Par Robert Paret Sr
Soumis à AlterPresse le 4 janvier 2024
Deuxième partie : Les Voies et moyens
Dans ce marasme, qui paralyse le pays et tend de plus en plus à perdurer, il importe de dresser le bilan de nos échecs et de concentrer toute notre énergie pour galvaniser nos forces et repartir d’un pas plus assuré.
C’est à un konbit nasyonal, certes dans une conjoncture difficile, mais qui semble favorable à un réel changement, qu’il conviendrait d’inviter nos compatriotes à la réflexion, en leur proposant un nouveau paradigme qui puisse les conduire à une régénération de l’État d’Haïti.
Nous devons rechercher les solutions qui nous rassemblent et rejeter celles qui nous divisent. Il importe de prioriser les mesures, qui peuvent s’adapter à nos réalités sociales et politiques, en faisant preuve de réalisme et d’originalité. Nous ne sommes pas tenus de suivre aveuglément les expériences des autres, d’autant plus qu’elles ont été très souvent à la base de nos déboires. Seuls nos besoins et obligations doivent nous guider dans cette quête du renouveau.
Nous pouvons proposer des alternatives à nos déconvenues politiques, qui étonneront par leur hardiesse, mais qui rassureront par leur efficacité et leurs effets. Ainsi, pourrons-nous espérer renouer avec les ambitieuses aspirations de la Geste de 1803. Un noble projet, qui a été si lamentablement anéanti par l’infâme assassinat de l’Empereur Jean-Jacques Dessalines.
C’est, en effet, en changeant de paradigme que nous pourrons prétendre à des résultats positifs. Pour cause, il importe de remettre en question le concept « État », tel qu’il est perçu à travers le monde, pour lui donner un nouveau contenu, une nouvelle définition et un nouveau rôle par rapport à la population, qui le justifie et dont il est le garant.
Dans cette nouvelle conception, l’État doit être perçu comme une « Entreprise Nationale », englobant toutes les composantes sociales qui constituent la communauté des citoyennes et citoyens, qui en est le véritable et unique propriétaire. Par analogie, on pourrait comparer cette structure étatique à celle des organismes, associations, institutions et autres entités, qui ont la vocation de gérer des intérêts particuliers, publics ou privés. En ce sens, la Banque de la république d’Haïti (Brh) ou Banque centrale est un parfait exemple d’une Institution d’État qui est gérée par un Conseil d’Administration.
A ce titre, cette Entreprise Nationale devrait être une productrice de Biens et Services au seul profit de la Nation, donc de ses actionnaires. Pour la bonne et parfaite gestion de cet Organisme, les actionnaires devraient placer à sa tête un Conseil d’Administration, composé de membres de la société civile, dont dix seraient désignés par les dix départements du territoire national, à raison d’1 par département.
Le choix de ce membre devrait se faire à travers des élections départementales, réalisées à cet effet sur toute l’étendue du territoire national. Ainsi, l’élu-e à cette élection serait-il/elle délégué-e par son département pour faire partie du « Conseil d’Administration et de Gouvernement de l’État ». Toutefois, elle/il ferait partie du Conseil à seul titre de Membre-Conseiller-ère sans avoir nulle autre implication directe dans la gestion des Affaires politiques et administratives de son Département. ce rôle étant attribué aux Élus communaux et aux Parlementaires élus dans le Département pour cette mission. Ainsi, le peuple serait-il représenté dans sa globalité dans cette Entreprise d’État, dans un système qui s’apparenterait à la démocratie.
Ce projet ne vise nullement à former un État fédéral à l’instar des États Unis d’Amérique. Le gouvernement ainsi constitué aurait pour attribution de gérer et d’administrer la totalité du territoire national.
Le Conseil d’administration aurait un mandat de dix ans, non renouvelable et serait présidé par l’un de ses membres, élu au bulletin secret pour une durée de 2 ans non reconduite. D’où une présidence rotative de cinq élus durant la décennie du Conseil d’administration.
Notre propos vise à remettre en question l’Art.133 de la Constitution haïtienne de 1987 qui stipule :
Le Pouvoir Exécutif est exercé par :
1- Le Président de la République, chef de l’État ;
2- Le gouvernement ayant à sa tête un Premier Ministre ;
en précisant que l’Art.58 stipule : Les citoyennes/citoyens exercent directement les prérogatives de la Souveraineté.
C’est dans cette optique que nous proposons que cette attribution soit dévolue à une « Entreprise Nationale », comme nous l’avons déjà mentionné, qui aurait à sa tête un :« Conseil d’Administration et de Gouvernement de l’État » qui en garantirait le bon fonctionnement et la régularité. Une illustre Assemblée, composée d’honorables citoyennes/citoyens élu-e-s par le peuple pour leur compétence et leur droiture.
Ainsi, le plus grand avantage à tirer de ce changement serait-il la rupture qu’il provoquerait avec la tradition. Un état de fait, qui a toujours placé « l’individualisme » avant « le collectivisme ». De sorte que l’État a toujours été gouverné par un individu, un Président de la République omnipotent, tout-puissant qui a toujours joui de privilèges exorbitants, sans se sentir obligé de rendre compte à quiconque.
Un autre point, non négligeable, serait le bénéfice qui résulterait de l’organisation de 10 élections simultanées en 10 points du territoire au lieu d’une seule, généralement très difficile à contrôler. Une disposition, qui permettrait d’avoir une déconcentration de l’Appareil d’État établi dans la seule « République de Port-au-Prince ».
Ce nouveau paradigme devrait s’accompagner d’autres dispositions, allant dans le même sens d’une amélioration des conditions de fonctionnement de l’Appareil Administratif de l’État.
Nombreuses/nombreux sont les Haïtiennes et Haïtiens qui pensent qu’une chambre législative unique pourrait avantageusement remplir la mission confiée à un Pouvoir Législatif à deux Chambres. Nous n’aurons pas inventé la roue ! D’autres pays utilisent parfaitement ce type de Parlement monocéphale. En Haiti, nous l’avons déjà expérimenté.
De même que le choix du Président du Pouvoir Judiciaire ne devrait plus dépendre de la seule volonté du Président du Pouvoir Exécutif. Une aberration, qui foule au pied l’indépendance des 3 Pouvoirs de l’État.
En ces temps d’une extrême précarité, où l’État ne parvient pas à faire face à ses obligations constitutionnelles, ne conviendrait-il pas de réduire son budget de fonctionnement en compressant les Services essentiels au sein de 12 ministères régaliens. Un gouvernement, auquel s’adjoindraient des Directions ministérielles qui complémenteraient les besoins et obligations de leurs ministères de tutelle.
Cette réduction budgétaire, qui s’accompagnerait d’une gestion stricte de l’économie et de mesures d’austérité, aurait pour but d’assainir les finances de l’État et de lui permettre de couvrir les dépenses de fonctionnement de ce nouveau système de gouvernement.
Cette réflexion, qui s’est alimentée d’observations et de constats qui mettent à mal notre société, n’a pour seule motivation que de proposer des solutions, qui nous semblent appropriées au redressement de la nation. Chacune/chacun en jugera selon sa perception et ses convictions.
Pétionville, décembre 2023