Par Hancy PIERRE [1]
Soumis à AlterPresse le 28 décembre 2023
Dans les années 1978, des efforts politiques se sont centrés autour de la coopération, durant le premier gouvernement de sociaux démocrates du Parti révolutionnaire dominicain (Prd). Ce qui s’était soldé par des échanges en matière de promotion du tourisme, du commerce, de développement économique et de gestion de ressources communes, telles les eaux partagées.
Dans ce dernier cas, la réalisation conjointe du barrage de Pedernales fut un grand atout. Toutefois, le nœud gordien a été la question de la vente de Braceros pour être utilisés comme force de travail dans l’industrie de la canne, ce jusqu’en 1986.
Les relations se détériorèrent au fur et à mesure sous le long règne du Dr. Joaquin Balaguer (1986-1996).
Les deux États ont connu un moment de détente sous la présidence du Dr. Leonel Fernandez quand il a été mis en place la Commission mixte haïtiano-dominicaine comme mécanisme de dialogue sur des questions d’intérêt général (la migration, le commerce, la santé, la frontière, le développement industriel, l’éducation, l’agriculture et les échanges culturels). Ce qui devrait être des préoccupations, dans le cadre des travaux en sous commissions, du nombre de 8.
Jusqu’à date, tout renvoie au cadre défini dans la mise en place de cette Commission mixte.
Le Bilan dans les relations entre Haïti et la République Dominicaine ne saurait écarter les repères établis dans le cadre du fonctionnement de ladite Commission.
En effet, nous avons fait le constat d’un dysfonctionnement de la Commission mixte, qui s’est réhabilitée dans les grands moments de crise migratoire, à savoir lors des opérations de déportations et de rapatriements massifs des Haïtiennes et des Haïtiens de la République Dominicaine.
Il s’agit d’une Commission mixte en situation d’hibernation. Ce qui donne lieu à toutes formes de violations de droits humains dans les relations et des écarts du respect des principes de relations internationales et des dispositions liées aux traités et conventions en vigueur, dont le Traité de paix, d’amitié et d’arbitrage entre la République Dominicaine et Haiti du 20 février 1929. Un Traité, qui est évoqué dans la conjoncture actuelle pour aborder la crise dans les relations entre les deux États depuis la question de la percée d’un canal sur la Rivière Massacre, soit une ressource commune.
Est-ce qu’on peut parler de bilan dans des relations, marquées par le trafic de personnes, l’échange inégal, la contrebande et les rapines, le mépris des 22 territoires frontaliers des deux États, les plus exposés à la pauvreté.
Est ce qu’on peut parler de bilan quand le mécanisme apte à garantir des échanges et les évaluer est dysfonctionnel ?
La leçon à tirer est l’émergence de la société civile comme actrice pouvant orienter les politiques étrangères entre le deux États.
Malgré le désengagement des deux États dans la cause du développement transfrontalier, les populations ont su voir l’importance de la convivialité, en lieu et place d’une politique de division des communautés transfrontalières.
La décentralisation s’impose aussi comme alternative dans le cadre des politiques de coopération binationale. Il se profile le poids des mouvements sociaux dans la modification de relations de force entre les deux États.
Aussi, ce mouvement se dessine-t-il un modèle d’organisation, basée sur la mise en commun des populations face à des États désengagés.
Ainsi, peut-on constater des retombées dans les Cayes, où plusieurs hectares de terres sont mis en commun pour exploiter le petit-mil.
Les relations tendues entre la République Dominicaine et la république d’Haïti sont la trame, qui a largement caractérisé l’histoire de ces deux républiques. Des efforts d’ouverture et de rapprochement ont été quelquefois notés. Malgré leur caractère éclair, ils méritent d’être capitalisés. Les obstacles, défis et enjeux dans les relations entre les deux pays ne sauraient être de l’ordre de fatalisme.
Aussi, à la lumière de réflexions, de concertation et de l’éducation à la citoyenneté, y a-t-il lieu de garantir des politiques binationales en matière de migration, frontière et sécurité.
La République Dominicaine, qui est la voisine immédiate de la république d’Haïti, avec un enchevêtrement territorial de 22 communes frontalières, en majeure partie en situation d’extrême pauvreté, devra partager une stratégie de développement binational durable. Ce, en raison du principe de l’interdépendance et de la mise en œuvre d’un agenda de coopération, pour explorer des perspectives communes dans la recherche, la prévention, la sécurité humaine et la promotion des droits humains, pour intervenir sur les aléas économiques, sanitaires, environnementaux et culturels.
[1] Spécialiste en Relations internationales