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Crise : Le géographe Jean-Marie Théodat très sceptique face à la mission de la Caricom et à la Mmas en Haïti

P-au-P., 13 nov. 2023 [AlterPresse] --- Le géographe et professeur d’Université, Jean-Marie Théodat, exprime son scepticisme par rapport à la mission de la Communauté des Caraïbes (Caricom) qui séjourne, du mercredi 8 au mardi 14 novembre 2023, en Haïti, en vue de trouver un consensus politique débouchant sur une sortie de crise dans le pays, à l’émission TichèzBa, diffusée sur AlterRadio 106.1 Fm et sur diverses autres plateformes Internet.

« La Caricom qui représente un consortium de pays regroupant la Jamaïque, Surinam, Trinidad et Tobago, les Bahamas, entre autres, serait susceptible de jouer un rôle sur le plan diplomatique. Mais, sur le plan militaire, elle ne représente pas grand-chose », minimise-t-il.

« Les missions de pacification posent un défi à la fois technique, tactique et stratégique. Il faut non seulement posséder des équipements militaires, des armes et de bons et braves soldats, mais encore détenir un discours (soft power) qui peut rallier le peuple et obtenir sa sympathie et confiance ».

Si le peuple vous voit comme une armée d’invasion, ce sera l’échec, met-il en garde.

Le géographe et professeur d’Université, Jean-Marie Théodat, signale une dégradation de la situation, caractérisée par un contexte mafieux alimenté par des hommes d’affaires, politiciens et hommes d’État en connivence avec des réseaux de trafic de drogue et d’armes, qui servent de passerelle à un trou noir institutionnel.

Il souhaite une solution haïtienne à la crise multidirectionnelle, tout en appelant à profiter de la situation pour renforcer ou réformer la police et l’armée.

Theodat recommande de constituer des gardes nationaux par départements avec un véritable encadrement de l’État.

« Si les pays étrangers viennent nous aider véritablement, en contribuant à la professionnalisation de nos forces de police et militaires, pour que celles-ci puissent elles-mêmes affronter les problèmes actuels, nous aurons les énergies nécessaires pour combattre les gangs armés ».

« La mission kenyane est sous-dimensionnée par rapport à l’ampleur du défi. Il est temps, au niveau de l’État et du mouvement Montana, de sauver la face et d’éviter un bain de sang », estime Jean-Marie Théodat.

Le Bureau de suivi de l’accord du 30 août 2021 (Bsa), appelé accord de Montana a évoqué ses doutes quant aux velléités de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (Mmas), prévue pour être déployée en Haïti, de combattre la criminalité et de soulager la population, dans une note publiée en cours du mois d’octobre 2023.

Cette force multinationale accepte de collaborer avec un pouvoir de facto, « qui a précipité le démantèlement des institutions étatiques, aggravé le chaos et provoqué la désespérance de la population », met en avant le Bsa.

Le mouvement Montana continue de plaider en faveur de l’avènement préliminaire d’un gouvernement de sauvetage national, issu d’un consensus suffisant et « formé de personnalités honnêtes, crédibles, compétentes, non partisanes, jouissant de la confiance de la population, capables de mobiliser la réserve inépuisable d’énergie patriotique et civique du peuple haïtien, pour le relèvement du pays et de la société ».

« L’entêtement à soutenir à bras le corps un régime de facto honni, de connivence avec des gangs qui terrorisent la population, héritier d’un coup d’État sanglant, fortement suspecté de crimes contre l’humanité, entache de doutes légitimes, voire de suspicion, même les meilleures dispositions contenues dans la résolution ».

Le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (Onu) a adopté, le lundi 2 octobre 2023, une résolution pour le déploiement d’une Mission multinationale d’appui à la sécurité (Mmas) en Haïti, suite à la demande, le 7 octobre 2022, du gouvernement de facto.

La Mmas doit fournir un appui opérationnel à la Police nationale d’Haïti (Pnh), notamment renforcer ses capacités par la planification et la conduite d’opérations communes d’appui à la sécurité, selon cette résolution.

Elle s’emploiera « à lutter contre les bandes et à améliorer les conditions de sécurité dans le pays, où règnent enlèvements, violences sexuelles et fondées sur le genre, traite des personnes, trafic de migrants, contrebande d’armes, homicides, exécutions extrajudiciaires et recrutement d’enfants par des groupes armés et des réseaux criminels », selon la résolution adoptée avec 13 voix pour et deux abstentions (la Chine et la Fédération de Russie).

Ce vote, intervenu dans un contexte marqué par une grave criminalité en Haïti, est qualifié « d’historique » par plusieurs pays membres, alors qu’ un goût amer persiste à propos des diverses missions étrangères déployées dans le pays durant les dernières décennies.

Entre les 1er janvier et 9 septembre 2023, trois mille homicides, plus de 1,500 victimes d’enlèvements contre rançons et quelque 200 mille personnes déplacées, à cause des violences, ont été enregistrées en Haïti, selon un nouveau rapport des Nations unies. [emb rc apr 13/11/2023 14:20]

Photo : Page Facebook de Jean-Marie Théodat