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Criminalité : Les Nations unies déplorent un manque de volonté de l’État pour contrecarrer la terreur des gangs armés en Haïti

P-au-P., 28 nov. 2023 [AlterPresse] --- Le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (Binuh) et le bureau du Haut-commissariat des Nations unies aux droits humains (Hchr) critiquent le manque de volonté des autorités haïtiennes pour s’attaquer à la terreur des gangs armés, qui s’intensifie sur le territoire national, lors de la présentation d’un rapport d’enquête sur la situation des droits humains dans le département de l’Artibonite, le mardi 28 novembre 2023, à laquelle a assisté l’agence en ligne AlterPresse.

Dans ce rapport présenté par le directeur de la division des droits humains du Binuh, Arnaud Royer fait état de plus de 1,690 personnes tuées, blessées ou enlevées dans plusieurs communes et localités du Bas-Artibonite, où la terreur des gangs connaît une accélération sans précédent depuis le mois de juillet 2022.

« Cette terreur est caractérisée par des meurtres, enlèvements, viols, attaques de propriétés agricoles et de véhicules de transport en commun et des viols », précisent le Binuh et le Hchr.

Dans ces attaques, qui font désormais partie de la vie quotidienne de la population, les bandits, armés de fusils gros calibres, n’hésitent pas à exécuter les membres des communautés locales de villages, considérés comme « rivaux », et à brûler des personnes enlevées pour forcer leurs familles à payer les rançons.

À cela, s’ajoute l’utilisation des violences sexuelles comme une arme contre les femmes, voire même les jeunes filles.

Les gangs, responsables de cette situation de terreur dans le département de l’Artibonite, sont au nombre de 20, dont les plus violents sont la Brigade d’autodéfense Coalition de Jean Denis - opérant dans plusieurs localités de la commune de Petite Rivière de l’Artibonite -, les gangs de Descahos dans la commune des Gonaïves, Gran grif dans la localité de Savien à Petite Rivière de l’Artibonite, Kokorat san Ras - opérant particulièrement dans la localité de Lacroix Périsse, dans la commune de l’Estère -, Ti Grif opérant à Liancourt, celui de Raboteau aux Gonaïves et treize autres groupes d’autodéfense dans les communes de l’Estère, Petite Rivière de l’Artibonite et Verrettes, énumère le rapport du Binuh et du Hchr.

Ces gangs, qui utilisent des voitures et motocyclettes pour se déplacer, sont alimentés en armes et en munitions à partir des alliances locales et départementales.

Ils développent des alliances avec des personnels de police, sur la base de leurs intérêts. Mais aussi, ils développent des alliances avec des gangs de Port-au-Prince, dont celui de Village de Dieu qui voudrait étendre son contrôle au niveau du département de l’Artibonite, poursuit le document.

Ces groupes criminels de l’Artibonite recevraient des appuis d’acteurs politiques et économiques extrêmement influents, dont les anciens sénateurs Youri Latortue et Garcia Delva et l’ancien député Prophane Victor, sanctionnés par le Canada et les États-Unis d’Amérique, soulignent le Binuh et le Hchr.

Violation systématique des droits humains

Entre janvier 2022 et octobre 2023, les 20 bandes criminelles opérant dans le département de l’Artibonite ont fait plus de 1,694 victimes, incluant des morts, des actes d’enlèvement et des blessures, suivant les données publiées par le Binuh et le Hchr dans ce rapport.

70% des victimes sont des hommes, 30 % sont des femmes et des enfants.

Au moins 110 attaques de villages rivaux, occasionnant la mort et des blessures chez 292 personnes, ont été enregistrées dans 7 localités, relève le rapport.

Aux attaques des villages, s’ajoutent celles commises contre les véhicules de transports en commun.

Plus de 1,118 personnes ont été enlevées. 75% de ces actes de kidnapping ont été perpétrés sur la route nationale numéro 1, au niveau des localités de La croix Périsse et Ti Bwadòm par le gang Kokorat san Ras et au niveau de Kafou Pèy par le gang Gran Grif , avec des conséquences désastreuses sur le plan psychosocial et financier pour les victimes et leur proches, signale le rapport.

Il mentionne également de nombreux actes de violence sexuelles, perpétrés par les gangs pendant et après l’enlèvement des passagères et passagers des véhicules de transports en commun,

A titre d’exemples, 15 femmes ont été violées en mai 2023 par le gang Gran Grif et 13 autres violées en novembre 2022 par le gang Kokorat San ras à Ti Bwadòm.

Destruction des biens et propriétés agricoles

Dans le département de l’Artibonite, réputé pour ses potentialités agricoles, les attaques contre des installations et des champs agricoles deviennent une autre manifestation de la terreur des gangs armés.

De juillet 2022 à octobre 2023, plus de 300 habitations agricoles ont été détruites, lors d’attaques contre les villageoises et villageois de Liancourt, Moreau-Dwèt et Petite Rivière de l’Artibonite.

Le Binuh et le Hchr denoncent la mort de 6 personnes et l’incendie de plus d’une douzaine de maisons, lors d’une attaque du gang Gran Grif contre la localité de Barrière Léon, dans la commune de Petite Rivière de l’Artibonite, au cours de laquelle les gangs ont utilisé des engins lourds de l’Organisme de développement de la vallée de l’Artibonite (Odva).

Le Binuh et le Hchr déplorent un manque et une insuffisance des opérations policières pour tenter de mettre les bandits hors d’état de nuire.

Ils pointent aussi le dysfonctionnement de la justice pour le rétablissement d’un climat de paix dans le département de l’Artibonite.

Renforcement de la Pnh et le déploiement de la Mmas

Forts de ce climat de terreur imposé par les gangs armés sur le territoire national, le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti et le bureau du Haut-commissariat des Nations unies aux droits humains plaident pour le renforcement des forces de police, tout en souhaitant le déploiement, le plus rapidement possible, de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (Mmas).

Ils exhortent le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (Onu) à mettre à jour la liste des personnes et entités visées par les sanctions.

Ils estiment également urgent de fournir de l’assistance humanitaire et d’autres mesures adaptées, face à la propagation de la violence en milieu rural, à la fois pour renforcer la résilience des agricultrices et agriculteurs en proie à la violence, mais aussi pour fournir les capacités aux communautés rurales de prévenir les violences par la mise en place de mécanismes non violents de résolution des conflits. [psf emb rc apr 28/11/2023 15:25]