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Haïti : La solution haïtienne à la crise plus que jamais d’actualité

Prise de position de groupes d’Haïtiens et Haïtiennes de Montréal, New York et Miami autour de la conjoncture

Document soumis à AlterPresse le 3 janvier 2024

À l’aube de ce nouvel an, force est de constater que la situation d’Haïti s’aggrave. Le spectre de la mission d’occupation kenyane se concrétise afin de renforcer le statu quo et les intérêts des puissances étrangères. Ainsi, la question de l’avenir du pays est plus que jamais à l’ordre du jour. Une question d’autant plus importante que l’existence même de la nation est en péril. Situation hautement préoccupante pour nous de la diaspora qui gardons l’espoir d’un véritable changement dans notre pays natal et qui faisons tout pour soutenir les luttes que mènent, souvent dans la tourmente, nos compatriotes de l’intérieur. En ce sens, nous renouvelons une fois de plus notre appui au combat pour élaborer un État démocratique au service de la nation et de la population. Plusieurs obstacles et défis sont encore à l’horizon pour en arriver là. De ce fait, il est crucial de continuer le combat afin de trouver une solution véritablement haïtienne à la crise comme le propose l’Accord du 30 août 2021 dit Accord de Montana.

Pour mettre en œuvre cette solution, il est indispensable de prendre des mesures adéquates et réalistes.

Premièrement, la constitution d’un gouvernement de transition de rupture est incontournable. Ce gouvernement constitué d’un pouvoir bicéphale (un président et un premier ministre) comme le prévoit la Constitution de 1987 est un préalable nécessaire à la réalisation d’élections démocratiques menant à la formation d’un pouvoir librement choisi par le peuple. Ce gouvernement de transition est donc le premier grand défi à relever pour trouver une solution haïtienne à cette crise qui gangrène la nation depuis trop longtemps.

Deuxièmement, il est essentiel d’obtenir la démission du premier ministre de facto Ariel Henry comme condition préalable à la formation d’un gouvernement de transition. Il est l’objet de soupçons dans le meurtre de l’ancien président Jovenel Moise. De plus, il se comporte en autocrate en concentrant entre ses mains les trois pouvoirs de l’État et en bloquant de façon systématique les négociations avec l’opposition. Il a fait montre également de sa totale soumission à l’égard des puissances étrangères dont toutes les démarches consisteraient finalement à maintenir au pouvoir ce premier ministre de facto. Enfin, au cours de ces 29 mois de « transition », le gouvernement de facto dirigé par Ariel Henry a démontré son incapacité à défendre les droits et à fournir les services les plus élémentaires à une population prise en otage. Ce gouvernement a parallèlement présidé à une érosion flagrante sinon à un abandon total de toute autorité de l’État dans un pays où les gangs imposent des taxes, prennent le contrôle d’administrations régionales ou locales sans aucune intervention d’un gouvernement central qui a totalement failli à sa mission.

Troisièmement, cette solution haïtienne à la crise s’impose parce que malgré toutes les démarches effectuées et les discussions entamées, les différentes instances étrangères, qu’il s’agisse de l’OEA, du BINUH et tout récemment de la CARICOM, ne font montre d’aucune volonté réelle de résoudre la crise. Il faut souligner que le Bureau de Suivi de l’Accord de Montana (BSA) se montre ouvert aux différentes négociations aussi bien avec le gouvernement de facto qu’avec des organisations étrangères. Posture inscrite dans les principes fondateurs de base de l’Accord de Montana qui est la recherche d’un large consensus politique.

Face à ce constat, le BSA a refusé de participer à une réunion convoquée à la dernière minute par le Groupe de Personnes Éminentes (GPE) de la CARICOM. Malheureusement des membres de l’équipe de Montana ont précipitamment interprété cette décision comme un refus pris unilatéralement de continuer à participer aux négociations. Il est dommage que ces divergences de vues, normales dans un groupe hétérogène, aient été exposées au grand public, alors qu’elles auraient pu et auraient dû être réglées selon les mécanismes existants à l’interne.

Nous espérons que ce nouvel an, qui marque le deux cent-vingtième anniversaire de notre indépendance, arrachée dans le sang et le sacrifice de notre peuple, incitera à un retour à l’esprit de cette proposition initiale de trouver une solution haïtienne à la crise. Une option essentielle qui appelle à une rupture avec les formes traditionnelles de gouvernance, la corruption et la gabegie. Nous souhaitons également, à ce moment critique de l’histoire de notre pays, que l’union des forces progressistes, démocratiques et patriotiques, de tous ceux et toutes celles qui croient à la nécessité de la lutte pour un changement réel, puisse continuer à se consolider.

Pour finir, rappelons que « la communauté internationale » a profité du séisme de 2010 pour quasiment prendre le contrôle du pays, imposer des élections de façon précipitée et décider du résultat du scrutin. Nous en payons encore les conséquences. Depuis novembre 2018, une catastrophe provoquée s’est abattue sur le pays : l’essor des gangs et la destruction de toutes nos institutions, avec l’appui de cette même « communauté internationale ». Il s’agit encore une fois de prendre le contrôle de notre avenir, le destin de notre pays, notre principale prérogative en tant que peuple.

La solution haïtienne à cette crise multiforme est la seule solution viable, et il appartient à nous, Haïtiens et Haïtiennes, de la mettre en application.

Montréal, New York, Miami
2 Janvier 2024

Pour la Coalition haïtienne au Canada contre la dictature en Haïti (CHCDH)
Jean-Claude Icart
Chantal Ismé
Richard Mathelier
Dominique Mathon
Walner Osna
Alain Saint-Victor

Pour l’Initiative citoyenne de New-York
Daniel Henrys
Daniel Huttinot
Julien Jumelle
Lionel Legros
Michèle Montas

Pou Komite solidarite ak rezistans pèp Ayisyen nan Miyami
Pierre Max Antoine
Hudes Desrameaux
Abel Simon Zephir