Le partage de gâteau à la direction politique en Haïti serait une porte ouverte à l’aggravation de la corruption actuelle. Le partage de gâteau entraînerait « des conséquences néfastes sur le fonctionnement du gouvernement et l’organisation sereine du processus électoral », avertit le mouvement Montana. Tout en réduisant la grave crise multidimensionnelle en Haïti à une simple crise électorale, le document du Groupe de personnalités éminentes (Gpe) de la Caricom ignore également « la nécessité d’entreprendre des réformes transitionnelles pour créer les conditions d’une élection non contestée, encourageant la participation des électrices et des électeurs ».
P-au-P., 07 déc. 2023 [AlterPresse] --- Le Bureau de suivi de l’accord (Bsa) du 30 août 2021, connu sous le nom d’accord de Montana, assimile le projet de cadre de transition du Groupe des éminentes personnalités (Gep) de la communauté des Caraïbes (Caricom) à un renforcement et une légitimation de la présence au pouvoir du premier ministre de facto Ariel Henry, dans une note critique dont a pris connaissance l’agence en ligne AlterPresse.
En choisissant d’imposer le premier ministre de facto en place, en renouvelant son mandat pour 18 mois, le Gpe, « sans offrir d’autres options, renforce ainsi ce point de blocage, que représente la présence du premier ministre de fait », estime le Bsa.
En plus, le fait de vider le Conseil de transition (Ct) de ses réelles attributions présidentielles et de réduire à sa plus simple expression l’organe de contrôle de la transition « révèle sans ambiguïté » l’ambition du Gpe de renforcer et d’essayer de légitimer les pouvoirs d’Ariel Henry et de ses alliés, met en garde le Bsa.
Le projet de cadre de transition, proposé au cours du mois de novembre 2023 par le Gpe, suggère de mettre en place une structure gouvernementale de transition en Haïti, pour mettre fin à l’impasse politique prolongée.
La durée de la transition ne devrait pas dépasser 18 mois après la conclusion de l’accord.
Ce dispositif de gouvernance de transition devrait permettre, selon le Gpe, de « faire face à la crise sécuritaire, d’ouvrir la voie à la sortie de l’impasse politique et de poursuivre un retour durable à la légitimité, la démocratie et la normalité, grâce à des élections libres, équitables et inclusives ».
Un Conseil de transition (Ct) révisé, composé de sept personnalités représentant les secteurs politique (4), privé (1), religieux (1) et la société civile (1), devrait être installé dans les 14 jours suivant la conclusion dudit accord, recommande le Groupe de personnalités éminentes de la Caricom.
Le Gpe de la Caricom a décidé unilatéralement de proposer la constitution d’un Ct de 7 membres, sans discussion avec les parties prenantes, rejette le Bureau de suivi de l’accord de Montana.
Les attributions du Ct, proposé par le Gpe, s’écartent de la Constitution haïtienne, reproche le Bsa, tout en appelant à se rapprocher de la loi mère « en vue d’instaurer un ordre institutionnel transitionnel, de rétablir les institutions de la république et de mettre fin au chaos dans l’appareil de l’État, conditions indispensables à la tenue d’élections non contestées ».
La logique du partage de gâteau
En préconisant la formation d’un nouveau gouvernement, en termes de pourcentage alloué au premier ministre de fait, le projet de cadre de transition de la Caricom « circonscrit son consensus politique dans un partage de gâteau, caractéristique de la coalition au pouvoir depuis juillet 2021, avec les résultats catastrophiques connus et vécus par la population », désapprouve le Bsa.
Une telle proposition constituerait un handicap à la coordination et à l’unité de l’équipe gouvernementale, avertit-il, soulignant combien le partage de gâteau serait une porte ouverte à l’aggravation de la corruption actuelle.
Le partage de gâteau entraînerait « des conséquences néfastes sur le fonctionnement du gouvernement et l’organisation sereine du processus électoral », prévient-il.
Tout en réduisant la grave crise multidimensionnelle en Haïti à une simple crise électorale, le document du Gpe ignore également « la nécessité d’entreprendre des réformes transitionnelles pour créer les conditions d’une élection non contestée, encourageant la participation des électrices et des électeurs », de l’avis du Bsa.
Il appelle les formations progressistes nationales, les citoyennes et citoyens, à mobiliser leurs forces pour faire échec à « ce projet abject » de la Caricom.
L’idée du gouvernement de facto d’élargir le Haut conseil de transition (Hct) est rejetée par plusieurs partis politiques de l’opposition, dont le parti politique Rasanbleman sosyalis pou yon inisativ nasyonal tou nèf (Rasin kan pèp la), signataire de l’accord de Montana.
Cet élargissement constituerait une nouvelle redistribution de faveurs et non une solution à la crise en Haïti, estime le parti politique Rasin kan pèp la.
Une énième visite de la Caricom en Haïti
Les émissaires de la Caricom effectuent leur quatrième visite en Haïti, du mercredi 6 au jeudi 14 décembre 2023, en vue de faciliter un accord entre les protagonistes politiques, pour une issue à la crise.
Entre les mercredi 8 et mardi 14 novembre 2023, ils ont effectué leur troisième visite en Haïti, en vue de poursuivre les efforts visant à parvenir à un accord entre les parties prenantes, qui devrait permettre de mettre fin à l’impasse politique prolongée depuis plusieurs années.
Du lundi 4 au dimanche 10 septembre 2023, ils avaient également séjourné, en Haïti, en vue de tenter de trouver une solution à la crise.
La délégation de la Caricom était composée, entre autres, de trois anciens premiers ministres (Kenny Anthony de Sainte-Lucie, Perry Christie de l’archipel des Bahamas et Bruce Golding de la Jamaïque) ainsi que de l’ambassadeur trinidadien Colin Granderson.
Du mercredi 12 au samedi 15 juillet 2023, les éminentes personnalités de la Caricom avaient encore séjourné à Port-au-Prince, sans parvenir à trouver un accord entre les protagonistes haïtiens.
Un sommet inter-haïtien, a été organisé à Kingston (Jamaïque), du dimanche 11 au mardi 13 juin 2023, sous les auspices de la Communauté des Caraïbes (Caricom), afin d’entamer les discussions sur la conjoncture politique et sécuritaire. [emb rc apr 07/12/2023 11:25]