les difficultés rencontrées dans le système judiciaire haïtien, notamment dans les tribunaux de paix, les tribunaux civils et les cabinets d’instruction, avec l’utilisation de la langue française pour traiter les dossiers de justice.

« L’une de mes grandes préoccupations vis-à-vis de l’appareil judiciaire haïtien est le manque de qualification », déclare l’un des substituts du commissaire du gouvernement près le tribunal civil de Port-au-Prince, Me. Rudolphe Jean Léonard Cantave.

Au niveau de la justice, il n’y a presque pas de personnes ayant des qualifications appropriées pour traiter une infraction en Créole, regrette Cantave.

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits, stipule l’article 1 de la Déclaration universelle de droits humains de 1948, rappelle le juge d’instruction au tribunal civil de Port-au-Prince, Me. Loubens Élysée.

Selon lui, dans un tribunal, les accusés ont le droit de bien comprendre ce que le juge prononce.

« Un juge doit prononcer ses décisions dans la langue (langue maternelle) parlée par l’accusé. Donc en Haïti, la langue Créole est la langue parlée par toutes les Haïtiennes et tous les Haïtiens ».

Tout accusé a le droit de comprendre ce qui se passe dans le procès, de comprendre la décision du juge, souligne Me. Loubens Élysée.

Le doyen de la Faculté de linguistique appliquée (Fla), Renauld Govain, souhaite que le Ministère de la justice et de la sécurité publique (Mjsp) intègre incontestablement la langue Créole dans le systeme judiciaire en Haïti.

« La langue Créole est une langue d’harmonie pour toutes les Haïtiennes et tous les Haïtiens. C’est une langue ethnoculturelle. C’est la langue comprise par toutes et tous ».

Ce sera absolument bien pour la justice haïtienne de s’exprimer en créole, puisque c’est la langue de la majorité, estime le greffier en chef du tribunal civil de Petit-Goâve, Me. Martin Ainé, également président de l’Association nationale des greffiers haïtiens (Anagh).

« Mon expérience dans des cabinets d’instructions m’oblige à demander aux autorités judiciaires de juger et rendre les ordonnances en Créole. Maintes fois, dans les cabinets d’instruction, je suis obligé de traduire les propos du juge, chaque fois qu’il parle, parce que l’accusé ne comprenait rien », relate Me. Martin Ainé.

Le Créole doit être parlé sans crainte dans toutes les institutions, notamment celles de la justice.

L’École de la magistrature doit aussi jouer son rôle en inscrivant un cours de rattrapage pour la majorité des greffiers et juges, qui ne savent pas écrire en Créole, recommande le greffier John Vivald Louis.

Dans les procès au tribunal, « la communication est fondamentale », parce qu’elle facilite la compréhension de toutes et de tous, du déroulement jusqu’à la fin du procès, explique John Vivald Louis.

L’intégration de la langue Créole dans le système judiciaire en Haïti était le thème du webinaire du vendredi 16 février 2024, qui a réuni parquetiers, juges de paix, avocats, greffiers et professeurs d’Université.

Cette causerie s’inscrit dans le cadre d’une série d’activités, visant à marquer la Journée internationale de la langue maternelle, le mercredi 21 février 2024. [je emb rc apr 19/02/2024 10:10]