P-au-P., 16 janv. 2024 [AlterPresse] --- Des membres du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (Cspj) s’élèvent contre la passivité et l’inaction caractérisées du gouvernement de facto face au dysfonctionnement des tribunaux, dans une lettre ouverte en date du 15 janvier 2023, dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
Ils requièrent « le retour au Cspj de toutes les commissions de nomination, arbitrairement retenues, et l’exécution de tous les projets d’infrastructures des cours et des tribunaux, pour lesquels des fonds ont été alloués chaque année ».
« Certains tribunaux ne fonctionnent plus pour absence de juges, dont le mandat n’a pas été renouvelé. D’autres sont totalement dépourvus de moyens de fonctionnement ou d’une infrastructure adéquate, assortis d’un climat d’insécurité intolérable », relèvent-ils, dans cette lettre portant la signature des membres du Cspj Durin Junior Duret, représentant des cours d’appel, Wando Saint-Villier, représentant des tribunaux de première instance, et Evens Fils, représentant de la Fédération des barreaux d’Haïti (Fbh).
Cette situation générale de dysfonctionnement touche les tribunaux de paix dans les départements du Sud-Est, de la Grande Anse (une partie du Sud-Ouest d’Haïti), de l’Artibonite et du Nord-Ouest, énumèrent-ils.
Le tribunal civil de Port-au-Prince ne dispose plus de locaux depuis deux ans environ (depuis l’année 2021), signale le Cspj, déplorant l’absence d’efforts des autorités gouvernementales pour récupérer le Palais de justice de Port-au-Prince, occupé depuis le vendredi 10 juin 2022 par des hommes armés.
« Le tribunal de première instance de Jacmel fonctionne avec un seul juge. Ceux de Port-de-Paix (Nord-Ouest), de Fort-Liberté (Nord-Est), de Jérémie (Grande Anse) et des Côteaux (Sud) seront pratiquement dysfonctionnels d’ici à la fin de ce mois (janvier 2024) ».
Les membres du Cspj pointent le comportement de ce gouvernement de facto, qui n’assume pas ses responsabilités régaliennes quant aux dossiers administratifs, qui lui ont été transmis par des magistrats.
Ils assimilent cette attitude à un refus obstiné de résoudre ces problèmes cruciaux.
« Cette conjoncture a trop duré. Elle devient intenable et constitue une menace récurrente pour la justice en Haïti. Les engagements, formellement pris par le gouvernement lors des rencontres avec le Cspj, n’ont pas été respectés », dénoncent-ils.
Le dysfonctionnement des cours et tribunaux constitue un acte de déni de justice et un puissant facteur d’impunité, favorable aux personnes poursuivies par la justice en Haïti, blâme le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire.
« Dans certaines juridictions, les droits fondamentaux, notamment l’accès à la justice, ne sont pas garantis. Cette apathie influe sur la situation des détenus, qui se trouvent dans des salles de plus en plus bondées, dans des conditions inhumaines et désespérément dégradantes ».
Le Cspj mentionne aussi le cas de certains magistrats, victimes de marchandage politique de la part de certains membres du gouvernement, quant au renouvellement de leur mandat.
« La carrière de bon nombre d’entre eux est hypothétique et on s’achemine vers un chaos, qu’il faut immédiatement stopper ».
Le Cspj appelle à la reconstruction du tribunal de première instance (Tpi) et de la Cour d’appel de Port-au-Prince, des actions qui ne sauraient encore attendre.
« Il y va de l’honneur de la patrie que le Tpi et la Cour d’appel de Port-au-Prince soient logés dans des locaux adéquats, en attendant leur reconstruction imminente », soulignent les membres du Cspj, qui appellent à fixer les responsabilités.
« Le Cspj s’est acquitté de ses tâches en acheminant les dossiers après épuration, épuisant les voies institutionnelles, soumettant des rapports, assortis de recommandations. Il revient maintenant aux membres du gouvernement de remplir les leurs », insistent les signataires de la lettre ouverte en date du 15 janvier 2024. [mff emb rc apr 16/01/2024 15:50]